Intervention de Ian Boucard

Séance en hémicycle du jeudi 4 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 55

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

Les Français n'en peuvent plus de voir leurs grandes entreprises rachetées par des puissances étrangères, et ils sont forcément très favorables à la défense de nos intérêts stratégiques. Cet article crucial pourrait permettre de mieux les défendre – s'il ne manquait cruellement d'ambition, malgré quelques avancées que je saluerai en temps voulu.

Il faut en particulier mieux protéger notre industrie. Je sais que certains de nos collègues de la majorité considèrent que les secteurs stratégiques, désormais, ce sont ceux de l'intelligence artificielle et des nouvelles technologies. Ils le sont à coup sûr, mais ils ne sont pas les seuls. Notre pays a toujours été un grand pays industriel, et il doit le rester.

Or, depuis quelques années, notre industrie a été mise à mal par une protection inadéquate. On ne peut pas se cacher derrière de prétendues règles européennes : les Allemands, soumis aux mêmes règles que nous, protègent bien mieux leurs entreprises.

Je suis évidemment particulièrement sensible à cette question en tant qu'élu de Belfort, ville qui était le berceau historique d'Alstom, entreprise vendue avec la bénédiction d'Emmanuel Macron – Alstom Power a été cédée à General Electric alors qu'il était conseiller du Président de la République François Hollande, puis la partie transports l'a été lorsqu'il était lui-même Président de la République. Demain, cette entreprise – qui, pour la petite histoire, s'était installée à Belfort après la guerre de 1870 pour ne pas devenir prussienne – ne sera plus française. C'est un déchirement pour tous les ouvriers, tous les élus locaux, tous les habitants de la ville de Belfort et, au-delà, pour tous ceux qui sont attachés à cette entreprise, qui avait créé le train à grande vitesse, le TGV.

Je vous remercie, monsieur Kasbarian, d'avoir rappelé que, dans cette histoire, l'État n'a pas joué son rôle. Je voudrais souligner que, en revanche, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, avait sauvé Alstom en 2004 : l'État était entré au capital de l'entreprise pour lui permettre de demeurer française et de continuer à vivre.

Je voudrais également vous parler un peu d'indépendance stratégique. Imaginons que nos relations avec les États-Unis du président Trump se compliquent, et que nous souhaitions construire un réacteur nucléaire : nous ne pourrions plus le faire seuls ; il nous faudrait l'accord des Américains. Imaginons – c'est certes plus difficile – que nos rapports avec l'Allemagne deviennent conflictuels : peut-être ne pourrions-nous plus construire seuls un train à grande vitesse ; il nous faudrait l'accord de Mme Merkel.

Il n'y a pas de mariage entre égaux ici ; cela n'existe d'ailleurs pas en économie. Notre pays doit se doter d'une vraie loi de protection de nos entreprises, afin d'éviter que nos fleurons ne changent de drapeau dans les années à venir.

Je salue à mon tour le travail de grande qualité de la commission d'enquête, dont le président était Olivier Marleix et le rapporteur Guillaume Kasbarian. J'ai eu le plaisir de les recevoir à Belfort, et j'ai participé aux conclusions de la commission. Certes, nos options diffèrent – notre collègue Bastien Lachaud défend ainsi des positions très différentes des miennes comme des vôtres, monsieur Kasbarian.

Je regrette que les conclusions de la commission, qui étaient très intéressantes, n'aient pas davantage été intégrées à ce projet de loi ; il est dommage que la réflexion approfondie, particulièrement constructive, de nombreux parlementaires qui ont su travailler ensemble pour comprendre ce qui s'était passé et faire des propositions pour l'avenir soit pour l'essentiel absente de cet article 55. M. Kasbarian défendra quelques amendements qui en sont issus, et je les voterai bien volontiers – je crois pouvoir dire qu'Olivier Marleix en ferait de même s'il pouvait être là ce soir.

Mais il me semble que l'essentiel est absent : c'est pourquoi nous avons déposé des amendements qui visent à préciser l'article 55, à lui donner un peu plus d'ambition, bref à mieux protéger nos entreprises stratégiques.

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