Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 22h00
Création d'un répertoire des maladies rares ou orphelines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe la France insoumise votera en faveur de cette proposition de loi s'il lui est donné la possibilité de le faire ce soir. Je le dis d'emblée car, pour nous, il n'est sur ce sujet aucune hésitation ni tergiversation qui tienne : on ne peut pas décemment être contre une loi visant à soulager des milliers de malades et leurs familles, notamment dans des situations où l'avancée médicale ne peut pas guérir et peine souvent à soulager.

Une maladie est rare, rappelons-le, quand sa prévalence, c'est-à-dire le nombre de cas par rapport à une population donnée, est faible. La définition européenne est de 1 pour 1 000, ce qui signifie qu'une maladie rare peut toucher en France jusqu'à 30 000 personnes. Aujourd'hui plus de 3 millions de nos concitoyens et de nos concitoyennes en sont victimes. Si le nombre de personnes atteintes peut apparaître relativement faible du fait de leur grand nombre, il y a plus de cas de maladies rares en France que de cas de cancers, par exemple.

Les maladies rares sont souvent des maladies dites « orphelines ». Cela signifie qu'il n'existe pas de traitements, notamment à cause de leur faible prévalence, qui ne stimule pas la recherche : le marché d'un traitement est trop limité, du point de vue des profits à en tirer, pour provoquer l'investissement. C'est d'ailleurs une des nombreuses raisons pour laquelle La France insoumise défend le fait que la santé est un bien commun qui doit échapper à la logique de rentabilité et la nécessité que la puissance publique investisse beaucoup plus en matière de recherche, y compris et surtout dans les domaines jugés non rentables du point de vue étroitement économique mais qui le sont certainement du point de vue de l'intérêt général.

En France, des centres de référence maladies rares, les CRMR, sont répartis sur le territoire avec pour objectifs le suivi des malades et l'information des professionnels de santé et la recherche. Mais force est de constater que l'organisation actuelle crée des barrières inutiles, lassantes et trop souvent décourageantes à l'accès à des autorisations ou des dérogations qui, pour d'autres personnes, non atteintes de maladies rares, seraient plus facile. Cette situation pousse de plus les malades, leurs familles ou leurs proches à devoir expliquer et réexpliquer constamment les spécificités d'une maladie vécue pourtant quotidiennement.

L'absence d'un fichier comme celui proposé dans ce texte est sans conteste une source d'exclusion basée spécifiquement sur le caractère rare de ces maladies. Pour lutter contre le parcours de combattant administratif des personnes atteintes d'une maladie rare, cette proposition de loi prévoit la création d'un répertoire de toutes les dérogations liées à une maladie rare et orpheline, à destination des organismes publics. L'idée est de permettre la consultation rapide de ce répertoire attestant de l'existence des maux dont souffre une personne qui réclame une dérogation ou une autorisation quelconque : tiers temps pour un examen, vitres teintées pour une voiture, matériels divers. Il s'agit d'un simple répertoire, sans mention de personnes ; il n'y a donc ici pas de risque d'atteinte à la vie privée. De notre point de vue, ce répertoire ne serait pas redondant avec le dispositif Orphanet, déjà existant, mais complémentaire puisqu'il permettrait, je le répète, de faciliter un grand nombre de démarches administratives. Si nous faisons tous le constat des difficultés que rencontrent nos concitoyens et concitoyennes atteints de ces maladies rares, il est incompréhensible, je le répète, de ne pas vouloir se doter d'outils qui pourraient améliorer leur quotidien. Cette proposition de loi vient remédier à une exclusion coupable du système juridique français ; elle est bienvenue et nous la soutenons.

Même si nous déplorons, nous aussi, que la majorité ait choisi de déposer une motion de rejet préalable, ce qui empêchera d'aller au bout de l'examen du texte, je voudrais profiter de la tribune qui nous est donnée dans ce débat pour parler à mon tour d'une maladie rare : la drépanocytose. Cette maladie touche 150 millions de personnes dans le monde et 26 000 en France. Il s'agit de la maladie génétique la plus fréquente dans notre pays. Elle impacte le transport de l'oxygène à tous les tissus et organes par les globules rouges. L'espérance de vie des personnes atteintes de drépanocytose a augmenté, passant de vingt-deux ans en moyenne au début des années 1980 à quarante ans à la fin des années 2000, mais l'espérance de vie des personnes non diagnostiquées est de douze ans. La recherche sur cette maladie rare et la prise en charge des personnes atteintes a donc un réel impact, non seulement en termes de prolongement de l'espérance de vie mais aussi sur le déroulement psycho-médico-social de la vie, c'est-à-dire sur la qualité de vie. C'est une fois le diagnostic posé que les démarches administratives peuvent être enclenchées en matière de droits sociaux et que le parcours médical peut être intégré dans le quotidien.

Le dépistage peut être réalisé sur les nouveau-nés, à partir de deux mois, avec une prise de sang. Il est aujourd'hui systématique en France dans les territoires d'outre-mer et pour les publics dits « à risque ». Cette maladie rare touche en effet particulièrement les personnes originaires d'Afrique, du bassin méditerranéen et leurs descendants, mais pas exclusivement. Mais il n'est pas toujours possible de déduire l'origine des aïeux du physique des jeunes parents ; la réalité du métissage de la société française rend obsolète le ciblage ethnique en vigueur. Par conséquent, pourquoi ne pas rendre le dépistage systématique, partout en France, tout en prévoyant la possibilité pour les parents de le refuser ? Cette procédure de dépistage néonatal a déjà été automatisée en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

En réponse à une question orale du sénateur Georges Patient concernant la généralisation du dépistage sur le territoire, en avril dernier, vous aviez affirmé, madame la ministre, avoir de nouveau saisi l'HAS – la Haute Autorité de santé – de cette question. Dans la lignée de ce que j'espère être l'adoption, ce soir, de cette proposition de loi – même si j'en doute au vu des précédents de la journée – , nous espérons que des actions visant à systématiser le dépistage de la drépanocytose dès le plus jeune âge seront prises le plus rapidement possible.

En attendant, il nous semble véritablement utile, non redondant et important d'adopter tous ensemble la mesure proposée par l'opposition, qui devrait améliorer le quotidien de nos concitoyens et de nos concitoyennes, et permettrait, y compris à l'administration, une meilleure visibilité sur ces difficultés. Cela nous semble devoir faire l'unanimité. En tout cas, c'est ce quoi nous vous appelons, et, si l'occasion nous en est donnée, nous voterons pour la proposition de loi.

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