Intervention de Laurianne Rossi

Séance en hémicycle du lundi 15 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurianne Rossi, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à l'exercice budgétaire 2019 constitue la traduction budgétaire des engagements forts pris par le Gouvernement, entièrement tournés vers l'investissement, le pouvoir d'achat et un plus grand partage des fruits d'une croissance retrouvée.

Il est également fidèle aux engagements environnementaux inédits pris par le Gouvernement, au service d'une transition écologique et solidaire à laquelle les moyens alloués sont sans précédent. J'indiquais l'an dernier, à l'occasion du premier budget du quinquennat, que la fin de la diète budgétaire pour l'environnement avait sonné. Ce deuxième budget du quinquennat tient d'autant plus encore cette promesse qu'il augmente à nouveau les crédits du ministère de la transition écologique et solidaire et de ses opérateurs de 3,1 %, soit une hausse de 1 milliard d'euros et un total de 34,2 milliards pour la seule année 2019.

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, dont j'ai l'honneur de rapporter l'avis sur ce projet de loi de finances, salue cet effort budgétaire à la hauteur des enjeux de transition écologique et solidaire et des objectifs climatiques ambitieux qui sont les nôtres.

Les articles 7, 8, 19, 32 et 33, sur lesquels notre commission a été saisie, témoignent de la volonté gouvernementale de soutenir les comportements vertueux, mais aussi de pénaliser les produits et les pratiques les plus polluants, à travers notamment la mise en place d'une fiscalité environnementale juste et incitative. Ils renforcent également les moyens alloués aux énergies renouvelables et à la mobilité propre.

Face aux constats dressés depuis plusieurs années sur la quantité de déchets que nous générons, et dans le sillage de la feuille de route pour l'économie circulaire, il était nécessaire d'instituer une fiscalité à même d'inciter aux comportements les plus vertueux. Ce n'est rien de moins que ce que propose l'article 7 de ce projet de loi de finances, qui réaménage profondément le régime de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères – TEOM – en prévoyant la généralisation de la mise en oeuvre de la part incitative de cette taxe par les collectivités locales. Pour rappel, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative – TEOMI – , comme on appelle la part incitative de la TEOM, permet de prendre en compte le volume des déchets générés dans le montant de la taxe, ce qui la décorrèle en partie du montant de la taxe foncière, donc de la valeur locative du bien. Ce nouveau mécanisme fiscal permettra d'offrir aux collectivités comme aux contribuables un cadre adapté à la mise en place de la part incitative, fidèle au principe du pollueur-payeur. Nul doute que la TEOMI concourra à la réduction des 600 kilos de déchets générés chaque année par chacun de nos concitoyens, dont deux tiers demeurent non recyclables.

Toutefois, la mise en place de ce dispositif plus vertueux n'est pas sans conséquences financières pour nos collectivités : elle appelle donc un soutien et un accompagnement de la part de l'État. La progressivité et l'accompagnement seront les conditions de la réussite de cette transition. Je me réjouis donc que la commission des finances ait envoyé le signal attendu par les collectivités locales en adoptant mon amendement visant à étendre à cinq ans la durée pendant laquelle les frais de gestion perçus par l'État au titre de la TEOMI seront réduits.

La gestion des déchets dans notre pays entraîne encore des situations ubuesques, où le recyclage coûte plus cher que la mise en décharge ou l'incinération. C'est bien la correction de cette anomalie que propose l'article 8, à travers l'augmentation de la composante relative aux déchets de la taxe générale sur les activités polluantes – TGAP. Cette nouvelle trajectoire permettra de rétablir la hiérarchie du traitement des déchets en privilégiant les opérations de recyclage aux opérations de stockage ou d'incinération.

Toutefois, il est nécessaire de valoriser davantage les installations qui oeuvrent en faveur de l'économie circulaire et d'un monde plus durable. C'est pourquoi notre commission vous proposera l'institution d'un abattement de 50 % de la TGAP-déchets en faveur des centres de tri performants, afin de valoriser les déchets faisant actuellement l'objet d'un refus de tri.

Par ailleurs, nous nous réjouissons de l'adoption par la commission des finances de notre amendement visant à mettre fin à l'inscription de l'huile de palme dans la liste des biocarburants éligibles à la minoration du taux du prélèvement supplémentaire à la TGAP. Initié par mon collègue Vincent Thiébaut, cet amendement permettra assurément de lutter contre le fléau de la déforestation importée.

Cependant, si le renforcement de la TGAP-déchets est à saluer, il ne va pas toujours au bout de la démarche. En effet, il est urgent d'aborder le déchet dans l'ensemble de son cycle de vie, en phase amont comme en phase aval. Nos collectivités et les contribuables ne peuvent être les seuls à assumer le coût de la collecte, de la gestion et du recyclage des déchets. Un déchet est avant tout un produit, et un bon déchet est d'abord un déchet qui n'existe pas. Il est temps de responsabiliser les acteurs économiques et d'agir sur la conception et la fabrication mêmes des produits. C'est pourquoi il vous sera proposé de mettre à contribution ces acteurs économiques afin que les entreprises produisant des déchets non recyclables soient également actrices de la transition écologique.

Afin de répondre à cette problématique et sans pour autant créer de taxe, nous vous proposerons un amendement visant à instituer une éco-contribution sur les produits manufacturés non recyclables, conformément aux ambitions de la feuille de route pour l'économie circulaire et à l'esprit de l'article 8 de ce projet de loi de finances.

Ce budget 2019 marque aussi la fin du soutien aux énergies les plus polluantes, avec la disparition des tarifs réduits de TICPE sur le gazole non routier, prévue par l'article 19 du PLF. La suppression des tarifs réduits des carburants non routiers est un choix que nous assumons, car il permettra d'accroître l'incitation des acteurs à se détourner des énergies fossiles au profit d'énergies plus propres. Certes, l'article 19 n'est pas sans incidence pour plusieurs secteurs, notamment celui du BTP, mais la suppression de cette exonération répond aux objectifs ambitieux que notre pays et la communauté internationale se sont fixés en matière environnementale.

Dans le parfait esprit de l'article 19, nous espérons que la fin de ce tarif réduit sera suivie par la suppression d'autres niches fiscales défavorables à notre environnement. C'est ce sens que nous vous proposons la suppression de l'exonération de TICPE sur le transport maritime privé de voyageurs, notamment sur les paquebots de croisière, qui émettent autant de particules fines qu'un million de voitures. En parallèle, je vous proposerai, au nom de ma commission, d'exonérer de TICPE le transport public fluvial de voyageurs, afin de rétablir une équité modale dans le transport public de voyageurs, le ferroviaire étant déjà exonéré.

Notre commission vous proposera également un suramortissement pour les véhicules utilitaires légers à carburant alternatif propre tel que le bio-méthane, l'électricité ou le carburant ED 95, afin que les leviers fiscaux de la transition énergétique profitent également aux véhicules de 2,6 à 3,5 tonnes.

Ce budget fait le choix d'une hausse de la fiscalité carbone, et nous l'assumons car cette trajectoire est indispensable. Notre commission vous proposera de mettre en place un mécanisme de redistribution fiscale afin d'aider les ménages les plus modestes, notamment en milieu rural, à investir pour réduire leur consommation énergétique, que ce soit dans le domaine des mobilités ou du logement.

Toujours en matière de mobilité propre et soutenable, je vous proposerai de consacrer les services de transports publics quotidiens au rang de services publics de première nécessité, à travers l'application d'un taux de TVA ramené à 5,5 %. Cette consécration permettra de remettre la mobilité du quotidien à sa juste place – nous y oeuvrons – tout en donnant des marges de manoeuvre financières nouvelles aux autorités organisatrices de transport ou de la mobilité, à l'aune de la future loi d'orientation des mobilités.

L'article 32 ajuste les montants de recettes affectées à des comptes d'affectation spéciale. Ainsi, le CAS « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », qui permet d'équilibrer le financement des trains d'équilibre du territoire, voit le produit affecté de la taxe due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes ramené de 141 à 117 millions d'euros. Ce montant est néanmoins suffisant pour financer les dépenses prévues dans le cadre de l'exercice budgétaire 2019.

L'article 32 augmente également les moyens consacrés aux énergies renouvelables à travers le CAS « Transition énergétique », qui voit la fraction de TICPE qui lui est affectée augmenter de 1,3 % – une hausse qui mérite d'être soulignée. Pour rappel, ce CAS sert de support budgétaire au financement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables en électricité ou en gaz. Nous pouvons donc saluer l'augmentation des moyens budgétaires alloués à cette politique publique. Pour autant, nous aurons besoin de davantage de visibilité et de lisibilité quant à l'affectation de ces moyens supplémentaires aux différentes énergies renouvelables. Mais la programmation pluriannuelle de l'énergie apportera très prochainement des réponses plus précises à la représentation nationale.

L'article 33 modifie le barème du malus automobile : il abaisse le seuil d'application du malus et institue un barème progressif. Cette montée en puissance permettra d'accélérer encore la conversion de notre parc automobile en faveur de véhicules moins polluants, dont je tiens d'ailleurs à saluer le succès. Nous nous réjouissons déjà de l'adoption, par la commission des finances, de l'amendement visant à soumettre les véhicules de type « pick-up » au malus automobile. Néanmoins, la grille proposée comporte encore quelques imperfections concernant le diesel, que nous vous proposerons de corriger, à l'initiative de mon collègue Damien Pichereau.

Je souhaite appeler votre attention sur le bonus automobile, qui demeure du ressort réglementaire. La représentation nationale se voit ainsi privée de toute initiative ou débat législatif sur ce sujet, ce que nous regrettons. Nous serons donc particulièrement attentifs, dans le cadre de notre mission de contrôle, aux montants de ces dispositifs ainsi qu'aux véhicules ciblés.

Messieurs les ministres, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, vous nous aviez donné rendez-vous cette année sur un certain nombre de sujets tels que la taxe sur les gaz hydrofluorocarbures, dits « gaz HFC ». À l'issue d'un important travail de concertation mené avec l'ensemble des acteurs concernés, j'espère que nous avancerons collectivement sur ce sujet.

Pour conclure, je tiens sincèrement à saluer ce budget qui, comme l'an dernier, traduit avec ambition et sincérité nos engagements écologiques. L'ampleur du défi qui se pose à notre pays et à notre planète impliquera parfois d'aller au-delà des mesures proposées. Notre commission vous proposera ainsi ses amendements, équilibrés et pragmatiques, guidés par le souci de concilier urgence environnementale et accompagnement de tous les acteurs. Au nom de notre commission, je veux à nouveau saluer ces objectifs ambitieux et vous assurer de notre mobilisation pour les atteindre.

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