Intervention de Virginie Duby-Muller

Séance en hémicycle du lundi 3 juillet 2017 à 15h00
Débat sur la déclaration du président de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, nous avons achevé il y a quelques jours une campagne électorale qui a donné lieu, comme il est nécessaire en démocratie, à la confrontation des opinions et des projets. Notre nation a choisi : Emmanuel Macron est désormais notre chef d'État et nous souhaitons unanimement sa réussite à l'Élysée car son succès sera intimement lié à celui de la France.

Le Président de la République succède à d'illustres prédécesseurs, au premier rang desquels le général de Gaulle. Cette responsabilité l'engage. Il est devenu le garant du bon fonctionnement des institutions de la Ve République. Il incarne désormais la République française et son histoire.

Le Président de la République est également le garant du respect des droits de l'opposition : c'est un des fondements de notre pacte démocratique ; c'est la garantie de la vitalité de notre Parlement. Il doit veiller à préserver l'opposition et les contre-pouvoirs, en résistant à toute tentation hégémonique, qui serait par nature dangereuse et mortifère pour notre République.

Nous reconnaissons la légitimité que la majorité a acquise dans les urnes. Mais aucun calcul politicien ne doit la conduire à transiger avec les droits fondamentaux de l'opposition, qu'elle émane de sa gauche ou de sa droite.

Je fais partie des députés qui n'étaient pas donnés gagnants au soir du premier tour. Pourtant je me suis battue, et je suis là devant vous. La politique est bien souvent un combat des idées, vous le savez, tous et toutes, dans cette assemblée. Mais c'est aussi un espace de discussions, de propositions, de construction. Chacun doit pouvoir y donner son avis et l'avis de chacun doit pouvoir y être entendu. C'est là toute la noblesse de la politique.

Or, mercredi dernier, au coeur même de notre hémicycle, les droits de l'opposition ont été fortement mis à mal, à cause d'une manoeuvre de quelques députés qui n'ont pas respecté le fonctionnement et les usages de l'Assemblée nationale. Le Président vient de dénoncer le monde des petits arrangements. Nous venons, hélas ! de subir une triste résurgence de ce vieux monde.

Ne nous voilons pas la face : aucun des questeurs élus à l'Assemblée nationale ne représente un groupe de l'opposition. Tous ont été élus avec le soutien direct ou indirect du groupe La République en marche. Tous ont annoncé publiquement qu'ils voteraient la confiance au Gouvernement, sans même attendre de connaître le discours de politique générale du Premier ministre.

En résumé, le contrôle du budget et du fonctionnement de l'Assemblée nationale devient le monopole de députés favorables à la majorité. Les groupes d'opposition se retrouvent donc bien mal représentés dans la nouvelle assemblée.

Monsieur le Premier ministre, la majorité ne doit pas choisir son opposition. Le Président de la République a souhaité moderniser la vie politique en mettant fin aux vieilles pratiques politiciennes. Comment, dès lors, cautionner de tels agissements ? Car ceux qui ne respectent pas les divergences de points de vue défigurent ce que les Français ont mis tant d'années à construire. Ceux qui profitent du rouleau compresseur pour écraser les différences rabaissent la pratique parlementaire. Ceux qui refusent d'entendre le discours contradictoire déshonorent leur mandat. Je souhaiterais d'ailleurs citer Paul Ricoeur, particulièrement cher à Emmanuel Macron : « On n'excelle en rien sans tenir compte d'autrui. »

Une démocratie apaisée, ce n'est pas une démocratie dans laquelle tout le monde est d'accord mais une démocratie dans laquelle tout le monde s'écoute et se respecte. Nous attendons de vous une volonté ferme de construire ensemble la France de demain, en écoutant les représentants de la nation.

Monsieur le Premier ministre, une réforme de nos institutions vient de nous être annoncée. Certaines des propositions vont dans le bon sens et sont profondément nécessaires. Car entre l'organisation de nos institutions et la vie de la nation, il existe un lien étroit et fondamental.

Nous partageons une responsabilité commune : porter la voix de nos concitoyens, apaiser le débat démocratique et travailler ensemble au service de l'intérêt général.

Le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale vous suivra notamment dans votre volonté de réduire la prolifération législative, qui dessert notre action.

Nous craignons toutefois que la réforme institutionnelle, que vous appelez de vos voeux, se heurte à deux écueils majeurs : d'abord, elle risque de désavantager les territoires ruraux, qui deviendraient les grands oubliés de la représentation nationale ; ensuite, elle risque d'affaiblir les parlementaires, donc le pouvoir législatif.

En effet, avec une dose de proportionnelle dans les scrutins, la représentativité sera mécaniquement entravée. La proportionnelle, c'est le triomphe des partis et du centralisme jacobin. Elle ne permettrait plus aux habitants d'avoir un lien direct avec leur député. Les parlementaires seraient moins présents, donc moins connus, et donc moins identifiables. Ce serait un recul démocratique majeur. Il deviendrait aussi très difficile de sanctionner son député dans les urnes car les chefs seraient toujours réélus. Nous refusons donc de créer une assemblée hors sol, où des apparatchiks déconnectés des territoires prendraient le pouvoir.

Méfions-nous également de la méthode de réduction du nombre de parlementaires, si elle devait pénaliser les territoires ruraux,

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.