Intervention de Marielle de Sarnez

Séance en hémicycle du lundi 22 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 37 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères :

Il en va ainsi de la politique agricole commune : nous ne pouvons accepter la diminution budgétaire proposée par la Commission européenne. Une politique agricole commune ambitieuse est vitale pour la défense d'une agriculture de qualité et pour garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires de l'Europe. De même, la politique de cohésion, qui a favorisé la convergence et le décollage économique de nombreuses régions au bénéfice de toute l'Europe, doit être modernisée, simplifiée et pensée de façon plus fine, au profit des territoires les plus fragiles et les plus vulnérables. La répartition de ces fonds selon le seul critère du PIB par habitant n'est plus pertinente ; à l'évidence, nous avons besoin de nouveaux critères.

Refonder le budget, c'est aussi le mettre au service du projet européen de l'Union et de ses valeurs. Nous devons renforcer le lien entre l'octroi de financements européens et le respect des valeurs fondamentales de l'Europe : l'esprit européen, c'est cela même. Et nous devons compléter ce lien essentiel au respect de l'État de droit par des mécanismes d'incitation forte à la convergence fiscale et sociale européenne, laquelle n'a que trop tardé.

Les fonds structurels, comme le dit très justement notre rapporteur pour avis, ne sont pas là pour financer le dumping social et fiscal de certains États membres. Nous comptons sur le Gouvernement français pour réintroduire cette exigence dans les débats futurs.

Refonder le budget, c'est également réformer en profondeur son mode de financement. Celui-ci doit être plus équitable, plus moderne, plus européen, libéré de la logique du marchandage et du poison du juste retour, lequel n'est d'ailleurs juste en aucune façon. Le départ du Royaume-Uni offre une opportunité historique de mettre enfin un terme aux rabais, lesquels sont contraires aux principes de solidarité budgétaire, de lisibilité et d'équité. La Commission a proposé une suppression progressive, étalée sur cinq ans, de ces rabais : le n'est pas notre position. L'ensemble des rabais doivent disparaître, et le plus tôt sera le mieux.

De toute évidence, le prochain budget devra financer de nouveaux investissements pour permettre de faire face au départ du Royaume Uni, dans tous les cas de figure. À ce propos, je veux dire un mot sur les nouveaux corridors maritimes. La Commission européenne a proposé, dans un document réalisé apparemment sans concertation avec notre pays, de concentrer le fret venant d'Irlande sur les ports d'Europe du Nord, au détriment des ports français. Ce n'est pas acceptable ; la France ne doit ni ne peut l'accepter, et la Commission doit reformuler sa proposition.

Un budget européen lisible et compréhensible pour nos concitoyens devra s'appuyer sur des ressources propres, vraiment européennes. Des propositions sont sur la table – on en a déjà parlé – , au sujet desquelles des progrès doivent être faits, s'agissant en particulier de l'impôt sur les sociétés.

La France, contributeur majeur au budget de l'Union européenne, s'est dite prête à assumer un budget en expansion, tout en posant clairement certaines conditions : une modernisation des politiques, pour qu'elles soient plus efficaces et plus justes ; la création de nouvelles ressources propres ; la fixation de conditionnalités ; la suppression, aussi vite que possible, des rabais. Ces exigences, nous l'avons tous dit, sont fondées.

Je veux néanmoins vous faire part, madame la ministre, de notre inquiétude sur un point important. La Commission souhaite aboutir à un rapport final et global sur les grandes lignes du cadre financier pluriannuel avant même les élections européennes. Cela conduirait à imposer un cadre financier contraint au nouveau Parlement européen sorti des urnes et à la nouvelle Commission européenne mise en place à l'issue des élections, ce qui serait en totale contradiction avec la refondation démocratique dont l'Europe a tant besoin.

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