Intervention de Christophe Castaner

Séance en hémicycle du mardi 6 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Administration générale et territoriale de l'État

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

Pour amplifier cette dynamique, des moyens supplémentaires étaient nécessaires, même si certains préfèrent se contenter de paroles... Les préfets l'ont tous indiqué : l'un des facteurs qui limite leur action et conduit parfois à mettre en échec la mobilisation des services de l'État, c'est l'insuffisance du nombre de places en centre de rétention administrative – CRA. Depuis octobre 2017, 200 places ont été ouvertes dans ces établissements, mais il est nécessaire d'aller plus loin. C'est la raison pour laquelle le budget pour 2019 prévoit un plan d'investissement dans les CRA à hauteur de 48 millions d'euros.

Enfin, le troisième axe de notre politique, à savoir le changement d'échelle de notre politique d'intégration des étrangers, trouve lui aussi sa traduction dans ce projet de loi de finances. Pour offrir plus de perspectives à ceux qui arrivent légalement en France, pour combattre leur assignation à des identités, des quartiers, des difficultés que nous ne connaissons que trop bien, et donner à chacun les moyens de contribuer à la dynamique et à la diversité de notre nation, nos politiques d'intégration se doivent de changer de dimension.

Le projet de loi de finances dote ces politiques de 89 millions d'euros de crédits supplémentaires et de soixante-dix agents qui seront affectés à l'OFII. Conformément aux décisions du comité interministériel à l'intégration, ces moyens permettront de doubler le nombre d'heures de cours de français prévus dans le cadre du contrat d'intégration républicaine, car s'intégrer dans un pays, c'est d'abord en maîtriser la langue ; de doubler le volume des cours d'éducation civique, car demeurer sur le sol français, c'est nécessairement partager les valeurs de la République ; de renforcer l'accompagnement de l'insertion professionnelle, car l'emploi reste le premier facteur d'intégration dans notre société ; de développer les politiques spécifiques pour les réfugiés, lesquels présentent – chacun le sait – des besoins et des vulnérabilités particulières en raison de leur histoire, de leur parcours et de ce qu'ils ont subi

Mesdames et messieurs les députés, ce budget pour 2019, vous le voyez, nous donne les moyens de politiques ambitieuses pour faire face au défi des migrations et de l'intégration des étrangers en France, comme pour garantir les termes d'un contrat opérationnel avec la nation qui soit à la hauteur des enjeux de sécurité.

Je voudrais, pour conclure, évoquer en quoi il s'agit également d'un budget de transformation, orienté vers l'avenir et destiné à préparer les défis de demain.

Le premier des investissements visant à préparer l'avenir dont le budget pour 2019 soit porteur est immobilier ; il concerne la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, dont j'ai installé hier le nouveau directeur général, lui fixant une feuille de route claire. Nous financerons en 2019 les travaux d'aménagement nécessaires à l'accueil de 400 postes de travail sur le site de Neuilly de la DGSI, pour accompagner la montée en puissance de ce service de renseignement. Mais la création d'un site unique pour la DGSI est plus que jamais d'actualité. Elle est inscrite au schéma pluriannuel de stratégie immobilière du ministère de l'intérieur ; 450 millions d'euros sont prévus d'ici à 2022 pour le financement de ce projet de très grande ampleur. L'année 2019 verra l'engagement des premiers crédits d'études.

Grand ministère de main-d'oeuvre, le ministère de l'intérieur a parfois été critiqué pour ne pas avoir su anticiper les virages technologiques à opérer afin, notamment, de tirer le meilleur parti de la révolution numérique. Pour que nous ne risquions pas de nous retrouver dans une situation de crise technologique, j'engagerai en 2019 quatre chantiers majeurs nous permettant d'anticiper les défis de demain.

Tout d'abord, un plan d'investissement de 22,5 millions d'euros est destiné à mettre au meilleur niveau technologique les réseaux, outils et techniques de renseignement de la DGSI.

Ensuite, 11 millions d'euros seront dédiés à la modernisation des centres d'information et de commandement, pour améliorer le pilotage des interventions de police secours et l'efficacité et la rapidité du traitement des appels d'urgence.

Troisième projet d'importance : 10 millions d'euros seront consacrés à un plan de renforcement de la sécurité des applications et systèmes d'information du ministère de l'intérieur.

Le dernier chantier que je souhaite évoquer est le réseau radio du futur : 22,5 millions d'euros seront mobilisés en 2019 pour entrer dans la phase opérationnelle de ce projet qui permettra la communication et la transmission sécurisée de données au sein des forces de sécurité et des services de secours, et qui fournira à ces forces des dispositifs de transmission autonomes – des « bulles tactiques ».

Préparer l'avenir, mesdames et messieurs les députés, c'est investir, mais c'est aussi s'engager dans des réformes structurelles, destinées à transformer le ministère et ses réseaux. Le Premier ministre a présenté, il y a une quinzaine de jours, la stratégie du Gouvernement pour transformer l'action publique, dans laquelle le ministère de l'intérieur prendra toute sa part. Comme je vous l'ai exposé, les deux premiers budgets du quinquennat et les engagements quant à la stabilité des crédits tout au long du mandat nous donnent clairement des moyens et de la visibilité pour agir. Dès lors, je considère qu'il est de ma responsabilité de ministre de l'intérieur d'être aussi un ministre porteur de transformations. Cela signifie qu'il faut engager ce grand ministère dans des réformes de structure et le conduire à travailler sur l'efficience de ses pratiques et de son organisation.

Dès ma prise de fonction, j'ai donc confirmé que nous allions oeuvrer à cinq réformes d'importance : organiser un pilotage financier transversal pour tout le ministère ; approfondir la politique de substitution, avec un objectif de 800 substitutions par an, pour envoyer les forces de la sécurité sur le terrain ; réduire de 100 emplois par an les effectifs de cabinets et d'états-majors en administration centrale et à la préfecture de police ; créer un service ministériel des achats pour optimiser l'organisation de cette fonction et réaliser des économies grâce à la mutualisation des commandes et à la massification des achats ; créer une direction unique du numérique, pour rassembler les moyens et les savoir-faire aujourd'hui dispersés entre dix programmes budgétaires, trois services centraux, une direction de la préfecture de police et deux opérateurs. Ces cinq chantiers nécessitent un pilotage actif et centralisé ; c'est la mission que j'ai confiée au nouveau secrétaire général du ministère, entré en fonction il y a deux jours.

Mais la transformation que j'entends engager ne se limitera pas aux seules structures centrales du ministère de l'intérieur et ne s'arrêtera pas aux grilles de l'hôtel de Beauvau. Vous le savez, le Premier ministre a souhaité ouvrir cet été le chantier de l'approfondissement de la réforme de l'administration territoriale de l'État. Il s'agit d'une chance et d'une opportunité pour les préfets comme pour le réseau des préfectures et des sous-préfectures. Au niveau budgétaire, cette réforme va se traduire par la fusion des programmes 307 et 333 : ce sont ainsi 310 millions de crédits et 2 000 emplois qui rejoindront le milliard d'euros de crédits et les plus de 25 000 emplois déjà dédiés à l'administration territoriale dans le budget du ministère. S'il s'agit d'un signe de confiance à l'égard du ministère de l'intérieur, de son savoir-faire et de son expérience, cela doit aussi passer par une politique construite en bonne intelligence avec les autres ministères concernés. Le ministère de l'intérieur sera donc, plus encore qu'aujourd'hui, celui de l'État dans les territoires, puisqu'il assurera désormais la gestion des moyens de l'ensemble des administrations de l'État et celle de leurs cadres, directeurs départementaux interministériels et secrétaires généraux pour les affaires régionales, les SGAR.

Au-delà de la question des moyens, je souhaite vous indiquer, mesdames et messieurs les députés, que je travaillerai personnellement à la conduite de cette réforme, avec trois préoccupations fondamentales à l'esprit : la proximité, centrée sur le niveau départemental, car je suis convaincu que tout ce qui éloigne du terrain pénalise la représentation de l'État et nuit à son action ; l'unité, de manière à éviter l'émiettement des responsabilités en confiant celles-ci à une seule personne, à même de porter la parole et de défendre les politiques de l'État, d'en rendre compte et d'en assumer la responsabilité ; la modularité des organisations, car les solutions à trouver ne seront sans doute pas partout les mêmes. Il nous faut des moyens adaptés à chaque niveau de territoire : c'est le sens des réformes profondes que nous engageons touchant la police de proximité et les quartiers de reconquête républicaine ; c'est aussi le principe que nous devons appliquer en matière de représentation territoriale de l'État.

Je considère avec sérénité les évolutions qui s'annoncent, car je sais qu'elles n'affaibliront en rien la force du réseau des préfectures et sous-préfectures. Elles traduisent au contraire, à mon sens, la grande confiance qu'a le Gouvernement dans les préfets et les sous-préfets, ces acteurs de l'État au plus près des territoires, car le réseau des préfectures et sous-préfectures a clairement vocation à être le pivot des réformes à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.