Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du mercredi 7 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Économie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, ces vingt dernières années, la France a connu une désindustrialisation considérable. Le poids de l'industrie dans notre produit intérieur brut est passé de 16,5 % en 2000 à 12,6 % en 2016. Par comparaison avec celui de nos voisins européens, il est l'un des plus faibles. Si nos filières industrielles sont fortement fragilisées, l'industrie n'en demeure pas moins indispensable pour le développement économique des territoires et pour répondre aux besoins fondamentaux de la population. Il s'agit donc de savoir si les différents outils de politique industrielle sont bien à la hauteur de ces enjeux.

Une question s'impose : le budget prévu dans le PLF pourra-t-il répondre à l'urgence industrielle que nous devons relever ? Les dépenses d'intervention consacrées à l'industrie dans la mission « Économie » s'élèvent à 144,7 millions d'euros, en baisse par rapport à 2018 – moins 1 %, voire moins 2,75 % si l'on tient compte de l'inflation et de la hausse de la population.

Le PLF supprime les aides pilotées du centre, c'est-à-dire celles qui soutenaient, principalement sous forme d'appels à projets, la compétitivité des petites et moyennes entreprises.

Les crédits consacrés aux centres techniques industriels et aux comités professionnels de développement économique baissent de près de 10 % par rapport à l'an dernier, ce qui est d'autant plus regrettable que ceux-ci exercent des missions de développement économique et technique au service des entreprises d'une filière.

Les dépenses fiscales prévues dans la mission « Économie » sont au contraire trop élevées puisqu'elles sont évaluées à 28 milliards d'euros.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi est très coûteux pour les finances publiques. À compter du 1er janvier 2019, il sera transformé en allégements de cotisations d'assurance maladie mais les documents budgétaires ne précisent pas le coût cumulé du CICE et de ce nouvel allégement de cotisations pour 2019. D'après certaines estimations, ce coût pourrait atteindre près de 40 milliards d'euros. Selon l'institut d'études économique Rexecode, cette transformation fera perdre 1,2 milliard d'euros à l'industrie. Pour l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, cette transformation aura un impact négatif sur les créations d'emplois en 2019 et 2020.

Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » du PLF pour 2019, pour ce qui concerne l'industrie.

J'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire aux problématiques liées à la sécurisation de l'approvisionnement en métaux critiques. Cette question méritera d'être davantage travaillée et approfondie. Il pèse sur les métaux critiques, particulièrement importants pour notre économie, un réel risque de rupture d'approvisionnement, alors que nos besoins vont probablement augmenter. Ces métaux entrent en effet dans la composition des batteries électriques et hybrides, des panneaux solaires ou des éoliennes, qui jouent un rôle essentiel dans la transition énergétique. On les retrouve également dans des produits appartenant au domaine des technologies de l'information et de la communication, qu'il s'agisse de circuits intégrés ou d'écrans tactiles. Un début de prise de conscience de la nécessité de sécuriser les approvisionnements en métaux stratégiques semble émerger mais la France reste fortement dépendante d'autres pays, notamment de la Chine.

Avant de réfléchir aux politiques à mener, il est nécessaire de réaliser un inventaire de nos besoins en ressources stratégiques dans les années à venir. Selon les acteurs auditionnés, les futurs besoins ne sont pas évalués, ni ceux des industriels ni ceux de la société dans son ensemble. Il est en revanche établi que la consommation a considérablement augmenté ces dernières années, notamment du fait des progrès technologiques, de l'évolution démographique et du niveau de vie.

En raison de la rareté de ces minerais et des conséquences néfastes de leur extraction sur l'environnement et les populations, je trouve important d'encourager le recyclage des produits contenant des métaux, qui permet de réduire notre consommation de métaux primaires et d'assurer une partie de notre sécurité d'approvisionnement. La capacité du secteur du recyclage à générer des emplois plaide également en faveur de son développement. Or, en France, il n'existe pas d'industriel du recyclage des métaux critiques de taille comparable à celle des plus grosses entreprises étrangères. La difficulté à faire émerger une véritable filière industrielle tient moins à la recherche et développement, qui est d'un bon niveau en France, qu'à l'absence de passerelle entre le monde de la recherche et celui de l'industrialisation. Un nouveau programme pourrait jouer ce rôle, et je présenterai un amendement en ce sens.

Face à l'insuffisance des techniques de substitution et du recyclage, l'ouverture ou la réouverture de mines pourrait devenir une nécessité, alors que l'activité minière a des conséquences néfastes pour les écosystèmes ou les populations : déclenchement de conflits, mise en péril du droit à l'eau, à la santé, etc. Par conséquent, avant d'envisager cette solution, nous devons bien réfléchir et limiter la consommation de ces ressources, quitte à privilégier les pistes du recyclage et de la substitution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.