Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du vendredi 9 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Cohésion des territoires

Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement :

Je suis très heureux de m'exprimer devant vous pour l'examen de la mission « Cohésion des territoires ». Le moment est d'autant plus important que, vous le savez, un ministère des collectivités territoriales, rattaché au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, a été créé à l'occasion du dernier remaniement. C'est là un symbole et aussi le signal, adressé aux collectivités, que la lutte contre les fractures territoriales, l'accompagnement des élus locaux, sont la boussole de notre action : le budget que je vous présente s'efforce d'en être la traduction.

Permettez-moi, tout d'abord, de profiter de cette tribune pour exprimer mon soutien, ainsi que le soutien du Gouvernement et de la nation tout entière aux Marseillaises et aux Marseillais, frappés, lundi dernier, par le drame que l'on sait. Quelques heures seulement après l'effondrement de deux immeubles – le troisième était alors encore debout – , j'étais aux côtés de nos marins-pompiers et des Marseillais. J'ai ainsi pu constater le travail extraordinaire de ces marins-pompiers, qui sont toujours à pied d'oeuvre à l'heure où nous parlons. Cette tragédie rappelle à quel point la lutte contre l'habitat insalubre et la lutte contre les logements en péril, qui se rejoignent bien qu'étant différentes, doivent être au coeur de nos politiques publiques.

Ironie tragique du sort, c'est à Marseille même que j'avais annoncé, au début du mois d'octobre, le plan du Gouvernement défini avec nombre d'élus locaux et des parlementaires, présents à cette occasion. Ce plan doté de 3 milliards d'euros inclut aussi les dispositions que vous avez votées dans le cadre de la dernière loi logement, s'agissant de l'accélération des procédures, notamment en vue de lutter contre les copropriétés dégradées de petite taille ou contre les marchands de sommeil, objet de nombreux échanges. Je salue en particulier, sur ce point, les travaux du député Stéphane Peu.

Notre action est donc tournée tout entière vers la lutte contre les fractures territoriales. Ce propos liminaire me permettra d'en évoquer les quatre piliers. Le premier, l'aménagement du territoire, est d'autant plus important que, hier soir, le Sénat a adopté une proposition de loi, soutenue par Jacqueline Gourault, portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires – dont j'avais moi-même parlé à l'Assemblée à l'occasion d'autres débats. Ce texte vous sera présenté, si ma mémoire est bonne, en janvier prochain, et je suis sûr que nous aurons des débats constructifs, sur ce sujet important pour les élus locaux.

Au-delà du seul aspect budgétaire, l'aménagement du territoire passe aussi, je tiens à le souligner, par une nouvelle méthode, celle que nous avons notamment suivie avec le plan « action coeur de ville » : pour ce projet ambitieux, qui prend sa source dans les territoires mêmes, nous avons prévu, sur l'ensemble du quinquennat, un financement de 5 milliards d'euros auquel s'associent nos partenaires, Action logement, la Caisse des dépôts ou l'Agence nationale de l'habitat. Notre méthode, j'y insiste, est de partir des projets définis, au sein des territoires, par les élus locaux, l'État ayant un rôle d'accélérateur et d'accompagnateur.

Le deuxième grand chantier a trait à l'habitat indigne. Dans le prolongement des mesures de revitalisation des territoires, que vous avez adoptées avec la loi logement, le Gouvernement entend mettre l'accent sur deux aspects, qui feront l'objet d'amendements. Le premier est l'efficacité de cette lutte, déterminée, contre l'habitat indigne. Les territoires ultramarins, à cet égard, font face à un problème qu'avaient relevé plusieurs d'entre vous. Le Gouvernement vous proposera d'y remédier à travers un amendement, sans perdre de vue la nécessité de poursuivre les rénovations de l'habitat ancien dans les coeurs de ville – qui souffrent du délabrement de certains logements – , objet d'un autre amendement.

Autre aspect majeur de l'aménagement du territoire : la lutte contre la fracture numérique. En ce domaine aussi, vous le savez, le Gouvernement a déployé beaucoup d'énergie et changé un certain nombre de règles du jeu pour les opérateurs, afin de les obliger à investir dans les zones les plus rurales. L'objectif, bien entendu, est d'apporter des solutions concrètes au problème des zones blanches et, par la même occasion, alors que vous venez d'examiner les crédits de la mission « Travail et emploi », de soutenir le développement du télétravail. Nos concitoyens l'appellent de leurs voeux, mais ils ne sont qu'un sur deux à avoir accès au très haut débit, le déploiement du numérique, contrairement à ce que l'on pourrait croire, ayant accéléré, ces dernières années, la fracture territoriale plus qu'il ne l'a résorbée.

Le deuxième grand pilier de notre action est la politique de la ville. C'est là, j'y reviendrai, une priorité absolue pour le Gouvernement. Elle l'est à beaucoup d'égards, mais l'essentiel est que ce qui nous rassemble, ce qui fait notre unité, c'est la République. Et celle-ci ne peut être à géométrie variable selon les territoires. Or, dans un certain nombre d'entre eux, l'accès aux services publics, à l'emploi et à l'accompagnement n'est pas forcément le même, et la discrimination est un fait. Cette réalité, inacceptable, s'observe tout particulièrement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. On en dénombre aujourd'hui plus de 1 500, pour une politique vieille de quarante ans.

Nous ferons mieux que tenir notre promesse de l'an dernier, puisque la politique de la ville verra ses crédits non pas maintenus mais augmentés de 20 %, avec une hausse de plus de 80 millions d'euros pour les actions en faveur des associations, de l'enfance, de la réussite scolaire – notamment à travers le programme de réussite éducative – et de nouveaux projets, tels que les cités éducatives. Il y a quelques jours, à Grigny, j'ai évoqué ce dernier projet, développé il y a bien longtemps par Philippe Rio, maire de la commune ; et en début de semaine, je me suis aussi rendu à Nîmes avec Jean-Michel Blanquer pour le généraliser. Je sais que nombre d'entre vous y croient beaucoup.

Troisième axe de nos politiques publiques : la rénovation. Elle concerne d'abord les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment à travers l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Sur ce point, je serai très clair. L'an dernier, on s'est interrogé sur le fait de savoir si l'État tiendrait son engagement d'abonder le nouveau programme national de renouvellement urbain de 1 milliard d'euros, en vue d'en doubler l'enveloppe. Les 185 millions d'euros en autorisations d'engagement prévus à ce titre dans le présent PLF attestent le respect de cet engagement.

L'autre enjeu du NPNRU est l'accélération des projets de l'ANRU : je sais que beaucoup d'entre vous y sont très attachés. Lors des travaux réalisés collégialement il y a quelques mois, Jean-Louis Borloo dénonçait l'inertie en ce domaine. Songez que, de mai 2017 à mai 2018, aucun euro n'avait été engagé pour de nouveaux projets ! Nous avons donc identifié les rouages et, depuis mai 2018, ce sont 2,5 milliards d'euros qui ont été engagés par les instances de l'ANRU, grâce à un travail sans relâche, pour financer de nouveaux projets.

La rénovation concerne aussi l'énergie, autre priorité absolue. Chaque année, et pendant les dix ans à venir, nous rénoverons 150 000 passoires thermiques. Pour ce faire, les financements de l'ANAH, ambitieux, progressent. Ayant rencontré les équipes de l'ANAH il y a quelques jours, je puis témoigner de leur détermination. La présidente de cette agence s'est d'ailleurs déclarée satisfaite de la hausse des crédits que vous êtes appelés à voter dans le cadre de la présente mission. Nous lui avons fixé des objectifs très ambitieux : plus 50 % pour le projet « habiter mieux », ainsi qu'un doublement du nombre de logements adaptés, pour une société de l'inclusion.

Enfin, la rénovation doit concerner l'ensemble des territoires : je pense en particulier à l'outre-mer. J'avais pris l'engagement de trouver des solutions avec l'APL accession ; j'aurai donc le plaisir de défendre un amendement à cette fin.

Pour conclure, en cette période marquée par le drame de Marseille, je veux avoir une pensée pour toutes celles et tous ceux qui, malheureusement, n'ont encore aucun toit, je veux parler des sans-abris. Des milliers de personnes dorment encore dans la rue au moment où je parle. Sur ce problème aussi, la détermination du Gouvernement est totale, et les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence progressent encore. Je ne dis pas que tout est parfait ; je dis seulement que jamais un gouvernement, je crois, n'a mis autant d'argent en ce domaine. Ce n'est pas un motif de satisfaction, mais un impératif nécessaire, car la pression est encore plus forte aujourd'hui. Face à l'urgence, nous nous efforçons d'apporter une réponse structurelle, notamment avec les 500 millions d'euros dévolus, pour les cinq prochaines années, au plan « logement d'abord ».

J'aurai l'occasion de répondre à l'ensemble de vos questions dans le cadre de l'examen de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.