Intervention de Valérie Petit

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Petit, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

206 millions d'euros, ce sont les crédits que le projet de loi de finances pour 2019 propose d'allouer, via le programme 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », principalement à la DGAFP, la direction générale de l'administration et de la fonction publique, pour mener son action interministérielle en matière de gestion des ressources humaines publiques. 206 millions d'euros, c'est environ 0,05 % du budget. Cela peut sembler relativement modeste pour soutenir l'action de la DRH de l'État en direction de 5,4 millions d'agents. En tant que rapporteure spéciale, je dirais que ce montant invite, à coup sûr, à une humilité farouche, et qu'il oblige, en matière d'action publique, à une efficacité redoutable.

Mais qu'à cela ne tienne : je crois à l'effet papillon, cette idée selon laquelle il suffit parfois de peu, du battement d'ailes d'un papillon, pour produire de grands effets. L'effet papillon est résumé par cette question fameuse du météorologue Edward Lorenz : « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? »

Un montant de 206 millions d'euros peut-il provoquer une transformation significative de l'action publique ? La réponse est « oui ». Je vais vous dire comment cela peut se produire. Je précise toutefois que je n'ai pas trouvé cette réponse seule. Ces trois derniers mois, j'étais en immersion dans dix administrations aux côtés des agents sur le terrain, pour parler avec les équipes RH de rémunération, de mobilité, de recrutement, de qualité de vie au travail et de formation. Lorsqu'à la fin de mon parcours, le mois dernier, j'ai réuni mes interlocuteurs, nous sommes tous tombés d'accord sur ce qu'attendent réellement les agents publics. Au-delà des problèmes de mobilité, de rémunération ou de réorganisation, en réalité, ils attendent deux choses très simples : de la considération, et du sens donné à l'action publique.

Comment donner de la considération aux agents ? On peut y parvenir en modernisant quatre politiques RH. Il s'agit d'abord de construire une politique de rémunération plus juste et plus incitative, qui reconnaisse l'individu autant que le collectif. C'est pourquoi nous soutenons la décision du Gouvernement de ne pas augmenter le point d'indice pour 2019 au profit d'une remise à plat de la politique de rémunération. L'objectif est de faire de cette politique un vrai levier de motivation et de reconnaissance des agents, levier qu'elle n'est pas aujourd'hui. Nous préconisons également la création de véritables responsables « rémunération et avantages sociaux » au sein des ministères et de la DGAFP.

Ensuite, il faut une politique de formation qui soutienne le développement des compétences des agents. Nous saluons la création par le Gouvernement d'un fonds d'accompagnement interministériel RH. Nous proposons également la mise en place d'un compte personnel de formation, dont le mode de fonctionnement serait commun pour les agents publics et les salariés du privé. Nous encourageons également le Gouvernement à initier une réflexion sur la création d'une agence nationale de type « France compétences » pour la fonction publique, inspirée de France compétences, l'instance de gouvernance de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Pour donner de la considération aux agents, il faut également une politique de mobilité et de gestion des carrières plus souple et plus personnalisée, qui réponde à leurs nouvelles aspirations. Nous nous félicitons de la création, au sein de la DGAFP, d'une fonction dédiée à la reconversion et à la mobilité des agents de l'État. Nous proposons d'aller plus loin dans la facilitation de la mobilité en associant à la création de la plateforme de l'emploi public une démarche de création de « marques employeurs » de l'État, pour relever les défis du recrutement interne et externe.

Enfin, la considération des agents passe par une politique d'égalité et de diversité qui ferait de l'État un employeur exemplaire. Le Gouvernement poursuit son effort en matière de soutien à la garde d'enfants, qui est une clé pour parvenir à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il négocie un accord ambitieux pour réduire à zéro les inégalités salariales et pour permettre l'accès des femmes aux postes à responsabilités. Cependant, nous tenons à l'alerter sur d'éventuelles mesures qui tendraient à « genrer » les pratiques RH alors que l'esprit du combat pour l'égalité, qui est le combat de tous, hommes et femmes, est bien de reconnaître chacun à sa juste valeur indépendamment de son sexe, et non en fonction de son sexe. Nous plaidons de ce fait pour une politique de diversité et de lutte contre toutes les discriminations beaucoup plus ambitieuse et inclusive.

Comment donner du sens à l'action publique ? C'est l'autre attente des agents publics. Trois acteurs doivent ici se mobiliser. Il s'agit tout d'abord de la DGAFP. Il nous faut une DRH forte, dépositaire de la stratégie RH, capable de faire partager un nouveau référentiel de leadership et d'action publique à l'ensemble des acteurs. Cela implique un renforcement, voire une prééminence, de l'action RH et managériale interministérielle.

Ce sont ensuite les managers et les agents publics qu'il nous faut mobiliser, réunir et valoriser par-delà les administrations et les versants, parce qu'ils sont les premiers hérauts et porte-parole de la transformation publique.

Enfin, bien sûr, il appartient au Gouvernement de se mobiliser, ainsi qu'aux parlementaires, dans cette enceinte et sur leurs territoires. Nous devons savoir répondre à cette question légitime des agents qui demandent pourquoi transformer l'action publique, alors que nous avons souvent le réflexe de ne parler que du comment ou du combien. Si, parmi nous, chacun et chacune savait seulement répondre à la question simple du pourquoi avec une certaine flamme et une certaine conviction, alors nous économiserions des millions d'euros, parce qu'un beau récit sur la transformation qui donne du coeur à l'ouvrage à nos agents vaut bien plus qu'une longue ligne de crédits budgétaires sur le programme 148. Voilà pourquoi je crois à l'effet papillon !

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