Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

La mission « Remboursements et dégrèvements » est la plus importante du budget général de l'État en volume. Pour l'année 2019, les crédits de cette mission, qui sont exclusivement évaluatifs, s'établissent à 136 milliards d'euros, soit 33 % des recettes fiscales brutes. Cela représente une augmentation nette de 16 milliards.

La mise en oeuvre du prélèvement à la source conduira au versement d'une avance de trésorerie sur certains crédits d'impôts. La majorité précédente avait prévu cette avance. La majorité actuelle en étend le champ et en augmente le taux : c'est une bonne chose pour le contribuable. Le total des avances est évalué à 5,6 milliards d'euros. Ce dispositif est important, car il amortira les potentiels effets négatifs du prélèvement à la source sur la trésorerie des ménages. Je m'en félicite.

J'ai bien noté, monsieur le ministre, qu'un courrier sera adressé aux bénéficiaires pour appeler leur attention sur le risque de prélèvement indu en cas de changement de situation : c'est, là aussi, une bonne chose.

La deuxième évolution notable est liée à la progression du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Ce dégrèvement sera porté en 2019 à 65 % du montant de la taxe d'habitation due. Son coût total, sur l'année, est évalué à 7,1 milliards d'euros.

Ma position sur cette réforme n'a pas changé. Redonner du pouvoir d'achat aux contribuables est une intention louable. Mais c'est pour moi une erreur de le faire par la suppression de la taxe d'habitation. En effet, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, cette mesure affaiblira le lien entre le citoyen et l'impôt et déstabilisera les budgets locaux. Or ceux-ci financent les services publics locaux, auxquels les Français sont très attachés. Sans compter que les modalités d'une compensation pérenne aux collectivités ne sont, à ce jour, pas arbitrées, ce qui inquiète légitimement les élus.

En 2018, l'application du dégrèvement est globalement conforme aux prévisions : 59,7 % des foyers en bénéficieront, pour un coût total de 3,16 milliards d'euros, soit un gain moyen de 160 euros par ménage environ.

Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur trois points. Premièrement, comme je l'ai indiqué l'année dernière, la part des ménages qui seront dégrevés ou exonérés de taxe d'habitation en 2020 sera très variable selon les communes. Par exemple, dans ma circonscription – la deuxième du Puy-de-Dôme – , la part de foyers ne bénéficiant pas de la réforme ira de 3 % à 41 %.

Deuxièmement, suite à la polémique ouverte en octobre au sujet des hausses de taux de taxe d'habitation, il me paraît important de rappeler que, dans l'ensemble, au-delà de certaines situations particulières, l'utilisation du levier fiscal par les communes a été raisonnable en 2018. Les communes à avoir augmenté les taux des impôts locaux ont été moins nombreuses qu'en 2017 : les hausses de taux des impôts locaux n'ont concerné que 20 % de la population, et sont dans l'ensemble modérées. La hausse des taux et la modification éventuelle du régime des abattements représentent au total 30 millions d'euros, pour 60 % des contribuables – somme à comparer aux 3,16 milliards d'euros de dégrèvements.

Troisièmement, monsieur le ministre, l'Assemblée a adopté, dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances pour 2019, un amendement du Gouvernement no 2574, que nous n'avions pas examiné en commission, qui permettra aux 380 000 ménages bénéficiaires d'une prolongation d'exonération de taxe d'habitation au titre du dispositif de sortie en sifflet lié à la fin de la demi-part des veuves de bénéficier également d'un dégrèvement de contribution à l'audiovisuel public. Cet amendement permettra aussi à 40 000 ménages supplémentaires de bénéficier de ces mêmes mesures.

Je m'interroge sur le revenu fiscal de référence moyen de ces 40 000 foyers. Il est de 41 500 euros, soit deux fois le revenu fiscal de référence moyen des 380 000 foyers concernés. Par ailleurs, le coût net de cet amendement gouvernemental s'élève à 77 millions d'euros, et sera supporté aux trois quarts par les collectivités locales – information dont nous ne disposions pas lors du débat sur l'amendement. Pouvez-vous la confirmer ce soir, monsieur le ministre ? Qui plus est, ce problème se posera à nouveau l'année prochaine : les collectivités locales devront-elles, encore une fois, assumer le coût de cette mesure ?

Enfin, concernant les dépenses associées aux contentieux fiscaux, la dépense est en baisse, en raison de la fin des contentieux liés à la taxe à 3 % sur les dividendes. Nous devons toutefois rester attentifs sur deux points. Par une décision récente, le 4 octobre dernier, relative au contentieux dit du précompte mobilier, la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France pour manquement. 600 millions d'euros ont été prévus en 2019 à cet effet. L'évaluation du coût potentiel de ce contentieux a-t-elle été revue à la hausse – ou à la baisse – compte tenu de cette décision ?

Concernant le contentieux relatif à la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, les premiers remboursements pourraient atteindre 100 millions d'euros sur l'année 2019. Comment l'administration s'organisera-t-elle non seulement pour traiter les 14 000 recours, mais aussi – et surtout – les 55 000 demandes en attente ?

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