Intervention de Olivier Faure

Séance en hémicycle du lundi 3 juillet 2017 à 15h00
Débat sur la déclaration du président de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Faure :

Il n'y a qu'un « en même temps » que je regrette de ne pas avoir entendu : on ne peut réformer la puissance publique sans, en même temps, évoquer la toute-puissance des intérêts privés.

Monsieur le Président de la République, conduire une politique et de gauche et de droite, c'est conduire une politique sans choix. Nous partageons, dans cette assemblée, le même amour de la France, la même envie que notre pays retrouve sa grandeur, le même souci de servir au mieux nos concitoyens mais, en même temps, mélanger l'eau froide et l'eau chaude, cela n'a jamais donné que de l'eau tiède.

L'adhésion viendra donc de vos choix. Votre politique sera-t-elle synonyme de progrès pour tous ? Pour construire l'avenir, il ne suffit pas de valoriser ceux qui sont déjà les plus entreprenants, tout en laissant penser que les autres ne sont rien. Vous devez reconnaître et accompagner tous les talents, tous les potentiels, et combattre le gâchis humain que représentent le chômage, les discriminations et le décrochage scolaire. Chacun peut apporter sa contribution à la construction de notre pays ; c'est cela, la promesse républicaine, celle d'une République généreuse, qui tend la main à tous ses enfants.

Les réformes, vous ne pourrez les réussir seul. À chaque fois que le nouveau pouvoir issu des urnes a pensé que sa légitimité était suffisante pour entreprendre des réformes, celles-ci ont échoué. Parce que votre pouvoir est aujourd'hui absolu, vous devez vous en méfier absolument, le tempérer, le modérer et même le partager. Vous le devez au pays et vous le devez en fait à vous-même.

Méfiez-vous de la victoire, monsieur le Président de la République, car elle est parfois mauvaise conseillère. Nous l'avons vu la semaine dernière à l'Assemblée, ce n'était pas un bon signal. Il faut toujours respecter les droits de l'opposition.

Méfiez-vous de la victoire, monsieur le Président de la République, car elle peut conduire à un certain nombrilisme, là où il faudrait au contraire renouveler notre démocratie. Écoutez, consultez, respectez le temps nécessaire aux délibérations parlementaires, sollicitez la société civile, qui n'est pas un sésame pour être élu mais une source à laquelle puiser les solutions pour demain. Comme le disait Michel Rocard, ce qui est accepté a infiniment plus de force que ce qui est imposé. Tous les débats n'ont pas été tranchés avec votre élection ; ils restent ouverts et demandent à être instruits.

Méfiez-vous de vous-même, monsieur le Président de la République, car si l'intuition qui vous a conduit au pouvoir par la grâce de l'épuisement des partis de gouvernement solde une période, elle n'en fonde pas une nouvelle pour autant. Il ne suffit pas d'avoir réuni des femmes et des hommes issus des deux bords pour réinventer les clivages politiques.

Méfiez-vous de vous-même, monsieur le Président de la République, car votre jeunesse ne vous met pas à l'abri de vous tromper d'époque. Vouloir conduire aujourd'hui à la hussarde des réformes dont certaines sont empruntées au siècle passé, sans s'interroger sur les drames qu'elles ont généré, serait un contresens.

La qualité de vos réformes sociales dépendra du partage de leur construction avec les représentants des salariés, dont le travail est la source même de toutes les richesses. La réussite de la mobilisation du pays dépendra de votre soutien aux initiatives des citoyens, des associations, des ONG et des entrepreneurs.

La France doit rompre avec la tentation colbertiste, si bien représentée par la citadelle de Bercy. Ferez-vous d'abord confiance aux Françaises et aux Français ? Ferez-vous confiance aux territoires, aux élus locaux, aux collectivités qu'ils dirigent ? Dans une République décentralisée, la nation ne peut réussir sans travailler main dans la main avec ses villes et ses communes, ses départements, ses régions. De ce point de vue, réduire les dotations des collectivités, c'est une mauvaise manière de s'engager sur le chemin de la confiance et du partenariat dont la France a besoin.

Monsieur le Président de la République, dans les écoles de ma circonscription, les enfants vous appellent désormais… Jupiter. C'est à la fois louangeur et moqueur. Comme vous le voyez, nos enfants ont des lettres et du bon sens. Ils sentent bien que le chemin que vous prenez n'est pas forcément celui d'un exercice équilibré du pouvoir, d'une citoyenneté active et d'une délibération ouverte et partagée, alors même que le passé a déjà montré l'impasse du pouvoir personnel, et que votre marche esquissait un avenir fondé sur la rénovation de la vie politique par la valorisation de la diversité, du pluralisme et de l'engagement de chacun.

Monsieur le Président de la République, à chaque fois que vos décisions conduiront la France sur le chemin d'un progrès partagé, nous serons là pour les approfondir et les consolider. En revanche, à chaque fois que vos décisions auront pour effet d'accroître les inégalités, de précariser les plus désarmés et d'affaiblir les services publics, patrimoine de ceux qui n'ont rien – mais qui ne sont pas rien –, vous rencontrerez notre ferme opposition. Vous vous êtes engagé à faire entrer la politique dans une nouvelle ère et la France dans un nouveau monde. Nous vous jugerons donc sur vos actes, uniquement sur vos actes. Ce sera notre contribution à la rénovation tant attendue. Dans ce nouveau monde, vous le savez désormais, il y aura aussi une Nouvelle Gauche.

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