Intervention de Laetitia Saint-Paul

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2017 à 15h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat sur l'avenir de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Saint-Paul :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, l'Union européenne s'est construite de manière pragmatique et très progressive, d'abord comme espace économique, puis comme zone intégrée de libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des marchandises. Délibérément écartées à l'origine, les fonctions régaliennes sont restées du ressort des États. En matière de défense, le contexte géostratégique de la guerre froide avait placé l'OTAN en situation fédératrice. La problématique de l'Europe de la sécurité et de la défense connut alors un long sommeil. Avec la fin de la guerre froide, la perception des risques a profondément modifié la place de l'effort de défense dans les politiques nationales, et les budgets ont alors été allégés à l'aune des « dividendes de la paix ».

Aujourd'hui, les États de l'Union prennent progressivement conscience de leurs intérêts stratégiques communs, ainsi que du déséquilibre entre, d'une part, le poids économique et financier indéniable de l'Union, et, d'autre part, son rôle politique, diplomatique et militaire qui reste encore mineur. Or, si l'Europe politique ne se réduit pas à la défense, celle-ci peut constituer l'un de ses instruments d'expression. Avec le retrait du Royaume-Uni, les capacités militaires de l'Union européenne vont se retrouver réduites de 25 % au 30 mars 2019. La France sera la seule puissance nucléaire et le seul État membre à disposer d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Aucun État membre ne peut supporter, seul, le coût de la recherche et du développement des nouvelles technologies, comme le drone armé, alors que des organisations terroristes risquent d'y parvenir, à une époque où des armes qui n'étaient possédées jusqu'alors que par des États le sont désormais par des organisations non étatiques. L'irénisme qui a présidé notre destin européen le met aujourd'hui en danger. Plus que jamais, il est temps de coopérer pour notre sécurité à tous.

Le président de la République a mentionné le projet d'une Europe à plusieurs vitesses, dans l'objectif de permettre aux États qui le souhaitent d'avancer ensemble. Cette Europe existe déjà en droit communautaire sur les questions militaires et de défense, à travers la coopération structurée permanente, prévue par le traité de Lisbonne, qui voit enfin le jour. Nous pouvons progresser dans la mutualisation de certaines de nos forces et de nos équipements, renforcer la culture de coopération et approfondir l'intégration européenne en termes de défense.

Mon temps de commandement au sein de la brigade franco-allemande et mes recherches auprès de Bronislaw Geremek portant sur l'armée polonaise me permettent d'affirmer que si la volonté politique doit être vigoureuse dans la construction de la défense européenne, il existe un fossé à combler dans nos différences d'organisations hiérarchiques, nos moyens matériels et nos pratiques militaires.

Nous devons également prendre en considération l'histoire de nos nations respectives qui sont marquées par le vécu propre à chacune. La Pologne a été trois fois rayée de la carte en moins de cent cinquante ans, livrée pendant trois siècles aux impérialismes européens, et cela laisse des marques profondes dans les esprits. En Allemagne, où le musée de l'Holocauste est construit tel une cicatrice au coeur de sa capitale, vos interlocuteurs vous disent encore que « plus rien ne sera jamais comme avant ». Ces différences, qui touchent à l'intime qui nous constitue depuis des siècles, forment aussi des différences à aplanir, et ce ne sont pas seulement des décisions politiques prises d'en haut qui le permettront, mais bien des rapprochements d'en bas, au coeur des groupes humains.

Madame la ministre, pour aborder notre grand projet de défense européenne, mon expérience m'amène à solliciter votre engagement à considérer tant une ambition politique de taille et inscrite dans la durée que davantage d'empathie envers nos partenaires. Ce sont ces deux conditions qui permettront à nos soldats de se comprendre et de s'approprier nos différences de cultures militaires, pour qu'ils construisent ensemble la cohésion indispensable à toute armée dont ils sont et seront les acteurs principaux.

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