Intervention de Justine Benin

Séance en hémicycle du mercredi 12 décembre 2018 à 15h00
Indivision successorale et politique du logement outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJustine Benin :

Au nom du Mouvement démocrate, je souhaite adresser mes pensées solidaires à toutes les familles de victimes ou de blessés, à la ville de Strasbourg mais aussi aux forces de sécurité et de secours.

Le groupe MODEM et apparentés tient à saluer la deuxième lecture de cette proposition de loi, déposée par le groupe Socialistes dans le cadre de sa niche en janvier dernier. Je tiens à féliciter le rapporteur pour le travail qu'il a effectué sans relâche.

Cette proposition de loi est – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur – un texte de tous pour tous, un texte d'intérêt public qui transcende les clivages politiques. Elle offre une respiration bienvenue en ces temps troublés et difficiles. Adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, elle est très attendue sur le terrain. C'est donc une bonne chose que le Gouvernement et le groupe majoritaire aient souhaité son adoption avant la fin de l'année pour permettre une entrée en vigueur dès 2019.

En effet, ce texte propose de premières pistes pour résoudre un problème parfois méconnu et pourtant particulièrement prégnant dans nos territoires ultramarins. Si la question du logement est sensible sur l'ensemble du territoire français, elle est particulièrement exacerbée en outre-mer.

Dans les territoires ultramarins, les surfaces foncières disponibles sont assez restreintes, et l'accès au terrain est notamment rendu difficile par les problèmes associés à l'indivision. En pratique, de nombreux biens immobiliers sont détenus en indivision par de multiples héritiers, souvent dispersés, ce qui a pour conséquence d'immobiliser un nombre important de terrains constructibles.

Cette situation contribue au manque de logements dont souffrent les territoires ultramarins. En effet, qu'il s'agisse de logements intermédiaires ou de logements sociaux, d'achat ou de location, nos compatriotes sont nombreux, en outre-mer, à éprouver les pires difficultés pour se loger décemment à des prix correspondant à leurs moyens et à leur situation familiale. Certes, les causes de ces difficultés sont multiples mais la disponibilité du foncier est un des obstacles majeurs à la construction et au développement d'une offre plus importante.

À ce sujet, la proposition de loi de M. Letchimy comporte des dispositions très intéressantes qui permettraient de libérer le foncier tout en offrant de véritables garanties non seulement aux indivisaires, mais aussi aux conjoints, aux enfants majeurs ou incapables copropriétaires d'une parcelle ou d'un bien bâti.

Je l'ai dit en commission, mais je tiens à le répéter à cette tribune, environ 40 % du foncier est paralysé en Martinique et en Guadeloupe ; à La Réunion, la situation n'est guère meilleure.

L'article 1er propose un changement radical aux effets positifs. Il vise à permettre de déroger à la règle de l'unanimité en matière de consentement et à autoriser, pour toute succession ouverte depuis plus de dix ans – le Sénat a allongé le délai de cinq ans initialement prévu – , les indivisaires titulaires en pleine propriété d'au moins la moitié des droits indivis à procéder au partage du bien concerné.

Cette possibilité serait cependant exclue – et cette protection nous paraît indispensable – dans trois cas : si le conjoint survivant vit toujours sur place ; si le défunt laisse un ou plusieurs descendants mineurs ; si l'un des indivisaires est incapable majeur. Compte tenu de la sécurité assurée par ces exceptions, et les blocages étant dus, dans la très grande majorité des cas, à une minorité d'indivisaires, nous sommes favorables à la démarche de notre collègue Serge Letchimy.

Par ailleurs, l'application de l'article 1er serait limitée dans le temps, puisqu'il concernerait les projets de vente ou de partage notifiés avant le 31 décembre 2028, ce qui laisserait largement le temps d'obtenir les résultats escomptés sans pour autant modifier définitivement notre droit. Tout l'enjeu est donc de faire de cette fenêtre temporaire une respiration au service de la libération du foncier et de la construction.

Le Sénat a choisi de s'inscrire dans la continuité des travaux engagés par l'Assemblée nationale, tout en apportant quelques modifications qui nous semblent de nature à renforcer l'efficacité et la sécurité du dispositif. Notre groupe soutient donc cette proposition de loi telle que le Sénat l'a enrichie. Nous exprimons cependant une réserve réelle, du point de vue du droit, sur l'article 5 A, introduit par nos collègues sénateurs. Celui-ci évoque un partage « par souche » ; or nous doutons de la réalité juridique de cette notion. Nous avons vu en commission, avec notre collègue Maina Sage, que cette question pourrait être résolue dans un texte à venir, spécifiquement consacré à la Polynésie française. À cet égard, je salue l'amendement déposé par le Gouvernement.

Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, illustre parfaitement l'intérêt, pour un territoire, pour nos territoires, d'adopter une législation différenciée, même temporaire, afin de remédier au mieux à leurs problèmes spécifiques. Cette différenciation, si utile à l'outre-mer, peut également l'être sur le territoire métropolitain. Ce texte sera enrichi par d'autres amendements et fera l'objet, je l'espère, d'un vote conforme au Sénat.

Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM et apparentés estime que le Parlement ferait oeuvre utile en adoptant ce texte. Nous le soutiendrons donc avec enthousiasme.

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