Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Séance en hémicycle du mercredi 19 décembre 2018 à 15h00
Modification de l'acte portant élection des membres du parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade :

Le projet de loi que nous examinons cet après-midi pose une nouvelle fois la question de l'achèvement d'un espace public européen. En effet, les élections européennes, qui font l'objet de ce projet de loi, constituent un temps fort de la vie démocratique européenne, durant lequel les vingt-sept États membres de l'Union sont transcendés par l'exercice le plus fondamental de la démocratie, le vote libre et direct.

Il faut bien le dire, beaucoup reste à faire pour parachever cet espace public européen. Les très faibles taux de participation aux élections européennes précédentes nous rappellent que nous partons de très loin. Souvenons-nous également que les débats organisés dans le cadre de ces élections se structurent trop souvent autour de clivages nationaux, en France comme ailleurs. Ce qui devrait être une mobilisation collective autour d'un projet commun, par-delà les appartenances nationales, s'apparente malheureusement à une agrégation de scrutins locaux dénués de portée véritablement européenne.

Dans ce contexte, toute velléité d'harmonisation des procédures électorales dans les différents États membres de l'Union est positive, puisque cette harmonisation peut susciter une prise de conscience européenne, un sentiment d'appartenance à un espace commun propre à remédier au déficit démocratique de l'Union.

Le retour à une circonscription unique dans notre pays s'inscrit dans cette logique d'harmonisation, alors que quatre pays européens seulement organisent le scrutin européen dans le cadre de circonscriptions régionales. Il permet surtout de clarifier les positions que les partis politiques défendent dans le cadre de cette élection – elles n'étaient pas nécessairement très claires autrefois. Je salue donc les modifications qui vont être entérinées dans le cadre du présent projet de loi.

Vous le savez, mes chers collègues, nous serons appelés aux urnes dans quelques mois pour les élections européennes. Dans le contexte actuel, ces élections ne sont évidemment pas anodines. Beaucoup l'ont oublié, mais c'est le Front national qui a remporté les élections européennes il y a près de cinq ans dans notre pays. Depuis lors, nous voyons partout monter les extrêmes, les démagogues, les partis nationalistes, ceux qui plaident non pas pour un peu plus de social, un peu plus d'environnement, un peu moins de réseaux de transports ou un peu plus de politique agricole commune, mais pour une rupture avec l'Europe et un retour aux logiques nationales – en somme, ceux qui défendent un projet de démantèlement de l'Europe.

Nous, responsables politiques, avons donc une responsabilité particulière : nous devons exprimer une position claire sur l'avenir de l'Europe, quelle qu'elle soit, et éviter de travestir ce scrutin en débattant d'enjeux purement nationaux. Ceux qui veulent rejouer le match de 2017 ou faire de cette élection un référendum sur l'action de la majorité, du Gouvernement ou du Président de la République ne sont pas à la hauteur des enjeux que l'Europe traverse : au fond, ils trahissent l'Europe et ses peuples.

Si l'Europe se retrouve aujourd'hui dans une telle situation, c'est parce qu'elle a été abandonnée, ces dernières années, par ceux qui auraient dû nourrir une véritable ambition pour elle mais l'ont laissée aux mains de ceux qui n'y croyaient plus vraiment.

Je pèse mes mots : l'Europe se trouve aujourd'hui au bord du précipice. Alors que le Brexit apparaît compliqué, que certains États embrassent les thèses de la démocratie illibérale et que de grands pays européens sont marqués par l'instabilité politique, le risque de ne pas trouver de majorité dans le prochain Parlement européen est de plus en plus grand.

Face à cette situation, quelle réponse faut-il apporter ? Nous ne devons renoncer en rien à l'ambition exprimée il y a un an à la Sorbonne. C'est cette ambition qui a tenu l'Europe ces derniers mois.

Des avancées importantes dans la lutte contre le dumping social, pour une plus grande équité fiscale ou pour une défense européenne ont été obtenues sous l'impulsion de la France. Je pense en particulier à la révision de la directive sur les travailleurs détachés, qui s'applique depuis le 1er décembre au secteur du transport – cette avancée majeure pour les transporteurs routiers a été passée sous silence, ces derniers jours, en raison de l'actualité dans notre pays.

Sur le front fiscal, la commissaire à la concurrence a prononcé des amendes sans précédent : Apple a été condamné à payer 13 milliards d'euros pour des aides d'État abusives, tandis que Google a été condamné à deux reprises pour abus de position dominante.

En matière d'environnement, un objectif de réduction des émissions du CO2 des voitures à l'horizon 2030 a été fixé hier, ce qui permettra à l'industrie européenne de prendre un temps d'avance dans la lutte contre le changement climatique.

Nous devons saluer ces avancées et en être fiers. Cependant, face aux défis du monde, nous devons aller plus vite et plus fort sur beaucoup d'autres sujets. C'est tout l'enjeu des prochaines élections européennes.

Dans les cinq années à venir, nous devrons défendre une ligne claire, construire une Europe plus souveraine, plus unie et plus démocratique, et montrer les résultats concrets de nos actions efficaces. C'est ainsi que nous convaincrons nos concitoyens que la voie du repli nationaliste est sans issue et que seule la coopération en Europe pourra conduire à la stabilité et à la prospérité dans l'intérêt de la France.

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