Intervention de Gilles Roussel

Réunion du jeudi 22 novembre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), président de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée :

- Je vais essayer de compléter les réponses de M. le directeur de cabinet sur différents points.

Tout d'abord, sur la question de l'outil d'aide à la décision et le travail des commissions, nous faisons face au fait que, d'un côté, les familles voudraient savoir dès le début quels sont les critères suivant lesquels les candidatures seront classées. Et de l'autre, une fois qu'elles ont connaissance de ces éléments, elles voudraient qu'on n'utilise aucun algorithme pour opérer ce classement.

J'ai eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises avec M. Ouzoulias. Je me permets de le répéter ici publiquement : il n'y a pas d'algorithme local. Nous disposons effectivement d'outils d'aide à la décision, nous pouvons construire des groupes de population sur lesquels nous pouvons utiliser ces outils, qui nous permettent d'obtenir plusieurs classements qu'il faut ensuite interclasser ; il faut ensuite insérer les cas particuliers à l'intérieur de ce classement, et, en dernière étape, on regarde les cas d'ex æquo, pour décider comment les classer tout de même l'un par rapport à l'autre. Mais il n'y a pas d'outil automatique fonctionnant sur la base de critères systématiques.

Il faut en revanche pour faire cela faire oeuvre de pédagogie car on peut facilement avoir l'impression que les dossiers sont simples à classer les uns par rapport aux autres, alors que ce n'est pas forcément le cas. J'ai évoqué tout à l'heure le cas peu fréquent du bac européen. Autre exemple : quand un titulaire d'un bac professionnel postule en licence de physique, comment compare-t-on une note de chaudronnerie à une note de mathématiques d'un bac S ? Peut-on les comparer simplement avec un algorithme ? Non. Il faut une intervention humaine pour savoir comment comparer les dossiers en fonction des appréciations, en fonction du projet du candidat, en fonction d'autres éléments qualitatifs, qui ne peuvent pas entrer dans un algorithme.

Deuxième point sur lequel je souhaitais répondre : comment faire découvrir de nouvelles filières aux candidats ?

Des outils numériques ont été mis en place et des formations en ligne ouvertes à tous (MOOC) ont été développées pour aider les étudiants à se projeter dans leur avenir. On pourrait peut-être réfléchir à des outils d'intelligence artificielle qui puissent faire des propositions aux élèves, en prenant garde au risque d'envoyer tout le monde vers les filières que tout le monde souhaite. Il existe de nombreuses filières moins embouteillées mais méconnues, ainsi que des universités mal connues qui forment pourtant très bien leurs étudiants et qui permettent aux étudiants de se former à des métiers auxquels ils peuvent aspirer avec de bonnes perspectives d'insertion professionnelle.

Je pense, par exemple, à une étudiante qui avait postulé pour une seule filière d'information et de communication, à qui j'avais dit, mais sans succès, qu'une licence de lettres modernes lui permettrait probablement aussi d'accéder aux mêmes métiers de la communication mais avec des bases théoriques plus fortes. Il faut que nous améliorions la connaissance des filières.

Sur la question des années à l'étranger et du redoublement qui pourrait pénaliser les étudiants, je confirme ce qu'a dit M. le directeur de cabinet : il n'y a pas d'élément qui prédétermine leur traitement dans la plateforme. Ces éléments seront pris en compte par les jurys dans l'appréciation et le classement des dossiers. On peut certes imaginer que, face à deux dossiers d'étudiants ayant les mêmes profils, dont un a redoublé mais l'autre pas, on puisse privilégier celui qui n'a pas redoublé. De la même façon, on pourra, dans certains cas, privilégier un étudiant qui aura fait un séjour à l'étranger parce qu'on considérera que cette expérience de l'étranger constitue un « plus », mais, dans d'autres cas, c'est moins important pour la filière. Il demeure que les jurys doivent juger malheureusement parfois sur des éléments assez ténus et pas toujours quantifiables.

L'idée de « remplir » les filières sélectives avant les filières non sélectives doit être étudiée soigneusement, car ce n'est pas si évident. En effet, certains étudiants hésitent entre des filières sélectives et des filières non sélectives et différencier le calendrier des deux types de filière peut être contre-productif. On a vu apparaître dans Parcoursup des cas où des étudiants privilégiaient des filières de licence ou des filières sélectives en université par rapport à des classes préparatoires, ce qui est plutôt nouveau et satisfaisant pour nos universités. Précédemment, les filières sélectives étaient plutôt mises en premier dans l'ordre des voeux. L'idée de faire une pré-hiérarchie des filières dans le temps par rapport au calendrier de choix des étudiants laisserait supposer que les étudiants partagent la même hiérarchie. Or l'objet de Parcoursup est d'éviter la hiérarchisation des voeux aussi longtemps que possible.

S'agissant enfin de la question de l'aménagement du territoire, il existe une réelle difficulté : les universités n'ont pas les moyens d'être présentes sur l'ensemble du territoire. Nous sommes donc confrontés à un dilemme. Est-ce que l'objectif est de se projeter dans tous les territoires en faisant des conventions, en créant des antennes un peu partout, sachant qu'il sera impossible de couvrir tous les territoires ? Je ne suis pas certain que ce soit souhaitable.

En revanche, nous ne disposons pas aujourd'hui de tous les outils nécessaires pour bien accueillir les étudiants. Les Crous font leur travail pour les boursiers, mais la question du logement n'est pas de la compétence des universités pour les étudiants qui ne sont pas boursiers. Nous ne sommes pas capables d'offrir aujourd'hui aux étudiants une offre tout-en-un qui permettrait de dire : « si vous venez à l'université de Marne-la-Vallée, nous pouvons vous fournir un logement à un prix raisonnable ». Or certains étudiants ont connu leur inscription tardivement en août. J'espère que le calendrier sera plus rapide l'année prochaine. Mais en tout cas, les étudiants doivent chercher un logement qu'ils ne sont pas certains de trouver, surtout s'ils viennent de loin.

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