Intervention de Bernadette Kaars

Réunion du jeudi 17 janvier 2019 à 9h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Bernadette Kaars, administratrice de la Fédération pour l'environnement durable (FED) :

Je vous remercie de donner la parole aux riverains des éoliennes car nous avons besoin d'être entendus. Malgré tout ce que les professionnels de l'éolien peuvent dire, l'éolien est extrêmement contesté sur le terrain ; c'est même la seule énergie renouvelable à l'être. On peut se payer des pages entières pour prétendre que les Français adorent l'éolien, mais la vérité se trouve par exemple dans ce numéro du Courrier de l'Ouest qui date d'il y a deux jours : à Antoigné, au sud de Saumur, les riverains d'éoliennes existantes n'en veulent pas d'autres, et ils parlent en connaissance de cause ! Le taux de recours contre les éoliennes atteint 70 % – c'est le chiffre qu'a donné le ministre de l'écologie lui-même en janvier dernier. Autrement dit, sept permis de construire sur dix font l'objet d'une saisine du tribunal administratif par les associations locales. C'est le taux de recours le plus élevé de toute l'industrie ! Par comparaison, il n'est que de 5 % pour les porcheries industrielles… Lorsque vous voyez un parc éolien n'importe où en France, cela signifie qu'à cet endroit, une association a été écrasée, qu'un projet a été imposé aux populations. Nos élus et décideurs peuvent-ils en être fiers ? Sept fois sur dix, vous écrasez la population ! C'est la vérité, c'est le chiffre du ministère de l'écologie lui-même. Il n'y a pas de quoi être fier.

Pourquoi nous opposons-nous à l'éolien ? La distance minimale de 500 mètres entre une éolienne et des habitations, votée par l'Assemblée, est tout simplement dérisoire et méprisante. Nous sommes envahis, nous sommes écrasés. Je vous parle en connaissance de cause, puisque j'habite sous des éoliennes ; et pourtant, elles sont implantées à 850 mètres de chez moi. Je vous ai apporté des photos que je vous distribuerai. Je ne peux pas sortir de chez moi sans les voir. Et même quand je leur tourne le dos, j'aperçois leur reflet sur mes carreaux. C'est l'enfer ! Un enfer pour vingt ans. Ces nuisances ne s'arrêtent pas un seul instant : ni le week-end, ni les jours fériés, ni le soir, ni le jour. Nos paysages, notre cadre de vie ne sont pas renouvelables. Les éoliennes salissent, balafrent, polluent notre environnement. On vit moins bien sous ces machines.

C'est pour cela que nos maisons perdent de la valeur. La jurisprudence l'a acté : la présence d'un parc éolien ou un simple projet donne à un acquéreur un argument de poids pour faire baisser le prix de nos maisons. Cela est indiscutable. Deux appartements à Paris de superficie identique, l'un donnant sur le Champ de Mars, l'autre sur le périphérique, auront-ils le même prix ? Deux chambres d'hôtel identiques, l'une avec vue sur la mer, l'autre sur un parking, auront-elles le même prix ? À la campagne, nous avions l'espace et le silence ; l'un et l'autre nous ont été volés par les éoliennes. Au dos de mes photos, j'ai inscrit mon adresse et mon numéro de téléphone. Vous êtes tous invités à venir voir la réalité qu'on nous impose.

Le Gouvernement, qui a bien conscience de cette situation, s'est très bien organisé pour nous faire taire. Les collectivités locales sont indemnisées. L'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), que paient les promoteurs et qui réjouit tant quelques élus, a été instituée au profit des communes subissant les nuisances environnementales liées à la présence des éoliennes. Quant aux particuliers, qui doivent être, eux aussi, indemnisés, voilà ce que répondait la ministre Mme Ségolène Royal à la question écrite d'une sénatrice, le 6 octobre 2016 : « Le porteur de projet est tenu de réparer le préjudice qu'il causerait à autrui. Ces réparations, négociées librement entre les personnes lésées et le porteur de projet, peuvent prendre la forme d'indemnisations financières ou autre compensation. » Si ces indemnisations peuvent adoucir, voire faire taire la colère, en aucune façon, elles ne nous rendent notre cadre de vie et notre qualité de vie. On essaie de nous faire taire avec de l'argent. Mais doit-on vraiment installer des éoliennes, alors que ce n'est pas une nécessité ? Il y a d'autres énergies renouvelables qui ne sont pas contestées.

Peut-être vous dites-vous que ces indemnisations coûtent une fortune aux promoteurs ? Pas du tout ! Il est plus rentable pour un promoteur éolien d'imposer des nuisances tout en sachant qu'il devra les indemniser que de renoncer à un parc. Le promoteur allemand WPD, adhérent de France énergie éolienne, vient de vendre pour 93 millions d'euros huit parcs éoliens français à des Canadiens, qui se sont gentiment fendus d'un communiqué de presse que je tiens à votre disposition. La société Innergex s'y réjouit d'annoncer à ses actionnaires que la France est une tirelire ouverte, avec 23 millions d'euros de revenus garantis par an – merci le tarif de rachat ! De son côté, WPD a fait 40 millions d'euros de plus-value qui sont partis, tout à fait légalement, vers la maison mère, en Allemagne. C'est une association qui se bat contre WPD qui m'a transmis ces informations. Je peux vous fournir tous les documents sur demande.

Nous, nous sommes au milieu de tout cela. Nous avons les nuisances, notre patrimoine dévalué et une dette à long terme. Nous sommes heureux de financer les Canadiens avec les subventions éoliennes. Est-ce vraiment cela que nous voulons ? Je m'emporte un peu… Mais j'habite sous les éoliennes, et c'est absolument terrible !

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