Intervention de Hélène Vainqueur-Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 21h30
Fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Vainqueur-Christophe :

En accord avec le rapporteur, comme ce fut le cas la semaine dernière en commission, j'ai déposé plusieurs amendements afin de rendre les victimes du chlordécone éligibles au fonds d'indemnisation des produits phytopharmaceutiques prévu par la présente proposition de loi.

Vous comprenez tous la résonance que peut avoir ce texte en Guadeloupe et en Martinique. La pollution des pesticides, nous la subissons ; la contamination, nous la vivons. Chez nous, ce poison a un nom : le chlordécone. Chez nous, les victimes ont un visage : celui des exploitants agricoles, hier pollueurs par défaut, aujourd'hui victimes ; celui des pêcheurs également, condamnés à s'embarquer toujours plus loin pour vivre de leur activité ; celui enfin des Guadeloupéens et des Martiniquais qui, tous les jours, s'empoisonnent en consommant du poisson, du bétail, des volailles, des tubercules et tout autre produit local issu des sols empoisonnés.

Certes, la situation des victimes du chlordécone est bien différente de celle des autres victimes de pesticides visés par ce texte. Depuis 1993, il n'y a en effet plus d'exposition professionnelle directe au poison mais c'est sa persistance dans l'environnement qui explique que 90 % de la population locale soit contaminée par voie alimentaire.

Jusqu'où sommes-nous prêts à aller ? Les amendements que je vous soumets prennent en compte les particularités que je viens d'évoquer et, tant que faire se peut, entendent offrir une réponse aux victimes présentes et futures du chlordécone. Je vous le dis, en commission, l'examen du texte a laissé un goût amer à nos compatriotes de Guadeloupe et de Martinique. Certains se sont sentis humiliés, d'autres profondément meurtris, par le rejet de ces amendements. Quelques heures plus tard, le rejet en bloc de la proposition de loi tendant à créer un fonds d'indemnisation pour les victimes du chlordécone, sans même qu'un amendement de la majorité n'ait été déposé, a fini d'achever leurs espoirs.

Nous sommes donc parvenus ce soir à un moment de vérité : oui ou non, la République française est-elle prête à reconnaître solennellement l'ampleur du scandale ? Oui ou non les Guadeloupéens et les Martiniquais sont-ils fondés à demander l'indemnisation des préjudices subis ? Plus largement, pourquoi ce qui a été fait pour répondre aux scandales de l'amiante, du sang contaminé ou des essais nucléaires en Polynésie française ne serait-il pas envisageable pour les victimes des pesticides ? Pourquoi, alors que l'attente est forte, alors que les victimes sont là et qu'un rapport de préfiguration le rend légitime, a-t-on rechigné à créer un dispositif de réparation intégral des préjudices subis par des milliers de nos compatriotes ?

Le vote que nous allons émettre en conscience dans quelques instants nous met collectivement face à nos responsabilités. Soyez-en sûrs, le groupe Socialistes et apparentés prendra la sienne.

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