Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 16h30
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Monsieur le ministre, vous arrivez à votre ministère. Nous avons donc envie de vous faire crédit et de croire que la situation va s'améliorer pour les Ultramarins à partir de maintenant. Je ne vous cache pas qu'au cours des mois qui viennent de s'écouler, nous avons eu le sentiment de voir s'accumuler des signaux très négatifs quant à l'intérêt porté aux Ultramarins et aux cultures ultramarines.

Nous avons tout d'abord vu la Cité des outre-mer, dont le projet était quasiment bouclé, disparaître. J'ai compris à l'issue de la consultation et du Livre bleu que ce projet allait devenir un portail internet. Après vingt ans de promesses, c'est une décision extrêmement difficile à accepter. La région parisienne est un espace qui compte de très nombreux lieux culturels, où la diversité des cultures est grande et où chaque composante de la population peut avoir le sentiment qu'il existe un endroit où elle se voit. La seule composante de la population qui ne dispose d'aucun lieu où se rencontrer, ce sont les Ultramarins, et notamment les jeunes issus de parents ultramarins, qui n'ont nulle part où trouver la culture, l'histoire qui les concerne. Par conséquent, ces jeunes sont considérés comme des immigrés comme des autres – et ce ne sont même pas des immigrés, puisqu'ils n'ont aucun lieu où se retrouver.

À mon sens, c'est non seulement une erreur en matière culturelle, mais une erreur en matière sociétale. C'est une décision que nous allons devoir assumer et qui sera très mal perçue par toute cette jeunesse. Comme vous êtes un élu de la banlieue parisienne, je sais que c'est quelque chose que vous pouvez comprendre. Vous savez que, dans nos banlieues, nombre de jeunes, qui n'habitent pas les outre-mer mais ici, à Paris ou en région parisienne, ont besoin d'avoir quelque chose à quoi se raccrocher. Je ne comprends pas que pour économiser une somme relativement modeste, l'on ait tué ce projet qui avait été porté par toutes les composantes de la société et du Gouvernement.

Le signal donné par la décision frappant France Ô est le deuxième signal extrêmement négatif. Certes, nous l'avons dit également, ce n'était pas forcément la bonne solution de devoir avoir une chaîne spécifique ; tout le monde aurait préféré que l'outre-mer soit visible sur les grands médias. Mais il est heureux que des films ou des séries américains soient diffusés pour que nos jeunes sachent qu'il y a des Noirs dans la société, car si l'on s'en tenait aux autres films ou séries, ce serait extrêmement difficile !

La disparition de France Ô, sans savoir comment nous allons être plus présents dans le reste de la société française, est extrêmement inquiétante. Les actrices originaires des outre-mer ont, elles aussi, protesté, demandant où est leur place dans les médias et dans les films. Là encore, un gros effort reste à faire pour que chacun prenne bien conscience qu'au cinéma et dans les séries, on a envie de voir la société française dans toute sa diversité. Les Ultramarins sont une partie, non négligeable, de cette diversité.

Enfin, un dernier point me soucie. À l'extérieur, il y a une prise en compte de l'apport des Ultramarins à la culture française. Le dernier exemple est le fait que le prix Nobel alternatif ait été décerné à Maryse Condé, immense romancière depuis des années. Ce qui me préoccupe, c'est que nulle part n'a été repris le fait que le Nobel alternatif décerné à Maryse Condé était une manière de gratifier et d'honorer la diversité de la société française. Ce silence assourdissant pose question sur la présence des Ultramarins dans notre société.

J'espère donc que, sur tous ces points, vous allez nous aider à rectifier le tir et, pour en finir sur Maryse Condé, l'un de ses derniers ouvrages a justement trait à la radicalisation des jeunes. Il pose la question de leur place dans notre société. Je pense que c'est un problème qui est clairement devant nous.

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