Intervention de Hervé Thomas

Réunion du jeudi 7 février 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Hervé Thomas, délégué général d'Armateurs de France :

Quelques mots pour présenter Armateurs de France. Il s'agit d'une organisation professionnelle des entreprises françaises de transports et de services maritimes. J'insiste sur la notion de services car, à la différence d'autres associations nationales d'armateurs, Armateurs de France se caractérise par une très grande diversité de métiers : transport de marchandises et de passagers mais aussi grandes entreprises de services dont on ignore parfois le caractère majeur, voire stratégique. Je pense à celles qui s'occupent de la pose et de l'entretien des câbles sous-marins par lesquels transitent 99 % des données numériques dans le monde, contrairement à ce que croient bon nombre de nos concitoyens qui pensent que ce sont les satellites qui jouent un rôle clef.

La flotte mondiale est composée de 60 000 navires de commerce et les armateurs français possèdent ou opèrent un millier de navires. Nous comptons plusieurs acteurs majeurs parmi nos adhérents. Je citerai CMA-CGM qui opère plus de 500 navires dans le monde, ce qui fait de lui le quatrième opérateur mondial en matière de porte-conteneurs, après avoir occupé pendant longtemps la troisième place, d'où il a été délogé par le jeu des alliances asiatiques.

Nous avons ainsi la capacité de faire peser nos choix dans la transition énergétique. Les armateurs français sont plutôt partants et nous travaillons très bien avec notre administration de tutelle – j'ose presque dire partenaire – et avec le Gouvernement. Nous sommes également très bien entendus par les parlementaires pour mettre en oeuvre diverses mesures.

Notre activité s'exerce dans le contexte d'une compétition internationale très agressive. Le transport maritime est un gros consommateur de carburants, c'est aussi ce qui lui donne un poids dans les choix techniques qui vont être opérés. Il pourra entraîner avec lui des filières entières. Nous reviendrons sur le GNL.

Pour nous, deux axes s'imposent.

Il y a d'abord un enjeu de court terme de santé publique : réduire l'impact des oxydes de soufre et d'azote et les particules fines, comme l'attendent nos concitoyens.

Il y a ensuite un enjeu de moyen et long terme : la décarbonation du transport maritime.

Nous sommes très favorables aux mesures de court terme. Le président d'Armateurs de France s'est rendu il y a une quinzaine de jours à Marseille pour la présentation de la fameuse étude d'impact sur la création d'une zone ECA en Méditerranée. Les armateurs français sont favorables à cette solution, dès lors que les mêmes règles s'appliquent à tous. L'intervention de l'OMI nous aidera, je pense, à comprendre les dynamiques de décision.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous disposons d'une palette de solutions. Par exemple, l'alimentation électrique à quai est déjà mise en oeuvre, notamment en Méditerranée, par La Méridionale et Corsica Linea. C'est une solution intéressante, particulièrement adaptée aux flottes domestiques et aux compagnies de ferries assurant des liaisons pendulaires, même si elle est ponctuelle et limitée. Ce système, qui nécessite un équipement du navire et du quai, représente un vrai investissement.

La filtration des carburants, grâce aux scrubbers, est également une solution. Le système, particulièrement efficace sur les oxydes de soufre, est encore en phase d'expérimentation sur les particules. S'il est efficace à terre, sur un bateau, c'est plus compliqué. Il serait aussi possible d'utiliser un carburant intrinsèquement moins polluant, en passant du fioul lourd au fioul léger.

Une autre solution très intéressante reviendrait à réduire la vitesse. Immédiatement opérationnelle, elle est facile à contrôler et s'applique à une grande partie de la flotte. Sans être la solution universelle, elle est extrêmement intéressante, notamment pour le transport du vrac.

Il faut aussi favoriser le passage à des carburants moins impactants : le fioul léger, le GNL et l'hydrogène. Aujourd'hui, le GNL est plus cher à la construction et sa chaîne d'approvisionnement n'est pas encore mature. Nous réfléchissons à des pistes fiscales, afin d'inciter à investir dans ces constructions et de soutenir la filière logistique d'approvisionnement.

Quant à l'hydrogène, c'est l'une des pistes, sinon la piste d'avenir, si et seulement s'il est d'origine décarbonée. Le transport maritime nécessitant une énorme puissance, l'hydrogène ne constitue pas encore la solution pour la propulsion principale ; mais il peut l'être pour la production d'énergies auxiliaires. Nous y travaillons. L'une de nos compagnies a ainsi établi un partenariat de recherche avec le Commissariat à l'énergie atomique, pour un petit navire alimenté à l'hydrogène.

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