Intervention de Francis Claudepierre

Réunion du jeudi 24 janvier 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Francis Claudepierre, président et agriculteur méthaniseur de l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France :

Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité à cette table ronde. Je suis éleveur de vaches laitières en Meurthe-et-Moselle et pratique la méthanisation et l'agriculture biologique depuis dix-huit ans.

Je représente aujourd'hui l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France, qui regroupe environ la moitié des installations agricoles, dont la plupart sont en cogénération. Nous avons participé au groupe de travail initié par Sébastien Lecornu. Mme Coron en a présenté précédemment les principales mesures, que nous accueillons favorablement. Nous partageons ainsi les priorités d'utilisation du biogaz, à savoir l'injection dans le réseau, la mobilité et la cogénération.

Je souhaiterais profiter de cette tribune pour rappeler les avantages de la cogénération. Les réseaux gaziers de collecte ou de distribution n'arrivent pas partout dans les campagnes, alors que le réseau Enedis est à la portée de toutes les exploitations, où qu'elles soient. Nous y produisons de manière efficace de l'électricité injectée en bout de réseau, ce qui, en électricité répartie, est très important. Par rapport aux deux autres sources de production intermittentes d'électricité renouvelable que sont le solaire et l'éolien, la production d'électricité par cogénération présente la particularité d'être stockable et prévisible, ce qui constitue indéniablement un atout. Bien entendu, chaque agriculteur va, quand il le peut, vers l'injection. Malgré tout, de petits projets de cogénération disséminés dans les campagnes permettent de traiter la matière première sur place, ce qui est parfois plus efficace que de l'acheminer à quinze ou vingt kilomètres de l'exploitation pour pratiquer de l'injection.

Les agriculteurs méthaniseurs cherchent à participer à la transition énergétique, mais n'ont pas l'ambition de changer de métier et souhaitent continuer à travailler pour nourrir la population, grâce entre autres à la méthanisation et malgré toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Il nous est par exemple proposé de baisser les coûts. Or certains coûts sont incompressibles. Nous pensons ainsi que le volet « aides » ne doit pas être diminué, mais réorienté. Les aides à l'investissement sont parfois trop visibles des constructeurs, ce qui empêche la diminution du prix des équipements. Elles pourraient être réorientées vers les financements. Nous accueillons par conséquent favorablement le projet de financement par Bpifrance, même si le taux d'intérêt peut jouer le rôle de repoussoir : nous espérions en effet des taux zéro.

Les aides devraient également être orientées vers la formation et la professionnalisation de la filière. De trop nombreux porteurs de projets manquent encore de visibilité sur leurs projets, ont des difficultés à le formaliser, à l'exprimer lorsque se pose le problème de l'acceptabilité. Nous souhaiterions donc que des formations adaptées soient développées à leur attention.

La baisse des coûts devra aussi certainement être compensée un jour par la monétisation des externalités positives : il faut absolument y travailler. Il importe aussi de veiller à la baisse des coûts ou à l'amélioration des rendements des cultures intermédiaires, auxquelles il conviendra d'octroyer un statut de « vraies cultures » et de supprimer le qualificatif d'« intermédiaires ». Il faudra ainsi acter dans la politique agricole commune (PAC) le principe de base de trois cultures en deux ans.

Les freins administratifs restent considérables, même si nous avons constaté une réelle amélioration au fil du temps. Il est ainsi beaucoup question en ce moment d'hygiénisation obligatoire sur des projets collectifs. Je souhaiterais rappeler que les projets collectifs représentent souvent la possibilité pour de petites et moyennes exploitations de participer à l'enjeu de la méthanisation. Or une obligation d'hygiénisation totale engendrerait des surcoûts insupportables et injustifiés. Notre espoir est que les volontés politiques de voir se développer la méthanisation, qui sont exprimées en haut lieu, soient partagées dans les services administratifs. On se demande parfois qui gouverne.

Les freins à l'acceptabilité constituent une autre limite. Il est important d'imaginer des actions en ce sens, en donnant par exemple aux riverains, aux voisins, la possibilité de s'inscrire dans une démarche de financement participatif, afin de les intégrer dans les projets et de favoriser ainsi une meilleure acceptation. Nous constatons par ailleurs le développement de recours de la part d'associations qui se créent et font preuve de beaucoup d'opportunisme dans la contestation : il devient à la mode de contester un projet de méthanisation. Nous proposons donc que lorsqu'un recours administratif est formulé, les opposants déposent une caution équivalente au préjudice qu'ils entendent subir, de façon à ce qu'ils réfléchissent davantage avant de lancer une telle procédure de façon injustifiée.

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