Intervention de Marc Mortureux

Réunion du jeudi 31 janvier 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA) :

La Plateforme automobile regroupe l'ensemble de la filière, constructeurs, équipementiers, soit environ 4 000 entreprises industrielles de fournisseurs qui représentent une part importante de l'innovation de l'automobile. Dans le cadre du comité stratégique de la filière automobile, elle représente également l'ensemble de l'aval de la filière, c'est-à-dire tous les services, les concessionnaires étant aussi appelés à jouer un rôle important dans la transition.

En mai dernier, nous avons signé le contrat stratégique de la filière automobile 2018-2022. Nous vivons une période à la fois fascinante et inquiétante de transformation extraordinairement profonde avec la transition écologique, énergétique, digitale et sociétale, incarnée par un véhicule propre, connecté, autonome et partagé. Au travers de ce contrat et de la démarche engagée avec tous les acteurs, nous sommes entrés résolument dans une logique d'acteurs de cette transition. Nous n'avons pas le choix, cela fait partie des attentes de la société, pour des raisons écologiques, énergétiques, compte tenu de l'évolution du rapport à la voiture et des besoins croissants en matière de mobilité. Nous sentons bien qu'au travers des évolutions technologiques, la frontière traditionnelle entre transport public collectif et transport individuel privé tend à s'estomper. Une des caractéristiques de l'époque actuelle, c'est, pour réussir cette transition, l'obligation de travailler ensemble : public, privé, acteurs traditionnels de la filière automobile et des transports, ainsi que nouveaux acteurs. La philosophie de ce contrat de filière est la mobilisation collective et l'ouverture en vue de réussir cette évolution.

Dans ce cadre, nous traiterons des aspects technologiques et énergétiques, mais à moyen terme, la plus grande contribution s'inscrira dans la volonté d'être acteurs des nouvelles mobilités par une combinaison intelligente de tous les modes. En tant que filière automobile, nous ne sommes pas encore clairement identifiés par les élus locaux comme des acteurs des nouvelles mobilités. C'est l'un des travaux importants que nous allons mener cette année, en association avec tous les acteurs, pour contribuer aux réflexions au niveau d'agglomérations et de territoires. Nous voulons être des apporteurs de solutions, aux côtés d'autres acteurs, car nul ne peut revendiquer être le seul acteur. Les défis sont considérables. Nous devons jouer collectif. C'est pourquoi nous travaillons avec un certain nombre de territoires et collaborons et échangeons beaucoup sur les nouvelles technologies avec le CEA-LITEN.

Dans cette transition, nos horizons temporels sont les suivants.

À très court terme, dans les deux années à venir, nous devons réussir le décollage du véhicule électrique et du véhicule hybride rechargeable. Les deux sont nécessaires car ils correspondent à des types d'usage différents. Je ne suis pas sûr que le véhicule électrique soit la seule solution d'avenir mais à court terme, cette technologie mature est adaptée pour répondre à certains types d'usages. Le cadre réglementaire oblige les constructeurs à vendre beaucoup plus de véhicules électriques et hybrides rechargeables dans les deux ans qui viennent. Nous nous sommes engagés à multiplier par cinq les ventes de véhicules électriques d'ici à 2022 par rapport à 2017. C'est un enjeu très concret pour le secteur de l'automobile qui investit des milliards d'euros. Quantité de nouveaux véhicules vont être mis sur le marché. Le grand enjeu est de les vendre. Nous avons besoin de cohérence et d'un écosystème favorable.

À moyen terme, à l'horizon 2030, il est prévu de diviser par un peu plus de deux les émissions de CO2 des véhicules neufs par rapport à leur niveau actuel. C'est une transition extrêmement rapide au regard de la lourdeur de cette industrie. Au-delà de 2030, nous devons nous ouvrir à toutes les options technologiques possibles. Nous souhaitons que le cadre réglementaire et législatif respecte le principe de neutralité technologique. Notre collègue du CEA invitait à traiter pareillement le volet batteries et le volet hydrogène. J'irai plus loin. Il est important qu'on nous fixe des objectifs, et nous avons le devoir de nous mobiliser pour les respecter, qu'il s'agisse des enjeux globaux de baisse des émissions de CO2 ou des enjeux locaux de pollution de l'air, mais ils doivent être formulés sous la forme la plus neutre possible pour ne pas fermer a priori des pistes technologiques dont on ne peut aujourd'hui garantir le succès mais qu'il serait dommage de ne pas pouvoir développer. L'histoire a montré qu'il fallait se méfier de l'idée d'une solution miracle pour régler toutes les questions et répondre à tous les usages. Il faut trouver un juste équilibre entre ceux qui, a priori, critiquent le véhicule électrique à batteries, alors qu'il répond pleinement à certains types d'usages, et ceux qui considèrent que c'est la seule solution.

Au-delà de la problématique des batteries, pour lesquelles nous entrons dans une massification du marché, avec l'enjeu considérable de notre capacité à développer une filière européenne de batteries maîtrisée technologiquement, l'hydrogène est une piste extrêmement prometteuse dans laquelle des constructeurs et de grands équipementiers comme Michelin, Faurecia ou Plastic Omnium s'investissent fortement. En termes de parts de marché d'ici à 2030, cette technique concernera probablement moins le véhicule particulier que des créneaux d'usage intensif et lourd, mais c'est une piste importante. Il faut résoudre les problèmes de coûts et de construction d'infrastructures. Une de nos craintes est de pouvoir atteindre les objectifs ambitieux qui nous sont fixés et que nous partageons bien volontiers, car nous dépendons d'écosystèmes complexes. Nous avons déjà des inquiétudes sur la montée en puissance des infrastructures de bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables. L'hydrogène et le gaz sont des pistes intéressantes à titre temporaire ou définitif. La difficulté réside dans la capacité à développer à grande échelle des infrastructures de nature à convaincre les consommateurs que les conditions sont réunies pour qu'ils puissent faire tel ou tel choix. Dès l'année prochaine, il faudra vendre trois fois plus de véhicules électriques qu'aujourd'hui. En ce début d'année, les consommateurs seront-ils assez nombreux à être convaincus que c'est le bon moment pour basculer ? Nous avons besoin d'une cohérence d'ensemble.

D'autres sujets technologiques peuvent être intéressants, d'autres types de combustion décarbonés peuvent être développés. Traditionnellement, l'industrie automobile investit énormément en matière de recherche et développement. Sur les cinq premières entreprises en tête de classement en matière de dépôt de brevet, trois relèvent de l'automobile. C'est la seule possibilité de survie pour l'industrie automobile. Il faut laisser le spectre ouvert, mais opérer des choix parmi les technologies, car le déploiement à grande échelle nécessite des investissements très lourds, et il n'est pas certain que le pays soit en capacité de suivre à grande échelle toutes les pistes envisageables.

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