Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2019 à 15h00
Débat en vue du conseil européen des 21 et 22 mars 2019

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Allons au plus simple. Avant ce Conseil européen, je veux m'adresser à celui qui affirme être le seul responsable de la politique dans ce pays, celui qui, de manière à peine dissimulée, est aujourd'hui la tête de liste cachée de La République en marche pour les élections européennes : vous aurez reconnu Emmanuel Macron.

Monsieur le Président de la République, vous êtes le Fantômas de la campagne européenne. Vous faites une campagne masquée. Vous l'avez déguisée en un « grand débat » où vous monopolisez la parole sur toutes les chaînes, publiques et privées. Avec votre tribune parue aujourd'hui, vous paradez, encore une fois, dans toute la presse nationale et internationale, sur la question européenne.

Je vous le dis : ces méthodes ne sont pas celles d'un régime démocratique. D'ailleurs, nous sommes en droit de nous demander si les dépenses qu'elles induisent seront intégrées aux comptes de campagne de votre parti – je parle à la fois du grand débat et de cette tribune parue dans la presse.

J'ai lu votre tribune. Vous vous agitez, dans cette lettre, mais vous ne proposez rien de bon, ni pour la France ni pour l'Europe. Votre lettre, c'est celle d'un dirigeant qui prend la main de Trump, et qui s'accroche à la veste de l'OTAN.

Vous nous parlez d'« Europe de la défense », mais de la défense contre qui ? Qui est l'ennemi ? Pourquoi augmenter nos dépenses militaires ? Votre lettre, c'est celle d'un apprenti chimiste qui remue des concepts dangereux.

En réalité, vous nous proposez ni plus ni moins que d'accélérer la fin de l'indépendantisme français, pour servir une politique internationale dangereuse et belliqueuse, derrière Trump, un homme dangereux et belliqueux, au service d'une alliance dangereuse et belliqueuse, l'OTAN. Contrairement à Trump, nous ne voulons pas d'une escalade guerrière avec les Russes, nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. Est-ce vraiment la paix que vous nous promettez ?

Voilà la réalité de votre lettre. Pour le reste, elle reprend finalement la méthode dite d'Orwell, que vous utilisez dans le gouvernement de notre pays : vous y prônez une chose au niveau européen, alors que vous faites l'exact contraire en France.

Vous nous parlez ainsi de créer un « bouclier social européen ». Mais qui est derrière la loi Pénicaud, derrière les ordonnances sur le travail, qui a détruit le bouclier social en France ? C'est vous !

Qui a cassé la protection des travailleurs et tient les chômeurs pour responsables de leur situation ? C'est vous ! Vous nous parlez de mettre en place un SMIC européen, alors que vous refusez d'augmenter le salaire minimum en France. Vous refusez de mettre fin au statut de travailleur détaché, et vous attaquez le système de protection sociale.

Vous dites vouloir nous protéger. La belle affaire ! Alors pourquoi engager la France dans tous les traités de libre-échange dévastateurs : CETA, JEFTA et bientôt TAFTA ? Vous nous protégez tellement que vous bâillonnez tout débat, que vous empêchez toute délibération, y compris à l'Assemblée nationale. Vous ne défendez pas les Français : sur les grandes questions des traités de libre-échange, vous volez leur parole. C'est différent.

Vous dites vouloir une meilleure qualité pour notre alimentation. Mais vous refusez d'interdire réellement, maintenant, le glyphosate, scandale sanitaire programmé qui sera un jour un nouvel amiante.

Vous dites protéger les libertés en Europe, mais en France vous les faites disparaître par des lois scélérates. En France, la liberté reçoit des coups de matraque et perd des yeux. C'est celui-là, votre bilan : celui d'un régime de plus en plus autoritaire.

Qui refuse de mettre fin au dumping social et fiscal ? C'est encore vous !

Vous dites vouloir réviser les traités. Pour le coup, nous pourrions dire que nous serions satisfaits que vous nous emboîtiez ainsi le pas. Sauf qu'en réalité, vous appliquez le credo libéral de façon brutale.

Notre pays n'a pas besoin de lettres larmoyantes, mais de vérité. La vérité, c'est que la transition écologique n'est pas compatible avec le libéralisme et le tout-marché. La vérité, c'est qu'une agriculture saine n'est pas possible sans l'interdiction des pesticides et du glyphosate, et sans sortir d'une PAC au service de l'agrobusiness.

La vérité, c'est que l'harmonisation sociale et l'harmonisation fiscale sont – et vous le savez – interdites par les traités de fonctionnement de l'Union européenne.

Vous faites mine de vouloir organiser un affrontement politique avec les xénophobes, les nationalistes et leurs gouvernements en Europe. En réalité, vous prônez finalement la même politique, celle qui s'arrange des traités actuels et qui fait que, entre autoritaires libéraux et libéraux autoritaires, vous me pardonnerez de le penser, on ne voit plus vraiment de différence dans la façon de gouverner les pays.

En réalité, il n'y a pas de duel entre l'extrême droite et les libéraux autoritaires, dont vous êtes aujourd'hui l'un des représentants les plus importants. Ils forment le même visage : celui d'une Union européenne qui n'est pas celle de la souveraineté des peuples, dont nous aurions besoin, pas celle du progrès social et écologique, mais celle de la concurrence de tous contre tous, et de l'autorité budgétaire.

Pour vaincre cette double face de la politique européenne – et c'est ainsi que nous devrions préparer un conseil européen – , nous avons une méthode : la désobéissance aux traités européens qui condamnent les peuples à l'austérité à perpétuité. Cette méthode est simple, basique, et pourtant nous observons que nous sommes presque les seuls à la défendre. Elle est valable ici, en France, contre votre gouvernement. Elle sera valable pour nos députés européens dans le prochain Parlement, en attendant que nous puissions organiser l'alternative.

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