Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 5 mars 2019 à 21h30
Débat sur la judiciarisation et la criminalisation de l'action militante

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Ce conducteur de camion a dénoncé la gestion irrégulière des déchets par Arcelor, à 2 kilomètres d'une commune. Mais dans votre système, c'est lui le coupable : c'est lui qui est poursuivi au tribunal, c'est lui qui ne trouve plus d'emploi, c'est lui que la répression patronale conduit au burn-out, à une hospitalisation en psychiatrie, à envoyer des lettres de menaces.

Cette répression accrue des militants syndicaux, écologistes, étudiants, gilets jaunes, les jeunes des quartiers la subissent dans le silence depuis des années. Au fond, votre libéralisme autoritaire ne fait que renouer avec cette vieille tradition du capitalisme du XIXe siècle qui voit dans les classes laborieuses des classes dangereuses, la discrimination raciale s'ajoutant à la discrimination sociale.

Adam et Fatih, deux jeunes de 17 et 19 ans, sont morts à Grenoble à la suite d'une course-poursuite avec la BAC. Ils sont morts : l'opération de police est donc un échec, car, quels qu'aient été leurs torts, on conviendra que la sanction est tragiquement disproportionnée, les poursuites étant sévèrement réglementées et limitées par une directive. Ils sont morts, comme Adama, comme Gaye, comme Zyed et Bouna, comme tant d'autres. Là encore, quel message de condoléances avons-nous entendu ? Aucun. Quel questionnement cela entraîne-t-il sur la manière dont l'État agit à l'égard des quartiers ? Sous l'influence de consignes gouvernementales formulées au nom de la reconquête républicaine plutôt que de l'égalité républicaine, on criminalise par avance toute une population et on s'interdit tout retour à une République pacifiée.

Au final, dans le monde de Macron, ceux qui relèvent la tête doivent se taire – sous la matraque, sous un procès, sous les tirs de LBD, sous la pression, derrière des barreaux ou mis au sol par les amendes, avec la bénédiction du Gouvernement. Dans le monde rêvé de Macron, un bon citoyen est un lycéen de Mantes-la-Jolie à genoux, les mains sur la tête, Uber plutôt que dealer, mais surtout pas contestataire. Ce n'est pas la France, ce n'est pas notre République.

Puisque c'est vous, madame la ministre de la justice, qui êtes ici ce soir au lieu de votre collègue qui, une fois de plus, se cache, allez dire à MM. Macron et Castaner que nous combattrons toujours cette politique autoritaire et austéritaire ! Nous refuserons, décidément, de nous y soumettre.

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