Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet, rapporteure :

De plus, les modalités de calcul spécifiques à l'AAH se justifient tout simplement par les coûts très importants induits par le handicap, que la PCH ne peut compenser à elle seule. En définitive, le niveau de vie de ses bénéficiaires reste très faible. L'AAH n'est donc en rien avantageuse : elle prend simplement en compte les dépenses supplémentaires liées au handicap.

La proposition de loi permettra également de donner sa pleine mesure à l'augmentation de l'AAH décidée par le Gouvernement. En effet, le relèvement à 900 euros s'accompagne d'une baisse du coefficient de prise en compte des revenus du conjoint : le plafond pour un bénéficiaire en couple est désormais de 19 504 euros par an, contre 20 640 euros avant le 1er novembre 2018. Cette baisse du plafond a eu lieu, je le répète, parallèlement à l'augmentation de l'AAH décidée par le Gouvernement, annulant cette augmentation pour nombre de bénéficiaires en couple. Quelque 155 000 d'entre eux, ceux qui ont déjà atteint le plafond, se voient exclus de la revalorisation.

Il existe une opposition que je qualifierais de « philosophique » entre celles et ceux qui pensent que la solidarité familiale doit primer sur la solidarité nationale, ce qui justifierait le mode de calcul actuel de l'AAH, et celles et ceux qui pensent, à l'instar des signataires de ce texte, qu'il revient à la solidarité nationale de garantir des ressources suffisantes aux personnes handicapées. C'est l'esprit même de notre système français de protection sociale.

En faisant primer la solidarité familiale, c'est la famille même que l'on fragilise dans le cas de l'AAH. Sous prétexte de solidarité familiale, le système actuel met sous tutelle des bénéficiaires de l'AAH, les place sous la dépendance du conjoint ou de la conjointe. Ce n'est pas la conception que je me fais de la solidarité. Vous ne pouvez participer à rien – le loyer, la nourriture, les loisirs, les vacances – car votre AAH est réduite, voire supprimée. C'est une curieuse conception de l'autonomie et un dévoiement du rôle de la famille, au nom de la solidarité familiale.

Enfin, le présent texte vise aussi à amorcer la lutte contre la précarité des personnes en situation de handicap, particulièrement importante dans notre pays. Un million des 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont des personnes handicapées. Celles-ci sont particulièrement exposées au risque de précarité. Le Conseil économique, social et environnemental – CESE – souligne qu'elles connaissent d'importantes difficultés d'accès à l'emploi et de maintien dans l'emploi. D'après des données publiées en 2015 par la DARES – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail – , seuls 20 % des bénéficiaires de l'AAH occupaient alors un emploi. Les personnes en situation de handicap sont aussi davantage exposées au risque de chômage : elles y restent en moyenne 200 jours de plus que les autres personnes.

Les difficultés perdurent pour les personnes en situation de handicap : impossibilité de cumuler certaines aides qui permettraient d'améliorer leur niveau de vie ; suppression du complément de ressources par la loi de finances pour 2019 ; abaissement des normes d'accessibilité pour la construction ; inclusion toujours difficile des élèves handicapés à l'école, le statut des accompagnants demeurant insuffisant malgré quelques pas en avant dans le projet de loi pour une école de la confiance.

Quatorze ans après la grande loi de 2005, notre pays doit renouer avec une politique volontariste en matière de handicap. Une motion de rejet préalable a été déposée par la majorité. C'est un message extrêmement négatif adressé aux hommes et aux femmes, aux associations qui se mobilisent depuis des années pour la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés. Votre refus de débattre jusqu'au bout d'une question aussi sensible est injustifiable.

C'est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à voter contre la motion de rejet et à vous engager dans la discussion des articles. Laissez le débat se dérouler sur cette proposition de loi de justice et d'émancipation, résolument tournée vers l'avenir, qui permettra à des dizaines de milliers de nos concitoyens et concitoyennes en situation de handicap de vivre mieux, tout simplement.

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