Intervention de Christine Cloarec-Le Nabour

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Cloarec-Le Nabour :

Bien évidemment, nous avons toutes et tous ici connaissance, sur nos territoires, de situations personnelles compliquées, de personnes en attente de solutions, de personnes en souffrance. Ces situations ne laissent personne indifférent, nous alertent et nous interrogent. C'est pourquoi il nous faut agir sur plusieurs leviers pour améliorer leur quotidien.

Permettez-moi de vous rappeler quelques décisions prises depuis le début de mandat concernant directement les personnes en situation de handicap.

Dès le début de ce quinquennat, un secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, rattaché au Premier ministre, a été créé. Ce fut un signal fort et la preuve du caractère transversal de la mission et de l'importance du sujet. Cette décision a acté le fait que le handicap constituait un enjeu majeur pour ce gouvernement.

À la suite du rapport Taquet-Serres, intitulé « Plus simple la vie », deux décrets sont sortis afin de faciliter la vie des personnes en situation de handicap. Ainsi, depuis le 1er janvier 2019, toutes les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement se voient reconnaître leurs droits à vie. Auparavant, un bénéficiaire de l'AAH devait renouveler ses droits de neuf à dix fois en moyenne au cours de sa vie.

L'adoption récente de plusieurs textes d'initiative parlementaire a permis d'améliorer le statut des aidants, par exemple avec le don de jours et la reconnaissance du statut de proche aidant, et le Gouvernement s'est engagé à financer, par la solidarité nationale, un congé de proche aidant dans le futur budget de la sécurité sociale.

Dans la perspective de la mise en oeuvre du revenu universel d'activité, dans lequel seront fusionnées le plus grand nombre de prestations possible, une mission vient d'être confiée à Fabrice Lenglart, sous l'égide de Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et en lien avec la délégation interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Une concertation institutionnelle et citoyenne va être lancée en avril prochain. Le travail collectif permettra de définir les contours et les paramètres de la future prestation, en vue de la présentation d'un projet de loi en 2020.

Avec Julien Damon, j'ai remis au Premier ministre, en septembre dernier un rapport sur la juste prestation. Parmi les propositions que nous avons formulées figure la fusion des prestations sociales. Mais il est vrai que nous avons alerté du risque qu'aller vers une prestation unique ne gomme les spécificités jugées justifiées. Le fait que l'AAH présente, comme l'ASPA – allocation de solidarité aux personnes âgées – , des montants forfaitaires plus élevés que celui du RSA ne saurait être remis en question. S'il y a une prestation unique, elle ne peut se comprendre que dans une logique de socle, avec des compléments.

Cinq chantiers ont été lancés, sous l'égide de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, dans le cadre de la conférence nationale du handicap. Les conclusions, qui seront présentées en juin, concerneront : l'ouverture et l'éligibilité à la PCH ; l'articulation entre allocation d'éducation de l'enfant handicapé et PCH ; la prévention des départs d'adultes en Belgique ; la gouvernance des maisons départementales des personnes handicapées et la représentativité au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Revenons maintenant sur la prestation de compensation du handicap, qui vise à permettre à la personne handicapée de faire face aux conséquences de son handicap dans sa vie quotidienne, quelles que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, en prenant en compte ses besoins, ses attentes et ses choix de vie. La PCH englobe des aides de toute nature, en réponse aux besoins des personnes handicapées. Attribuée par les maisons départementales des personnes handicapées et versée par les départements, elle bénéficie à plus de 335 000 personnes. Dans 90 % des cas, elle finance des aides humaines. La fiscalité n'est pas la même, la PCH n'étant pas imposable.

Les avancées sont nombreuses et réelles mais il reste encore beaucoup à faire. Les pistes d'amélioration des dispositifs existants sont donc multiples.

Il va s'agir de simplifier car notre système est complexe. Il nous faut davantage de fluidité dans les décisions et de clarté dans les notifications, de simplification dans les processus, de réduction dans les délais de traitement des dossiers. Il faudra également mieux contrôler l'équité de traitement et mieux appréhender les besoins des personnes atteintes de handicap psychique.

La mise en place d'un revenu universel d'activité devrait conduire à revoir le dispositif de l'AAH pour le rendre plus efficace et davantage encourager à la reprise d'activité quand c'est possible. Aujourd'hui l'AAH n'incite pas à la reprise d'emploi.

Dans le cadre de la conférence nationale du handicap, lancée fin 2018, un groupe de travail est spécifiquement consacré à la mise en oeuvre d'une meilleure compensation du handicap : une PCH rénovée pourra mieux prendre en compte les besoins des personnes. Son but est de travailler sur les montants de la PCH, d'améliorer la prise en charge des aides matérielles et de réduire les inégalités entre territoires. L'écart est grand. Entre les départements, le montant de la PCH varie du simple à plus du triple : de 2 812 à 9 407 euros par an.

Comme le Président de la République s'y est engagé, une large réflexion sur le grand âge et l'autonomie a été lancée. Une consultation nationale, présidée par Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, est en cours, au travers de dix ateliers. Cette consultation est pilotée par un conseil d'orientation, qui, pour permettre une vision transversale, regroupe de nombreux acteurs, y compris des parlementaires issus de plusieurs groupes politiques.

La restitution prochaine de l'atelier aidants, familles et bénévolat servira à enrichir la réflexion sur le statut, la reconnaissance et l'accompagnement des aidants de personnes en situation de handicap, mais aussi à accroître leur capacité à se saisir de leurs droits, sur l'ensemble du territoire français. Les résultats de ce chantier nourriront un projet de loi qui sera présenté dans le courant de cette année.

Les personnes en situation de handicap doivent trouver leur place dans la société, qu'elles soient en capacité de travailler ou non. Pour celles qui peuvent travailler dans le milieu ordinaire, l'AAH doit être incitative à la reprise d'activité. La réflexion sur le revenu universel d'activité prendra en compte cette problématique. Chacun doit contribuer à l'objectif d'inclusion dans le travail, d'émancipation par le travail et de recherche d'autonomie.

Pour les personnes qui ne pourront pas rejoindre le milieu ordinaire, le Gouvernement a créé 40 000 postes supplémentaires d'insertion par l'activité économique, soit l'équivalent de 100 000 emplois. C'est un effort considérable et indispensable. Si le handicap de la personne ne lui permet pas d'exercer un emploi dans une entreprise qui adapterait le poste, il est alors de notre responsabilité d'offrir la possibilité d'exercer un emploi dans un milieu déjà adapté.

Pour les personnes qui ne peuvent pas travailler du tout, la solidarité nationale doit prendre le relais et assurer pleinement son rôle en leur garantissant une vie décente.

Il nous faut améliorer encore et toujours l'accessibilité et l'accès aux services pour toutes et tous. Les personnes en situation de handicap souhaitent vivre avec et comme les autres. Nous l'entendons, et c'est pourquoi il nous faut continuer, de manière transversale, à améliorer leurs conditions de vie, au travers des politiques dites de droit commun.

Les personnes en situation de handicap sont des citoyens à part entière. Nous devons construire, pour et avec elles, les politiques qui les concernent. Oui, nous faisons le pari de construire, dans notre pays, cette société inclusive ; nous faisons le pari de réussir à passer d'une approche protectionniste, voire sur-protectionniste, d'un regard parfois trop compassionnel dont les personnes en situation de handicap n'ont que faire, à une approche tournée vers l'émancipation par le travail et la recherche d'autonomie pour tous.

Nous devons transformer le regard porté sur le handicap, dès le plus jeune âge. Nous devons repérer et utiliser les potentiels et les talents de chacun plutôt que de regarder ses faiblesses et ses incapacités. Arrêtons de cloisonner, arrêtons de mettre les gens dans des cases.

Accéder à l'autonomie, ce n'est pas toucher une allocation…

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