Intervention de Moetai Brotherson

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2019 à 15h00
Intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMoetai Brotherson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

L'absence de cette disposition dans la loi pour la confiance dans la vie politique a été vécue par nombre de nos concitoyens comme une trahison, une marche arrière qui cacherait des intentions peu louables.

Pourtant, quand bien même je siège dans l'opposition, je ne peux cautionner ce jugement suspicieux. Car c'est bien notre Constitution qui interdit les peines automatiques sans modulation du quantum par le juge, et la jurisprudence de la CEDH – la Cour européenne des droits de l'homme – confirme cette prohibition. On peut le regretter, mais c'est là, à mon avis, la seule raison de cette promesse non tenue. C'est donc dans la continuité de la loi pour la confiance dans la vie politique, pour aller au bout de la démarche, que cette proposition de loi a été pensée.

Elle vise à étendre les dispositions d'inéligibilité jusqu'à trente ans dans certains cas et de manière définitive pour les manquements les plus graves, en laissant au juge la latitude de jugement associée à sa fonction. Elle propose en outre la création d'une nouvelle circonstance aggravante, liée au statut d'élu. Elle est, à notre avis, le point le plus haut, sur le plan constitutionnel, de la recherche d'une confiance retrouvée entre le peuple et ceux qui le servent.

Cet avis est partagé par le Conseil d'État, qui, saisi par le président de notre assemblée, n'a relevé aucun obstacle constitutionnel au dispositif proposé. Comme nombre d'entre vous, chers collègues, je ne fais pas partie du cénacle des experts en droit. C'est pourquoi j'ai apprécié, autant les suggestions d'amélioration ou de consolidation du texte émises par le Conseil d'État que celles émanant des bancs divers de notre assemblée. Oui, ce texte est perfectible, et plusieurs amendements ont été déposés en ce sens. J'espère que nous pourrons en débattre, sereinement, ensemble.

Je voudrais, pour conclure, anticiper certaines critiques prévisibles.

Non, cette proposition ne vise personne en particulier, mais s'adresse à nous tous, globalement. Je n'ai pas, dans mon ADN politique, les gènes du droit taillé sur mesure, pour ou contre untel ou untel.

Non, cette proposition n'est pas une réponse de circonstance, destinée à faire écho à une actualité populaire légitime. Elle prend racine en 2014, dès mon premier engagement politique.

Non, il ne s'agit pas ici d'écarter de la vie politique un élu à la moindre bêtise ou inattention, au premier coup de pied dans une poubelle. Dans la continuité de la loi pour la confiance dans la vie politique, les conditions liées aux sanctions sont pesées et ne concernent que les manquements graves ou répétés à la probité.

Non, cette proposition de loi n'est pas là pour alimenter l'antiparlementarisme primaire, mais bien au contraire pour nous permettre, ici et maintenant, tous ensemble, de dire que nous sommes fiers d'être élus, fiers de servir le peuple, et qu'aucun de nous n'a à craindre cette proposition de loi, car nous sommes tous attachés aux valeurs de probité.

Non, il ne s'agit ni de lancer une course à l'échalote ni de favoriser une inflation juridique. Il s'agit d'écouter le peuple et de contribuer à restaurer la confiance, base de notre démocratie représentative.

Oui, d'autres sphères de l'action publique, touchant notamment aux hauts fonctionnaires, doivent elles aussi être mieux encadrées et contrôlées. Mais l'essence de cette proposition est de restaurer l'intégrité de la confiance entre le peuple et ses élus, ou son exécutif.

Non, nous ne pensons pas qu'il faut attendre la publication des statistiques sur les dispositifs de 2016 et de 2017 pour écouter le peuple. Au demeurant, en quoi celles-ci viendraient-elles contredire les fondamentaux du texte ? Il s'agit non pas d'une mesure fiscale ni d'une mesure à caractère économique, mais d'une question de morale, laquelle ne dépend pas des statistiques.

Mes chers collègues, une opportunité nous est donnée, ce soir, de retourner la tête haute et la conscience en paix vers nos électeurs, vers ce peuple que nous servons, pour lui dire, les yeux dans les yeux : « Je t'ai entendu et je t'ai écouté ! » Mauruuru !

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