Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 17h30
Délégation aux outre-mer

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation que j'ai acceptée avec plaisir. Je suis tout à fait conscient des enjeux écologiques particuliers dans les territoires d'outre-mer, qui représentent une très grande richesse pour la France – les chiffres que vous avez cités parlent d'eux-mêmes –, mais aussi un concentré de défis, depuis les risques naturels jusqu'aux questions d'adaptation au changement climatique, en passant par les enjeux relatifs à l'énergie ou à la biodiversité.

Comme vous l'avez rappelé, j'avais tenu, en tant que président de l'Assemblée nationale, à ce que la Délégation que vous présidez puisse avoir les moyens de travailler. Nous avions eu l'occasion d'aller ensemble, monsieur le président, avec Mme Marie Lebec et Mme Claire Guion Firmin, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, deux mois à peine après le passage du cyclone Irma et de la tempête Maria, pour voir de nos yeux l'importance des dégâts, mais aussi les conditions de vie des habitants et la mobilisation des services de l'État et des services locaux, et constater les enjeux auxquels ces territoires sont confrontés. L'un de mes premiers déplacements en tant que ministre m'a conduit à retourner sur une partie de ces territoires, avec le Président de la République, après l'Assemblée générale des Nations unies.

Le Président de la République s'était exprimé sur plusieurs des sujets que vous venez de citer, notamment le problème ancien, mais toujours vivace, de la pollution au chlordécone. C'était la première fois qu'un Président de la République reconnaissait avec autant de force l'ampleur du problème. Il a demandé au Gouvernement d'ouvrir un droit à la reconnaissance de préjudice pour les travailleurs et les travailleuses des exploitations agricoles ayant utilisé ce produit chimique, qui a contaminé gravement les terres, mais aussi le littoral et, partant, les produits de la pêche, rendus impropres à la consommation.

Je suis personnellement sensible aux enjeux littoraux et insulaires, pour bien les connaître en Bretagne. Il y a également les enjeux particuliers liés aux catastrophes naturelles, dont on sait que le caractère naturel n'est pas toujours avéré, dans la mesure où elles sont parfois la conséquence des activités humaines. C'est aussi la question du dérèglement climatique dont nous voyons très concrètement les effets parfois dévastateurs. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit lors de la présentation du Livre bleu outre-mer, lequel a fixé des priorités claires qui doivent être mises en oeuvre.

Nous devons également améliorer notre connaissance des phénomènes, afin de pouvoir mieux anticiper et mieux alerter et protéger les populations, par exemple dans le cas des cyclones. Nous avons progressé, comme nous l'avions entendu dire en Guadeloupe, lors de notre déplacement. Nous devons progresser sur tous les territoires touchés par ce risque. Nous avions également échangé avec Maina Sage autour de la protection du littoral, le problème se posant de façon particulièrement aiguë en Polynésie. La protection des populations grâce à la prévention est l'une des priorités de mon ministère. Les moyens du fonds Barnier pourront d'ailleurs être activés à cette fin.

Le problème des algues sargasses, particulièrement lourd, se pose régulièrement. S'il y a toujours eu des sargasses, leur prolifération dans nos îles des Caraïbes représente un nouveau défi. Lors de notre visite avec le Président de la République, nous avons constaté qu'un certain nombre de moyens sont déjà mis en oeuvre, notamment pour les détecter grâce à des capteurs et agir avant leur arrivée, en mer. Il faut continuer à agir dans ce sens, en informant la population et en faisant des collectivités locales de véritables acteurs pour traiter ce problème.

Nous appliquons un peu la même démarche s'agissant du chlordécone, en fournissant l'information la plus précise et transparente possible, ce qui ne va pas sans poser de problèmes dans la mesure où certains agriculteurs se sentent montrés du doigt, alors qu'ils n'y sont pour rien, et voient leurs produits stigmatisés. De fait, certains produits agricoles fixent le chlordécone et sont, de ce fait, impropres à la consommation, quand d'autres ne le fixent pas et peuvent être consommés en toute sécurité. Nous devrons continuer à soutenir les agriculteurs dans leur démarche de reconversion.

Concernant les mesures d'accompagnement du ministère outre-mer, nous avons développé, au-delà des compétences de l'État, des actions relatives à la question de l'eau, de l'accès à l'eau potable et de l'assainissement, afin de résoudre plusieurs situations dramatiques. Nous avons considéré, dans le « plan eau DOM », que l'État pouvait venir en soutien des collectivités locales.

L'État doit également accompagner et soutenir les collectivités outre-mer pour protéger leur biodiversité. Dans le cadre du plan biodiversité, nous avons renforcé, avec la ministre des outre-mer, Annick Girardin, les objectifs de protection des récifs coralliens, puisque cette protection passera de 75 % en 2021 à 100 % en 2025. Le budget bénéficiera de 400 000 euros supplémentaires, en plus des 800 000 euros déjà déployés annuellement par mon ministère et celui des outre-mer. Dans le cadre des projets de partenariat avec l'Agence française pour la biodiversité, un appel à projets doté de 4 millions d'euros a été lancé en 2018, pour soutenir les initiatives locales concourant à protéger ou à restaurer la biodiversité. Des débats importants se sont tenus sur ce sujet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019. Mon ministère est très mobilisé sur ce sujet sensible, aux côtés du ministère des outre-mer, des collectivités locales et des opérateurs de l'État, comme l'Agence française pour la biodiversité.

Par ailleurs, dix ans après l'inscription des lagons calédoniens au patrimoine mondial de l'Unesco, nous faisons tout pour voir les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) rejoindre la famille des trésors du patrimoine naturel mondialement reconnus. Nous considérons que cette visibilité serait un levier très important pour nos actions futures. Nous soutenons également le projet de candidature de la Martinique.

Comme vous l'avez dit, le projet de loi portant création de l'AFB-ONCFS est examiné en ce moment en séance. S'agissant de la question de la représentation ultramarine au conseil d'administration, le texte adopté en commission présente déjà des mesures permettant de garantir une représentation des territoires outre-mer. Vous pourrez certainement préciser encore ces points au cours du débat. Nous sommes tout à fait conscients de l'importance que revêt le sujet de la biodiversité outre-mer. L'Office français de la biodiversité reprendra les missions des deux établissements : l'Agence française pour la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Nous souhaitons que les outre-mer puissent tirer le meilleur parti de leurs spécificités. Même si cela n'apparaît pas dans mon titre, je suis aussi le ministre de la mer. J'accorde une attention particulière aux questions maritimes, notamment pour ce qui concerne les activités portuaires ou le transport maritime, lesquels sont à développer outre-mer. Nous devons aussi nous pencher sur le sujet des croisières et de leur interaction avec l'économie de chacun des territoires.

Par ailleurs, nous voulons aussi accompagner économiquement les territoires d'outre-mer et leurs habitants, afin de les libérer d'une forme de dépendance énergétique, dont souffre aussi l'Hexagone qui importe beaucoup de produits fossiles – pétrole, gaz ou charbon. Grâce à notre politique de transition énergétique, nous souhaitons réduire cette dépendance et développer les ressources propres à chaque territoire. En Guadeloupe, nous allons ainsi valider la prime bagasse, afin d'encourager les pratiques durables des planteurs. En Guyane, nous souhaitons développer la filière biomasse, en en faisant la priorité d'un prochain contrat de transition. D'une manière générale, nous visons un objectif ambitieux d'autonomie énergétique à l'horizon 2030 pour tous les territoires, en développant fortement les énergies renouvelables. La première étape sera celle des appels d'offres territoire par territoire, soit du sur mesure, afin de nous adapter à la réalité des coûts et des gisements de chaque espace.

Monsieur le président, vous avez évoqué d'autres sujets sur lesquels je pourrai revenir dans nos échanges, notamment le projet « montagne d'or ». Je me tiens à votre disposition jusqu'à dix-neuf heures quarante-cinq, heure à laquelle je serai contraint de partir.

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