Intervention de Ian Boucard

Séance en hémicycle du mercredi 13 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

Il proposait d'imposer qu'en cas de cession par l'État de tout ou partie de sa participation dans ADP, des clauses dites de « complément de prix » soient obligatoirement présentes dans les contrats conclus avec les acheteurs privés. Cet amendement aurait permis de sécuriser les intérêts nationaux dans le cadre de cette privatisation. Là encore, vous l'avez refusé.

Cette privatisation est également un mauvais coup porté à notre compagnie aérienne nationale, Air France, déjà fragilisée, il y a quelques jours, par la montée au capital de l'État néerlandais. Une compagnie aérienne a besoin d'une base stratégique forte dans son pays d'origine pour se développer et se garantir des relais de croissance. Aéroports de Paris constitue cette base stratégique pour Air France, qui devra, demain, négocier ses frais de redevance avec un opérateur privé. Cela fragilisera la compagnie et pourrait avoir un effet non négligeable sur le coût des billets pour nos compatriotes.

Un autre effet pourrait être ressenti sur la desserte des aéroports parisiens par les lignes aériennes intérieures faisant l'objet d'une obligation de service public. Notre collègue Vincent Descoeur vous a interrogé, monsieur le ministre, sur les garanties que l'État compte donner pour que ces lignes intérieures puissent continuer de bénéficier de créneaux à Orly. Les lignes régionales sont d'ores et déjà des variables d'ajustement, qui pourraient à l'avenir être détournées vers d'autres plateformes si tel est le bon vouloir des futurs actionnaires. Vous avez répondu que nous allions chercher ensemble, pendant les débats, un moyen pour garantir que les lignes régionales continueront à être bien desservies par Aéroports de Paris. À ce jour, nous n'avons pas la réponse à ces interrogations.

Vous l'avez compris, privatiser Aéroports de Paris est, à notre sens, une erreur stratégique. Que les autres États conservent le contrôle de leurs aéroports devrait nous interpeller. Ainsi, les États-Unis, pays libéral s'il en est, n'imaginent pas privatiser leurs aéroports.

Le sujet de La Française des jeux est, il faut le reconnaître, moins stratégique que celui d'ADP. Pourtant, cette privatisation soulève plusieurs questions, notamment quant à son intérêt économique pour notre pays. La Française des jeux est une entreprise qui rapporte chaque année de confortables dividendes à l'État, et dans laquelle il n'y aura pas d'investissements à prévoir dans les années à venir. On peut, là encore, redouter que cette privatisation ne soit pas, à long terme, une bonne affaire pour le pays, alors que le secteur des jeux de hasard et de loterie est en plein essor.

Elle soulève également le problème de la prévention des pratiques addictives, notamment des mineurs, qui doivent être mieux protégés qu'actuellement. Il faudra prendre des mesures contraignantes pour que le futur propriétaire de FDJ s'engage réellement dans cette démarche auprès des détaillants.

Le financement du sport français, déjà fragilisé par la diminution dramatique du nombre d'emplois aidés dans les associations sportives et par les choix budgétaires inscrits en loi de finances, est aussi mis en question. FDJ est le principal financeur du Centre national pour le développement du sport – CNDS – , et il faut s'assurer que ce sera toujours le cas pour la future Agence du sport. Le sport ne peut pas être à nouveau le parent pauvre des politiques publiques du Gouvernement.

Enfin, quelle sera la place réservée aux actionnaires historiques de FDJ – à savoir les associations de blessés de guerre – au sein du conseil d'administration ? Ils ont besoin des dividendes issus de FDJ pour mener leurs actions en direction des blessés ou de leurs familles. J'ai déposé, avec Jean-Jacques Ferrara, un amendement à ce sujet.

Vous nous répondrez, monsieur le ministre, que ces privatisations serviront à financer le fonds de développement de l'innovation que vous voulez créer. Nous sommes favorables, par principe, à la création de ce fonds qui permettra de développer de nouvelles technologies et de nouveaux secteurs d'activité. Toutefois, sa survie à long terme n'est pas garantie, et il est à redouter que Bercy ne vienne y piocher pour limiter le déficit budgétaire, car le Gouvernement n'a toujours pas fait les économies budgétaires nécessaires.

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