Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mercredi 13 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Je profite de l'occasion de cette deuxième motion déposée par nos collègues du groupe Les Républicains – qui est, sur le fond, sensiblement équivalente à la première – pour compléter l'explication que j'ai apportée tout à l'heure. Je commencerai, monsieur le rapporteur général, par répondre à votre propre réponse car, au lieu de me répondre sur le fond avec des arguments – je ne doute pourtant pas que vous en ayez – , vous avez préféré m'objecter que notre groupe n'avait pas déposé d'amendements. Or vous connaissez les conditions particulières dans lesquelles nous menons nos travaux, l'investissement du groupe La France insoumise dans les débats, et les nombreuses propositions que nous avons formulées dès la première lecture de ce texte pour l'améliorer et faire en sorte qu'il soit plus adapté à l'objectif visé.

De fait, s'il s'agit de faire en sorte que l'entreprise s'insère parmi les enjeux du XXIe siècle, les quarante-neuf propositions précises formulées par les députés du groupe La France insoumise dans le cadre de ce débat aurait dû concourir à améliorer ce texte. Or, comme c'est le cas la plupart du temps, la majorité de ces propositions ont été balayées d'un revers de la main. J'en rappellerai quelques-unes.

Tout d'abord, nous divergeons à propos de la financiarisation de l'économie. Vous considérez qu'il s'agit là d'un accélérateur, d'un facteur propulsif de l'activité. Du moins l'encouragez-vous au moyen de certaines dispositions de ce texte. Nous pensons, à l'inverse, que l'hyperfinanciarisation de notre économie est le cancer qui ruine l'activité et la capacité à se relancer. Aucune entreprise ne peut raisonnablement fonctionner quand on lui réclame des taux de rendement de l'ordre de 10 %, 15 % et parfois 20 %. De fait, cette ponction opérée par la finance sur les entreprises les empêche de fonctionner.

Monsieur le ministre, je regrette de devoir vous dire que le capitalisme que vous vous êtes évertué tout à l'heure à décrire à la tribune n'existe pas. Nous n'avons plus aujourd'hui en face de nous un capitalisme soucieux de l'intérêt général et de l'activité de l'entreprise mais, pour l'essentiel – et nous pouvons le regretter ensemble – , un capitalisme rapace, qui empêche la relance de l'activité. Nous voudrions avoir devant nous des patrons plus soucieux de l'intérêt général – il y a de quoi faire.

Pour prendre encore, au hasard, l'une des propositions concrètes que nous avions formulées, j'évoquerai l'écart des salaires. Monsieur Le Maire, vous avez déploré tout à l'heure à cette même tribune, dans des termes que je pourrais reprendre à mon compte, l'écart intolérable des salaires qui s'observe dans certaines entreprises – je dis bien dans certaines entreprises, car, en la matière, La France insoumise ne parle pas de l'entreprise en général. Nous savons qu'à côté des très grands groupes, des multinationales qui, comme nous l'avons dit maintes fois, échappent souvent à l'impôt, l'essentiel de notre tissu économique est fait de PME, et nous ne traitons pas de la même manière ces deux types d'entreprises – raison pour laquelle nous avions proposé, dès l'élection présidentielle, avec Jean-Luc Mélenchon, par exemple la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les PME.

Pour ce qui concerne l'écart des salaires, monsieur Le Maire, cessez les offuscations, qui sont des effets de tribune. Vous savez qu'on observe actuellement, dans les entreprises du CAC40, des écarts de salaire de l'ordre de 1 à 250. On peut certes imaginer qu'un patron gagne davantage qu'un salarié – c'est évident– , mais quel effort pourrait justifier que l'on gagne 250 fois plus que la personne qui se lève chaque matin pour concourir au bien de l'entreprise ?

Nous avons proposé d'instaurer un écart de 1 à 20, suggéré par la Confédération européenne des syndicats. Cette proposition n'est pas confiscatoire, mais vertueuse : on peut maintenir à la tête de l'entreprise les niveaux de rémunération existants, mais à condition de réduire l'écart et d'augmenter les salaires de tous les autres salariés.

Vous devez savoir, monsieur le ministre, que la hausse des salaires est aussi la condition de la relance de notre activité, car lorsque les plus bas salaires des entreprises recevront davantage, ce ne sera pas pour épargner ni pour faire de la finance, comme d'autres le font, mais pour consommer, et donc pour relancer notre activité.

Je conclurai en évoquant Aéroports de Paris, avec quelques autres arguments. Nous n'avons aucune raison de vous faire confiance, car il existe des précédents en la matière : le cas de l'aéroport de Toulouse-Blagnac en est un. Souvenez-vous que M. Macron, dont on oublierait presque qu'il a été ministre de l'économie lors du précédent quinquennat, s'était engagé, en autorisant la vente de 49,9 % de l'aéroport de Toulouse à un groupe chinois somme toute peu recommandable, à ce que les acteurs publics restent majoritaires, tout en concluant secrètement un pacte aux termes duquel l'investisseur en question a siphonné une bonne partie de la trésorerie pour s'octroyer des dividendes colossaux. Comme pour l'aéroport de Toulouse et pour la privatisation des autoroutes, véritable racket sur le dos des Français, nous n'avons donc aucune raison de vous faire confiance en la matière, et nous voterons, bien sûr, la motion de renvoi en commission de nos collègues du groupe Les Républicains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.