Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du mercredi 13 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Toutefois, vous ne l'avez supprimé que pour les entreprises de moins de 250 salariés. Par ailleurs, alors que le forfait social n'existait pas avant 2008, l'intéressement ne s'était pas développé dans les PME. Nous expliquer qu'avec cette mesure, on va d'un seul coup régler la question de l'intéressement dans les toutes petites entreprises, est une vaste blague. Il n'y a que vous pour y croire.

Troisième exemple : les statuts juridiques. S'il fallait simplifier la vie des entreprises et des créateurs d'entreprise, pourquoi n'avez-vous rien fait en la matière ? Aujourd'hui, on a la possibilité d'exercer à titre individuel, par exemple dans le cadre d'une EURL – entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée – , mais il existe une grande variété de statuts : la SARL – société à responsabilité limitée – , la SAS – société par actions simplifiée – , la SNC – société en nom collectif – ou encore la société en commandite, pour ne citer que celles-ci. Cela constitue un vrai maquis. Vous vouliez simplifier la vie des créateurs d'entreprise : c'était un vrai sujet, mais vous êtes passé complètement à côté.

C'est, comme je le disais, un projet de loi de simplification, un de plus. Malheureusement, vous n'avez accompli qu'une toute petite partie du travail, ce qui obligera à y revenir.

Ce texte, qui est censé simplifier la vie des entreprises pourrait, à l'inverse – c'est ce qui nous inquiète – la complexifier. Si ce n'était qu'une loi cosmétique, il ne s'agirait que d'une loi de plus et il n'y aurait pas de quoi s'alarmer. En l'occurrence, plusieurs dispositions nous inquiètent. D'abord, vous allez démanteler le réseau efficace, mis en place par les chambres consulaires, de suivi et d'accompagnement des créateurs d'entreprise dans notre pays. Vous prétendez que vous ne supprimez pas le stage préalable à l'installation – il devient simplement facultatif. Là encore, ce n'est pas sérieux. Je vous ai donné l'exemple des étudiants à qui on a proposé, à l'université, un tutorat : seuls ceux qui n'en ont pas besoin ont souhaité en bénéficier. Si le stage préalable à l'installation est facultatif, ceux qui en ont le plus besoin ne le suivront pas. Or, créer une entreprise, c'est s'engager soi-même, c'est engager sa famille, c'est une décision très importante. On peut critiquer le stage préalable à l'installation dans sa forme actuelle ; on peut revoir la liste des dérogations, mais vouloir le supprimer purement et simplement, comme vous le faites, sans ouvrir le débat, ce n'est pas sérieux. À travers nos amendements, nous ferons des propositions pour faire évoluer ce stage. Écoutez-les : nous pourrions trouver un terrain d'entente sur cette question.

Vous entendez également supprimer les centres de formalités des entreprises. Ce faisant, c'est la raison d'être des chambres consulaires que vous remettez en question. Dans ma circonscription, j'ai mis en place, avec la CCI et la chambre de commerce, un centre de formalités des entreprises, en affectant un agent à cette mission. Demain, si le CFE disparaît, la CCI, dont vous allez couper les vivres par ailleurs, n'aura plus aucune raison de maintenir sur place un agent. C'est ce réseau, ce service public de soutien à la création d'entreprise que vous allez faire disparaître, en particulier dans les territoires ruraux.

De la même façon, mettre fin à l'accompagnement des commissaires aux comptes de façon aussi brutale que vous le faites, sans distinction, aura des conséquences préoccupantes pour la vie de nos entreprises. Des risques d'erreur, de fraude ne manqueront pas d'apparaître. Certains pays, qui s'étaient engagés dans cette voie, ont d'ailleurs fait machine arrière, mais vous ne voulez pas l'entendre.

Enfin, vous allez retoucher l'article 1833 du code civil d'une façon qui me semble tout à fait malheureuse et extrêmement préoccupante pour l'avenir. Demander aux entreprises d'agir en prenant en compte les intérêts sociaux et environnementaux signifie qu'elles devront faire plus que respecter les lois que nous votons. Si vous voulez qu'une entreprise respecte le droit de l'environnement, le droit du travail, présentez-nous un texte en ce sens. En l'occurrence, on va demander aux entreprises de faire plus que respecter la loi ; comment pourront-elles savoir qu'elles ont rempli leurs obligations ? Cela leur sera impossible. Qui sanctionnera leurs manquements ? Naturellement, on se tournera, à un moment ou à un autre, vers le juge. Qui saisira le juge ? Ce seront les personnes qui ont un intérêt à agir et qui se trouvent soit dans l'entreprise, soit en dehors de celle-ci – demain, des associations diverses et variées saisiront les tribunaux pour les faire sanctionner. Les grosses sociétés, qui ont un service juridique, sauront se défendre, mais les petites entreprises éprouveront de grandes difficultés. Sur ce point, nous avons déposé des amendements et nous vous demandons d'évoluer.

Nous ne sommes pas opposés aux entreprises de mission. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Lescure, sur le fait que les entreprises ne sont pas là seulement pour faire du profit et protéger un intérêt égoïste. Certaines peuvent d'ailleurs s'assigner une mission particulière, comme cela se fait dans certains pays, notamment aux États-Unis ou en Grande-Bretagne – on pourrait trouver beaucoup d'autres exemples. Que vous fassiez évoluer le code civil – il faudrait surtout, à mon avis, modifier le code de commerce – sur ce point, nous y sommes tout à fait favorables, mais toucher au code civil comme vous le faites, pour toutes les entreprises de France, nous semble complètement déraisonnable, et nous reviendrons sur ce point.

C'est un projet de loi un peu fourre-tout, d'affichage, qui pourrait complexifier la vie des entreprises, mais aussi un texte qui, contrairement à ce que vous avez affirmé, ne défend pas vraiment l'économie française. En ce qui concerne Aéroports de Paris, nous pensons que vous commettez une triple erreur. D'abord, une erreur stratégique : Aéroports de Paris, ça n'est pas que du duty free, comme on a voulu le laisser entendre, c'est le premier opérateur dans son secteur.

Aéroports de Paris est propriétaire d'Orly, de Roissy et d'autres aéroports et aérodromes en France et à l'étranger – être propriétaire de ce groupe est donc un outil de puissance pour la France. Avec 100 millions de passagers, ces aéroports représentent la première frontière française. Vendre ce groupe est à nos yeux une erreur stratégique.

C'est également une erreur foncière et d'aménagement du territoire, puisque ADP est le premier propriétaire foncier d'Île-de-France.

C'est enfin une erreur budgétaire et financière : le groupe ADP représente 12 % du portefeuille boursier des participations de l'État. Cela a été dit et répété, mais les dividendes d'ADP et de la Française des jeux dépassent ce que générera le fonds que vous allez créer. M. Lescure nous dit que la vie des entreprises est incertaine et qu'il convient d'encaisser maintenant ce que l'on peut pour profiter des intérêts que le produit de cette vente engendrera. Cher monsieur Lescure, vous n'avez pas confiance dans l'économie française ! Les jeux sont une activité en développement, qu'il faut d'ailleurs canaliser, et le nombre de voyageurs aériens dans le monde ne cesse de croître. L'activité des aéroports du groupe ADP ne peut que se développer. Vous faites donc un mauvais calcul économique, budgétaire et financier.

Il faut dire les choses comme elles sont : vous avez besoin de 10 milliards d'euros, car le Président de la République a signé en dix minutes, le 10 décembre dernier, un chèque de 10 milliards d'euros. Ce trou sera peut-être comblé cette année par la vente d'ADP, mais on ne pourra pas vendre ADP chaque année, alors qu'il faudra refaire le chèque tous les ans. Il s'agit vraiment d'un mauvais calcul. Si votre objectif est que la dette publique ne se rapproche pas trop de la barre des 100 % du PIB, cette vente d'ADP diminuera le taux d'endettement de 0,5 point, mais la baisse de la dette publique exige de réaliser des économies dans le budget de l'État ; il ne faut pas utiliser la vente d'ADP et de la Française des jeux pour se livrer à un pur artifice financier et budgétaire.

Ce texte ne défend pas les intérêts de l'économie française sur un autre point : la délégation parlementaire à la sécurité économique, qui fait l'objet d'amendements que j'ai consultés. Nous avions salué l'instauration de cette délégation, qui représentait l'une des rares avancées du texte et fut votée à l'unanimité. En effet, la sécurité économique de notre pays n'a pas été suffisamment protégée, et il nous semble opportun que les parlementaires aient un droit de regard sur ces sujets.

Le texte voté à l'unanimité par notre assemblée en première lecture a été défait par le Sénat – il s'agit de l'un des rares points sur lesquels je suis en désaccord avec nos amis sénateurs – ,...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.