Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2019 à 21h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 51 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Je rappelle que La Française des jeux n'exerce pas une activité comme les autres, en particulier en raison des risques d'addiction ; ce n'est pas une entreprise comme les autres, quand on observe son histoire – elle a été créée pour aider les mutilés de guerre – ; et ce n'est pas un secteur d'activité comme les autres, puisque l'on a les jeux en dur, les jeux en ligne, et qu'opèrent une multiplicité d'acteurs.

J'avais utilisé l'image du Mikado en commission : en matière de jeux en ligne, dès que vous touchez un élément, vous risquez de déplacer tous les autres. On pourrait également prendre l'image du château de cartes, mais celle qui convient le mieux est celle de l'éléphant dans un magasin de porcelaine. Vous allez en effet toucher à des équilibres pour le moins précaires. J'ai plusieurs questions à vous poser.

D'abord, quelles garanties avez-vous que Bruxelles ne remettra pas en cause le monopole qui serait créé au cas où La Française des jeux serait confiée à un acteur privé ? En effet, les situations de monopole sont acceptées dans ce secteur eu égard à la spécificité de l'entreprise, de son activité et des missions qui lui sont confiées. Vous allez retirer à La Française des jeux la mission particulière qui lui a été donnée pour la confier à un acteur privé. Quelles garanties avez-vous, je le répète, que le droit européen permettra à cette entreprise de conserver son monopole ?

Ensuite, et cette question découle de la précédente, quelles garanties avez-vous que La Française des jeux pourra conserver son monopole des jeux à gratter ? Le caractère public de l'entreprise et les missions particulières qui lui sont confiées justifient ce monopole. Dès lors que vous la privatisez, qu'est-ce qui justifie que l'entreprise bénéficie d'un monopole ? J'ai déjà posé la question : je n'ai toujours pas eu de réponse.

Enfin, quelles garanties avez-vous que La Française des jeux ne développera pas demain des activités différentes de celles exercées aujourd'hui ? Le texte est à cet égard très flou. Quelles garanties avez-vous, par exemple, que La Française des jeux ne proposera pas des jeux de machines à sous, peut-être pas sous la forme de bandits manchots dans les points de vente, mais sous des formes beaucoup plus subtiles, alors que les casinos en avaient jusqu'à présent le monopole ?

On l'a dit, vous risquez de déstabiliser toute la filière : les casinos, le PMU, qui jouent un rôle clef dans l'animation des territoires. On sait très bien que l'argent des paris hippiques revient pour partie aux territoires, notamment aux villes où sont organisées des courses. Quant aux casinos, j'ai été maire du Touquet pendant plusieurs années : heureusement que la ville en a deux, car leurs recettes contribuent à son animation. Faites par conséquent très attention : déstabiliser les casinos peut vous paraître anecdotique, mais cela revient à déstabiliser les territoires touristiques et les villes qui sont souvent les locomotives de ces territoires, qui peuvent développer des activités et des animations à l'année et donc proposer des emplois à l'année grâce à ces casinos.

Je regrette la décision que vous prenez. Il y avait d'autres moyens de créer un fonds d'innovation de rupture. Ce n'est pas avec 250 millions d'euros que vous allez pouvoir concurrencer la Chine et les États-Unis, comme je l'ai entendu ce matin – cela fait franchement sourire. Comme le dit très justement le professeur Auriol, de l'École d'économie de Toulouse, une école très réputée, votre approche est guidée par le court-termisme et par le besoin de cash. C'est dommage s'agissant d'un secteur aussi sensible, que vous allez malheureusement abandonner. Vous allez lâcher l'éléphant dans le magasin de porcelaine : j'espère qu'il ne fera pas trop de casse.

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