Intervention de Roland Courteau

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Roland Courteau, sénateur, rapporteur :

– L'Office a organisé une audition publique le 7 février 2019 pour dresser le bilan des recommandations des deux rapports que j'ai présentés en 2007 et en 2009 au nom de l'OPECST. En 2006, au lendemain du tsunami de Sumatra, qui avait causé plus de 250 000 morts, l'OPECST m'avait posé la question de savoir si la France, qui compte des millions de kilomètres carrés d'espace maritime, était à l'abri d'une catastrophe. Nous nous sommes employés à examiner la question partout dans le monde et à étudier les risques de tsunami en Méditerranée, dans l'Atlantique Nord-Est, mais aussi aux Antilles et dans l'Océan indien. L'une de nos recommandations essentielles a porté sur la mise en place d'un centre d'alerte au tsunami, pour la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est, recommandation suivie d'effet.

Le tsunami a toujours une origine géologique, qu'il s'agisse d'un séisme, d'un glissement de terrain sous-marin, ou de l'effondrement d'un volcan. Il peut aussi provenir d'une météorite qui tombe en mer. Il prend la forme d'une colonne d'eau qui part de la mer, éventuellement haute de plusieurs dizaines de mètres, et allant à la vitesse d'un avion. Si un tsunami se déclenchait au nord de l'Algérie, il ne mettrait qu'une heure pour atteindre les côtes françaises, comme cela s'est produit en 2004.

Les récents tsunamis qui ont touché la Grèce et la Turquie en 2017 étaient de faible ampleur. En 1908, à la suite d'un séisme à Messine, un tsunami a fait 10 000 morts. En 1887, la Côte d'Azur a été touchée, avec une centaine de morts ; nous en aurions des milliers si la catastrophe survenait aujourd'hui. En 1755, un tsunami parti de Lisbonne a traversé l'Atlantique et fait des ravages aux Antilles. Rien n'empêche que le phénomène se produise en sens inverse. En Indonésie, on sait que le volcan Krakatau, en éruption, peut générer un tsunami à tout moment. Or, en Méditerranée, le volcan Stromboli est entré en éruption depuis les années 2000.

L'OPECST a obtenu la mise en place d'un centre d'alerte au tsunami qui couvre la Méditerranée occidentale et l'Atlantique Nord-Est, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, avec six ou sept ingénieurs qui se relaient nuit et jour. Les stations sismiques sont réparties entre les Açores et la Sicile. Des marégraphes fonctionnent en temps réel. Le Centre national d'alerte aux tsunamis (Cenalt), basé à Bruyères-le-Châtel, couvre particulièrement bien l'alerte montante. Il suffit de 8 à 15 minutes après le déclenchement d'un tsunami pour que l'alerte soit donnée au centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic), à l'articulation de l'alerte montante et de l'alerte descendante.

Cependant, des faiblesses subsistent tant dans le fonctionnement du Cogic que dans le manque de sensibilisation des populations exposées au risque de tsunami. Lors du dernier tsunami au Japon, 150 000 personnes ont été exposées en front de mer. On a déploré 30 000 morts, ce qui signifie que 120 000 personnes ont réussi à sauver leur vie parce qu'elles savaient ce qu'il fallait faire.

Si un tsunami se déclenchait au nord de l'Algérie, à la suite d'un séisme, il serait sur nos côtes, 60 à 70 minutes plus tard, ce qui nous laisse le temps de réagir. Le centre d'alerte pourra fonctionner de manière efficace. En revanche, si un tsunami se déclenchait à la suite d'un glissement de terrain en mer Ligure, il serait sur nos côtes 10 minutes plus tard, de sorte qu'il serait difficile de réagir. D'où l'importance de sensibiliser les populations. Hormis dans la ville de Cannes et dans les Bouches-du-Rhône, c'est l'impréparation qui prévaut.

Autre problème, nous devons pouvoir avertir la population au plus vite. Le représentant du ministère de l'Intérieur m'a assuré que 5 000 sirènes pourraient être déployées en deux vagues, s'il n'y avait pas des problèmes budgétaires. Les sommes ne sont pourtant pas exorbitantes.

Les Antilles, Mayotte et la Réunion ne disposent d'aucune couverture, ni d'aucun dispositif d'alerte. Je tremble à l'idée qu'un tsunami s'y déclenche, un jour, car ce serait un carnage. La Polynésie française est le seul territoire à disposer d'un véritable centre d'alerte, depuis une vingtaine d'années.

Le risque zéro n'existe pas. L'implantation de sirènes, la sensibilisation de la population et la mise en oeuvre d'exercices d'évacuation pourraient réduire le nombre des victimes. À Cannes, lors d'un récent exercice, il a fallu 55 minutes pour transmettre l'alerte et lancer le dispositif d'évacuation. C'est trop long. Il faut absolument améliorer l'articulation entre alerte montante et alerte descendante. Le Cogic manque d'effectifs.

L'État peut disposer de 5 000 sirènes pour couvrir les plages du Languedoc-Roussillon et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Qu'attend-on pour les rendre opérationnelles ? Le Cenalt n'a besoin que de quelques milliers d'euros pour couvrir la zone des Antilles, de Mayotte et de la Réunion. Je suis prêt à suivre ce dossier avec votre accord et à saisir le ministère de l'Intérieur pour améliorer les systèmes d'alerte à la population et la couverture de ces zones.

Le tsunami est un phénomène rare, de sorte que le Gouvernement peut parier sur cette rareté. Cependant, il y en a eu 91 en Méditerranée, au cours du XXe siècle. Là où un tsunami s'est déclaré dans le passé, il y a un risque pour l'avenir.

J'ai présenté un premier rapport au ministère de l'Intérieur où l'on m'a répondu que la mise en place d'un centre d'alerte coûtait cher. Dans cette logique, à combien évalue-t-on une vie humaine ?

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