Intervention de Florence Lassarade

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure :

– En 2009, les députés Michel Lejeune et Jean-Louis Touraine se sont penchés sur la question. Quelles alternatives ? Quelle éthique ? Quelle gouvernance ? Pour faire le point sur ce sujet passionné, qui touche à notre sensibilité envers les animaux, le débat doit être éclairé par des faits. Qu'apportent les animaux à la recherche ? Jusqu'où les modèles actuels de substitution nous permettent-ils d'aller ? Dans quelles conditions utilise-t-on les animaux en France, par rapport à nos voisins européens et d'autres pays dans le monde ? Quelles sont les évolutions depuis la révision de la directive européenne en 2010 ?

La première table ronde réunissait des scientifiques du milieu académique, du milieu industriel et un spécialiste de l'étude du comportement animal ; des représentants des instances qui communiquent, définissent et contrôlent les conditions dans lesquelles les animaux sont utilisés ; et deux représentants d'associations de défense de la cause animale. La deuxième table ronde réunissait des spécialistes des méthodes alternatives, le représentant d'un industriel et le représentant d'une association qui finance la recherche sur méthodes substitutives.

Les sensibilités des uns et des autres ont évolué, si bien qu'on nous a assurés que les bonnes pratiques enseignées dans les formations à l'expérimentation animale allaient au-delà des normes fixées par l'Union européenne. L'Europe est plutôt en avance sur l'Asie et l'Amérique du Nord dans la prise en compte du bien-être animal – ce qui n'est pas sans conséquences sur la recherche.

Mais la France pourrait faire mieux, à l'image de certains de ses voisins - l'Allemagne et le Royaume-Uni –, en ce qui concerne les animaux utilisés dans les parcours éducatifs, dans l'enseignement secondaire et supérieur, en limitant l'accès aux animaux aux étudiants déjà bien avancés dans leur parcours, et en accompagnant l'utilisation d'animaux par une formation à l'éthique et à la bientraitance.

La question de l'efficacité des modèles – animaux ou non – a été soulevée. Les scientifiques se sont accordés sur le fait qu'aucun modèle n'est parfait, et que les différentes méthodes – in vivo, in vitro et in silico – ne doivent pas être opposées mais utilisées de façon complémentaire, car elles ne permettent pas de répondre aux mêmes questions. Les données de bio-surveillance mériteraient pour leur part d'être davantage exploitées puisqu'elles reflètent directement la physiologie humaine. Nous proposons donc d'encourager le développement d'études épidémiologiques de grande ampleur, telles qu'elles se font au niveau européen, par exemple dans le cadre du projet HEALS (Health and Environment-wide Associations based on Large population Surveys). Le dossier médical partagé pourrait constituer une autre piste, à condition que l'accord de ses propriétaires soit requis, que les données soient gérées de façon irréprochable, et que leur sécurité soit garantie.

Le partage des résultats non destinés à être publiés, dits résultats négatifs, devrait être encouragé, comme le proposait déjà l'OPECST en 2009. Nous continuons à soutenir cette initiative, qui pourrait bénéficier de l'expérience de bases de données telles qu'arχiv.

La recherche publique et la recherche privée ont insisté sur la complexité du vivant, loin d'être élucidée dans sa totalité. Ce fait rend l'expérimentation animale nécessaire, car le modèle animal est le seul à prendre en compte tous les paramètres physiologiques nécessaires à l'étude de l'effet d'un médicament, par exemple. Cependant, de nouvelles technologies prometteuses sont en développement : ainsi, la modélisation par des algorithmes peut s'avérer meilleure que des modèles animaux dans certains cas, et notamment pour les accidents vasculaires cérébraux. Nous encourageons les agences de santé françaises à accueillir favorablement les preuves de concept effectuées in silico, comme l'a fait la Food and Drug Administration aux États-Unis.

En somme, le monde scientifique ne doit pas s'isoler des revendications des citoyens. Il convient à cet égard d'insister auprès des ministres compétents pour que le décret – annoncé en 2016 – qui doit faire passer le nombre de représentants d'associations de défense des animaux au sein de la Commission Nationale de l'Expérimentation Animale (CNEA) de trois, soit un cinquième des membres, à six, soit un tiers, soit signé. Je proposerai que Gérard Longuet, Cédric Villani et moi-même écrivions aux ministres compétents en ce sens.

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