Intervention de Jacques Maire

Séance en hémicycle du vendredi 29 mars 2019 à 15h00
Coopération en matière de défense avec le nigéria — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Maire :

De cette conférence, il sortit la première grande coopération militaire associant la France et le Nigéria : je veux parler de la Force multinationale mixte, la FMM. Cette force existe. Elle regroupe cinq pays riverains du lac Tchad : le Bénin, le Cameroun, le Niger, le Tchad et le Nigéria, quatre pays francophones et un pays anglophone. Elle combat et remporte des victoires contre le djihadisme. Le 10 mars dernier, elle a indiqué avoir tué une quarantaine de terroristes au cours de deux affrontements au Niger et au Nigeria.

Malgré les avancées militaires, les attaques et l'insécurité provoquées par Boko Haram continuent d'avoir de lourdes conséquences sur les populations de la région du lac Tchad. De fait, l'État nigérian a abandonné à Boko Haram toute une partie nord de son territoire, ce qui fait de celle-ci l'équivalent d'un petit califat islamique, exactement de même nature que celui créé par Daech au Levant.

La Force pâtit aujourd'hui d'un manque de moyens. J'ai pu moi-même le constater directement sur le terrain, lors de deux visites à l'état-major, dont l'une avec notre rapporteure. Nous avons effectivement constaté un manque évident de moyens, qu'il s'agisse de matériel amphibie, de transmission à longue portée ou de vision nocturne.

Cette force présente aussi l'intérêt de lutter contre la radicalisation : la rapporteure Amélia Lakrafi et moi-même avons eu l'occasion de le vivre en direct en intervenant à la radio Dandal Kura, le seul média en langue kanouri, qui lutte et est écoutée par toute la population de la région.

Aujourd'hui, la France affecte les moyens destinés à Barkhane pour soutenir la Force multinationale, mais elle ne peut pas faire de miracles : on ne peut pas tendre indéfiniment l'élastique de Barkhane et, au-delà du domaine du renseignement, il est devenu de plus en plus difficile de disposer d'appuis aériens.

Le débat que nous avons aujourd'hui sur l'accord de coopération doit donc nous inciter à aborder la question du financement de l'effort militaire international dans cette région.

Je vous rappelle que nous avons voté, au travers d'un amendement que j'avais déposé au rapport annexé à la loi de programmation militaire, un renforcement des capacités de financement européen et international en matière de défense dans les pays en crise, afin, notamment, que ces pays puissent assurer leur sécurité grâce à leurs propres forces armées. Sur ce point, je pense que nous nous accordons avec Jean-Paul Lecoq.

Aujourd'hui, nous disposons de deux outils. Les opérations de maintien de la paix sont très coûteuses, peu nombreuses et menées dans une optique défensive, contrairement aux agressions américaines ; elles n'aident pas les armées nationales. Le deuxième outil, la Facilité africaine de paix, a fait, si j'ose dire, l'objet d'un hold-up par le Royaume-Uni, au bénéfice de la Somalie, qui consomme 80 % des crédits. C'était nécessaire, mais cela a laissé l'Afrique de l'Ouest bien démunie.

La France a défendu une proposition émanant de l'Union africaine, pour des opérations africaines de paix menées notamment par les armées régionales, donc plus durables et moins coûteuses. Cette proposition, qui repose sur un financement à hauteur de 20 % par les États de l'Union africaine, a été refusée par les États-Unis. Nous avons perdu une bataille, mais nous devons continuer la guerre.

Au-delà de Boko Haram, cet accord est l'occasion d'un vrai débat stratégique – beaucoup de collègues l'ont dit, y compris M. El Guerrab. Nous avons beaucoup d'autres préoccupations de sécurité communes, parmi lesquelles les questions maritimes, mais surtout l'apaisement des tensions dans la partie anglophone du Cameroun, qui affectent directement le Nigéria.

L'absence d'accord sur la coopération en matière de défense avec le Nigéria constitue donc un manque. Le Nigéria, géant économique, premier partenaire commercial de la France, deuxième pays accueillant des investissements internationaux, est le pays qui n'a pas de relations de défense organisées avec nous.

Les relations politiques ne sont pas à la hauteur de nos intérêts communs. Alors, évidemment, il faut aller de l'avant. Il ne s'agit pas de prendre nos distances avec nos amis d'Afrique francophone, bien au contraire ; il ne s'agit pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre, ou l'inverse.

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