Intervention de Jean-Charles Larsonneur

Séance en hémicycle du vendredi 29 mars 2019 à 15h00
Coopération en matière de défense avec le nigéria — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Larsonneur :

Avec une population de 191 millions d'habitants et un taux de fécondité de 5,4 enfants par femme, le Nigéria est le pays le plus peuplé d'Afrique. Son évolution démographique en fera d'ailleurs le troisième pays le plus peuplé au monde en 2050, avec 410 millions d'habitants. Alors que l'opération Barkhane s'inscrit dans la durée dans la bande sahélo-saharienne, cet accord de coopération en matière de défense présente donc un intérêt majeur.

Un mois après l'élection présidentielle nigériane, qui a reconduit l'ex-général Muhammadu Buhari à la tête de l'État, j'aimerais revenir sur le contexte de sécurité dans ce pays. Dans la partie nord, la compétition pour l'accès à l'eau et aux ressources naturelles alimente des tensions ethniques entre les fermiers, majoritairement chrétiens, et les éleveurs nomades musulmans de l'ethnie des Peuls. Mais cette zone concentre aussi d'autres fragilités. La progression du désert de 600 mètres chaque année et le rétrécissement du lac Tchad sont aussi des facteurs d'instabilité, de sorte qu'en 2018, les violences communautaires ont gagné en létalité comme en intensité. Dans ce contexte, le terrorisme d'inspiration islamiste a trouvé un terreau propice à une implantation durable dans la partie nord et au centre du pays. En causant la mort de 11 000 personnes entre 2010 et 2018, il a aggravé les déplacements de population.

J'en viens à la situation de l'armée nigériane. À compter de 2015, le déploiement de la force multinationale mixte composée de troupes fournies par le Tchad, le Nigéria, le Bénin, le Niger et le Cameroun a porté de sérieux coups à Boko Haram. Il a contribué à la fragilisation du mouvement, qui s'est scindé entre un groupe faisant allégeance à Al-Qaïda au Maghreb islamique – AQMI – et un autre subordonné à Daech, devenu l'État islamique en Afrique de l'ouest. Mais ces récents succès militaires ont parfois conduit à un excès de confiance du pouvoir, qui a proclamé à plusieurs reprises, et sans doute de façon prématurée, la victoire définitive. En réalité, les insurgés islamistes ont démontré une réelle capacité de résilience. La branche locale de Daech a ainsi mené des offensives répétées contre les bases de l'armée nigériane, lui permettant de récupérer des armes, des munitions, des véhicules et de consolider son arsenal. Cette branche de l'État islamique reçoit d'ailleurs en ce moment le renfort de djihadistes venus du Levant.

La persistance de l'insurrection islamiste, conjuguée au banditisme dans la zone du delta du Niger, à la piraterie dans le golfe de Guinée et au séparatisme biafrais, pèse lourd sur les forces de défense et de sécurité du Nigéria, qui sont contraintes de disperser leurs moyens. Elles doivent aussi suppléer les forces de sécurité intérieure dans certains territoires. En conséquence, l'armée se retrouve mobilisée pour des missions de rétablissement et de maintien de l'ordre, ce qui provoque une certaine usure des effectifs, une baisse du moral et parfois des désertions dans les rangs.

Pour pallier ces difficultés, Abuja a augmenté de manière significative son budget de défense, qui atteint aujourd'hui environ 1,5 milliard de dollars. Cet effort doit bien sûr être salué, mais aussi accompagné et encouragé. En effet, l'armée déploie, avec les forces paramilitaires, plus de 160 000 hommes et prévoit d'importants recrutements dans les années à venir. Le contrôle du territoire ne saurait bien évidemment se faire qu'avec des troupes bien formées. Les autorités nigérianes font déjà appel à des partenaires étrangers, notamment pour les forces spéciales. De nombreux militaires sont ainsi formés à l'étranger, au Pakistan et en Russie. Un partenariat de défense a été signé avec la Turquie, et le Royaume-Uni forme sur place l'infanterie nigériane. La France doit désormais, elle aussi, apporter son concours à la formation des forces armées du pays, d'autant que certains véhicules français, comme les blindés Sagaie et les véhicules blindés légers, sont utilisés dans l'arsenal du pays. Ce partenariat contribuera à renforcer notre coopération en matière d'équipements.

L'armée nigériane est au début d'un long processus qui doit la conduire graduellement vers une réelle professionnalisation. Dans la droite ligne de nos efforts pour la mise en place d'un système de sécurité collective avec les pays du G5 Sahel, cet accord de coopération militaire est pleinement cohérent avec les objectifs de la France dans la région. Je ne peux donc que vous inviter à en voter la ratification.

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