Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Ce projet de loi visant à créer une taxe sur les GAFA est une étape importante pour notre pacte républicain. Votre texte vise d'abord à corriger une situation qui perdure : un certain nombre de géants du numérique ne paient pas d'impôt sur les sociétés, ou paient un montant très faible au regard de leur résultat net réel – j'insiste sur cette notion de résultat net réel, puisque c'est bien de là que vient la difficulté. Il vise ensuite à corriger une faille qui laisse les géants du numérique créer de la valeur en utilisant gratuitement des données sans que personne leur ait jamais demandé de payer quoi que ce soit. Votre texte vise donc à apporter une réponse à cette double injustice : une imposition trop faible et une utilisation gratuite de données personnelles des utilisateurs.

Je l'ai dit, nous voterons votre projet de loi.

Si l'étape que nous nous apprêtons à franchir doit être saluée, je voudrais tout de même rappeler que nous ne partons pas d'une page blanche. En décembre 2016, contre l'avis du Gouvernement – chers collègues de la majorité, c'est un exemple que vous pourriez suivre à l'occasion – , nous qui étions alors députés de la majorité avons voté une taxe dite « YouTube », en fait une taxe sur la publicité facturée par les plateformes. Ce vote a été arraché par douze voix contre onze, tant la pression était forte sur les députés pour qu'ils ne viennent pas en séance publique ou pour qu'ils ne votent pas en faveur de cette mesure, tant le Gouvernement de l'époque nous avait dit qu'il fallait que tout se règle au niveau international. Aujourd'hui, cette taxe rapporte 10 millions d'euros au budget de l'État, alors que l'on nous disait en 2016 que si elle permettait de dégager 1 million, ce serait le bout du monde !

C'est un combat qui doit se poursuivre étape après étape ; nous ne gagnerons pas en une seule manche.

Ce texte arrive, cela a été rappelé, après le projet BEPS de l'OCDE, qui a été extrêmement précurseur sur cette question de la taxation des géants du numérique.

Bien sûr, il eût été préférable qu'un accord international soit trouvé ; mais à force de toujours attendre, on ne fait rien. C'était l'esprit de la création de la taxe YouTube. Votre démarche est la même, et je m'en réjouis.

Dès septembre 2017, cela a été rappelé également, l'Europe – à l'initiative de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne – a entrepris de créer une taxe sur les géants du numérique. Cette idée a été enterrée le 12 mars dernier en raison de l'opposition persistante de pays comme l'Irlande, le Danemark, la Finlande ou la Suède, cette opposition suffisant puisque l'unanimité est nécessaire en matière de fiscalité. Malgré cela, cinq des vingt-huit pays de l'Union européenne s'acheminent vers la création d'une taxe sur les services numériques, dont la France, l'Espagne, l'Autriche, le Royaume-Uni et l'Italie.

Certains pourront aussi regretter qu'on applique une taxe sur le chiffre d'affaires. C'est une solution dégradée, c'est vrai, mais c'est une première étape indispensable pour rappeler aux grandes entreprises numériques, notamment aux GAFA, qu'elles ne peuvent échapper à la souveraineté des États et de l'Europe.

Si nous approuvons l'article 1er, qui crée cette taxe, nous regrettons la présence dans votre projet de loi de l'article 2, qui est en défaveur des grandes entreprises, mais aussi, de façon plus grave, des PME et des ETI. En effet, 542 entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 millions et 1 milliard d'euros – ce qui correspond bien à des PME et ETI – , vont voir leur taux d'imposition de l'impôt sur les sociétés augmenter non seulement par rapport à la trajectoire que vous aviez votée, mais également par rapport à la trajectoire que nous vous avions laissée en 2017. Elles paieront davantage, autrement dit, qu'elles n'auraient payé si la législation n'avait pas changé entre la fin de l'année 2017 et aujourd'hui.

Le signal n'est pas le bon. Pour ces entreprises, l'absence de baisse de l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire le non-respect des trajectoires successivement votées, représente 370 millions d'euros en 2019. Et ne venez pas m'expliquer que la transformation du CICE en baisse de cotisations compensera quoi que ce soit : confondre la trésorerie et le résultat net, c'est, j'en suis sûre, une erreur que personne ne commettrait dans cet hémicycle, et certainement pas M. le rapporteur général du budget.

Nous espérons que nos amendements seront adoptés. Mais nous voterons ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.