Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du mardi 9 avril 2019 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative au grand débat national

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Il faudra aussi reconsidérer l'efficacité et la légitimité de chaque dépense publique. Le paradoxe français, c'est que l'État voulant tout faire – et les Français le lui demandant parfois – , les missions qu'il accomplit le plus mal sont celles qu'il est le seul à pouvoir accomplir : la police, la justice, l'éducation, la défense, la cohésion sociale.

Troisièmement, cette crise est révélatrice d'un déséquilibre institutionnel qui saute désormais aux yeux de tous. Quand ceux qui sont entre l'exécutif et le peuple – ceux que l'on appelle les corps intermédiaires – sont mis de côté par un pouvoir qui se voulait jupitérien, il n'y a plus de filtre et cela ne peut qu'être dangereux, cela ne peut que nourrir la violence sociale. Les corps intermédiaires et les contre-pouvoirs ne peuvent pas remplir leur mission, et le Président de la République finit par répondre en direct aux problèmes individuels de tel ou tel. Ce n'est pas son rôle ; son rôle est de les rassembler en montrant un chemin !

Nous avons donc besoin d'une réforme institutionnelle, monsieur le Premier ministre, mais bien plus ambitieuse et cohérente que celle que vous nous avez présentée l'année dernière : une réforme qui osera enfin renforcer les droits du Parlement et donnera davantage de place à la parole des citoyens. Contrairement à ce que nous avons beaucoup entendu ces derniers mois, la démocratie représentative n'est pas un luxe, mais une nécessité. Mais pour qu'elle soit utile, encore faut-il que les représentants aient du pouvoir ! Nous devons aussi inventer de nouvelles possibilités d'intervention des Français dans le débat public entre deux élections – sujet cher notamment à notre collègue Guy Bricout.

Quatrièmement, l'accès aux services publics est une source d'inégalités quand il n'est pas garanti. C'est un phénomène que l'on observe dans de nombreux domaines : transports, santé, numérique… Il joue énormément dans le sentiment d'injustice et d'abandon que beaucoup ressentent, et qu'ils ont exprimé lors du grand débat. La présence de l'État doit être envisagée de façon radicalement différente, par exemple en nommant un agent administratif référent et polyvalent pour chaque citoyen ; il pourrait être contacté facilement pour accompagner des démarches, sans pouvoir se contenter de rejeter les demandes, comme l'expliquait Laure de La Raudière. Ce besoin de proximité doit aussi être comblé en repensant l'organisation territoriale et la répartition des compétences, en fonction des bassins de vie, et surtout en déconcentrant l'État des régions vers les départements. Bref, c'est tout l'inverse de ce qui a été fait sous le précédent quinquennat et le début du vôtre. En parallèle et en même temps, il faut lancer un grand acte III de la décentralisation ; il vous faut apprendre à faire confiance aux élus locaux pour débloquer le pays et réenraciner la République. Il faut accorder à ces élus un véritable droit à la différenciation qui permette d'adapter les normes et les façons de faire selon les territoires, comme vous l'a rappelé Pierre Morel-À-L'Huissier.

Nos propositions sont issues de ce que nous avons entendu sur le terrain bien avant le grand débat. Toutes requièrent un changement de méthode. Beaucoup impliqueront aussi des changements de mentalité, de petites ou de grandes révolutions dans les pratiques.

Pour chacun des quatre thèmes cités, ce n'est pas une avalanche de mesurettes qu'il faut, mais un nouveau contrat entre l'État et les citoyens. Non, l'issue du grand débat ne peut pas être un simple empilement de mesures plus ou moins cohérentes entre elles. Cela valait lorsqu'il a fallu adopter des dispositions d'urgence en fin d'année 2018 ; vous avez alors déboursé 11 milliards d'euros, creusant hélas davantage notre dette. Mais répéter ce type de réponse n'est plus possible, ni financièrement, ni politiquement.

Les annonces ne doivent pas être distillées ou devinées au fil des déclarations contradictoires des membres de la majorité et de quelques ministres. Il est grand temps, monsieur le Premier ministre, que les ministres se taisent et que le Président de la République parle, enfin, pour montrer la route qu'il propose.

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