Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2019 à 16h00
Débat sur la politique industrielle du gouvernement : ni défensive ni offensive

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Faire le tour du sujet étant impossible en cinq minutes, je me bornerai à évoquer quatre chantiers prioritaires.

Le premier est la protection de nos entreprises stratégiques. La commission d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle, que j'ai eu l'honneur de présider et dont Guillaume Kasbarian était le rapporteur, a fait ç ce sujet des propositions dont plusieurs ont été suivies, ce dont je me réjouis.

Avec le renforcement du dispositif d'autorisation des investissements étrangers en France prévu par la loi PACTE et l'extension de son champ d'application par voie réglementaire, les avancées les plus significative sont l'instauration du début de contrôle parlementaire, proposé par M. Kasbarian, et l'initiative européenne qui, avec l'adoption du règlement sur le filtrage des investissements étrangers en Europe, apportera plus de cohérence.

Reste toutefois à se saisir de ces outils. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, me restent quelques doutes et un peu de méfiance. Je ne voudrais pas en effet voir se produire une nouvelle illustration du « en même temps » : on construit d beaux outils de contrôle, mais en même temps on laisse se faire le rachat de nos entreprises stratégiques…

C'est ainsi que l'entreprise française Linxens, leader mondial de la micro-connectique pour les cartes à puces, a été rachetée récemment par une entreprise chinoise, Tsinghua Unigroup, qui est contrôlée à 51 % par des fonds publics américains. Jamais une telle opération n'aurait été acceptée aux États-Unis, même sous l'administration Obama !

La protection de nos champions nationaux, qu'ils soient ou non stratégiques, doit être une ligne de force de notre politique industrielle, tant notre industrie est structurée autour de ses grands groupes. Plusieurs de nos collègues ont rappelé les conséquences désastreuses des ventes d'Alstom et d'Alcatel. Ces pertes de contrôle de l'État ont conduit à des plans sociaux désastreux.

Le deuxième chantier prioritaire est la restauration de la compétitivité-coût qui, malheureusement, ne progresse pas, par manque de volonté. J'évoquerai seulement les allers-retours du Gouvernement sur l'impôt sur les sociétés, et le peu de visibilité qui nous est donné sur la transformation du CICE en baisses de charges. Vous ne semblez finalement pas vouloir aller plus loin que l'effort engagé en 2017.

Nous sommes également inquiets de vous voir envisager des impôts de production – qui ne sont rien d'autre que des impôts des collectivités locales. Là encore, le Gouvernement use de faux-semblants et se défausse de ses responsabilités.

Le troisième grand chantier est le financement de notre industrie. Le manque structurel de fonds propres handicape le développement de nos entreprises et les rend particulièrement vulnérables aux opérations extérieures de rachat.

Dans ce domaine, on note ces dernières années une continuité des politiques menées, qui mérite d'autant plus d'être saluée qu'elle est rare : le fonds stratégique d'investissement (FSI) qu'avait créé Nicolas Sarkozy s'est transformé en Banque publique d'investissement (BPI) sous François Hollande, dotée aujourd'hui d'une capacité de portefeuille de 30 milliards d'euros, qui intervient auprès des PME et des ETI en région.

C'est un progrès, mais qui reste très insuffisant : notre pays doit aller beaucoup plus loin et créer un véritable fonds souverain français, ainsi que Les Républicains le proposent. Il faudrait que ce fonds soit doté de 200 ou 300 milliards d'euros, ce qui n'a rien d'impossible : le montant de l'épargne des Français s'élève à 5 000 milliards ! Peut-être faudrait-il rendre cette épargne un tout petit peu moins liquide. Les Français aiment leur industrie, nous devons saisir cette opportunité.

Le quatrième grand chantier concerne les enjeux européens. Je n'en retiendrai que deux. Le premier est la réciprocité : cessons d'être le seul espace économique au monde ouvert à tous vents ! Nous sommes ouverts à des entreprises provenant de marchés qui, pour leur part, nous sont fermés ! La réciprocité, madame la secrétaire d'État, est une exigence des traités : faisons-la jouer. Si la Commission l'oublie, l'État français a le droit de la lui rappeler !

Deuxième enjeu européen : l'insupportable dumping fiscal ou social qui a lieu au sein même de l'Europe. Ce que vous reprochez à juste titre aux GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – américaines peut quotidiennement être reproché à des entreprises européennes qui choisissent pour s'établir des pays leur offrant un moins-disant fiscal ou social.

Une directive européenne, en cours de discussion, pourrait autoriser les autorités nationales à bloquer des opérations transfrontalières comme des fusions, scissions ou déménagements, si celles-ci sont jugées abusives ou frauduleuses. Elle fait suite à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, l'arrêt Polbud, qui avait été jugé scandaleux en raison de la liberté qu'il donnait aux entreprises de déménager du jour au lendemain leurs sites de production.

Madame la secrétaire d'État, nous ne pouvons plus laisser de telles pratiques avoir lieu, laisser sacrifier l'emploi à des exigences qui, reconnaissons-le, servent uniquement les dividendes et sont parfois déraisonnables.

Le Gouvernement doit donc profiter de cette opportunité pour obtenir une véritable moralisation des règles du jeu en Europe.

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