Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 15h00
Sécurisation de l'actionnariat des entreprises publiques locales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Mon propos débutera sans équivoque : les entreprises publiques locales, ou EPL, sont un instrument indispensable pour les collectivités. Elles permettent le développement de nombreux projets grâce au partage des forces et des moyens, et sont précieuses pour mener à bien des opérations qu'une collectivité, seule, ne serait parfois pas en mesure de faire. Dans un contexte économique où l'on demande aux collectivités d'être toujours plus économes, d'être toujours plus innovantes, les entreprises publiques locales sont bien souvent un outil de développement et de mutualisation incontournable. Agissant pour le tourisme, l'urbanisme, le logement ou la culture, elles sont une réalité dans le quotidien de chacun.

La plupart des SPL en activité sont, soit des créations ex nihilo permettant aux collectivités locales d'intervenir dans de nouveaux champs, comme les énergies renouvelables ou le numérique, soit des transformations d'entités déjà existantes sous d'autres formes, pour permettre aux élus d'en conserver la maîtrise tout en y introduisant un management innovant.

Ces entreprises sont utilisées de façon croissante dans notre pays par les collectivités, qui se saisissent volontiers de cet outil permettant le développement des territoires. Ici, ce sont bien l'importance et l'intérêt de l'économie mixte qui sont démontrés à travers ces entreprises dédiées à la réalisation d'opérations d'intérêt général. L'importance qualitative et quantitative des entreprises publiques locales sera sûrement encore démontrée à travers les actions coeur de ville et revitalisation des centres-bourgs : autant de raisons nous permettant d'affirmer que les SPL sont devenues, en moins de dix ans, un instrument privilégié de modernisation de l'action publique locale.

Or ces entreprises ont récemment connu un parcours jurisprudentiel chaotique. En effet, plusieurs cours administratives d'appel ont rendu des décisions contradictoires concernant l'interprétation de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, précisant que les collectivités territoriales et leurs groupements qui créent une société publique locale ne peuvent le faire que « dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi ». Des juridictions décidaient que les actionnaires d'une SPL devaient être attributaires de l'ensemble des compétences regroupées dans l'objet social de la société publique locale, alors que d'autres juridictions jugeaient que cette obligation ne découlait nullement de l'article précité.

In fine, l'arrêt du Conseil d'État de novembre 2018, qui devait trancher cette divergence jurisprudentielle, a plongé dans l'incertitude les 1300 EPL en activité que compte notre pays. Le Conseil d'État a eu une interprétation particulièrement restrictive du lien de compatibilité entre, d'une part, les compétences des collectivités ou de leurs groupements actionnaires d'une SPL et, d'autre part, l'objet social de cette SPL, surtout lorsque l'on sait que la majorité de ces sociétés sont capitalisées par des collectivités ou des groupements de collectivités qui ne détiennent pas l'ensemble des compétences sur lesquelles porte l'objet même de ces sociétés. Les législateurs à l'origine des premières lois sur les SPL ont publié un communiqué exprimant explicitement que l'interprétation faite par le Conseil d'État n'était absolument pas conforme aux intentions qui étaient les leurs.

Cet arrêt, interprétant beaucoup trop étroitement les conditions de participation des collectivités aux EPL, a également mis un frein à la croissance de ces dernières. Sur le terrain, de nombreux projets n'ont pas pu voir le jour ou ont été bloqués. Les conséquences de cette décision du Conseil d'État ont donc été réelles et fort problématiques pour de nombreuses collectivités.

En conséquence, la proposition de loi initiée par le sénateur Hervé Marseille et défendue par notre rapporteur ne peut être que saluée. Très pragmatiquement, elle vise à répondre rapidement à un problème spécifique qui ne peut perdurer. Notre groupe soutien donc cette initiative sans réserve. Nous savons que les territoires attendent que le législateur prenne une décision efficace et rapide.

Nous avons entendu certaines inquiétudes lors des auditions, concernant en particulier l'incertitude sur la compétence unique et les éventuels risques de détournement de la répartition légale des compétences. Nous ne les partageons pas.

Pour apaiser les craintes, il est peut-être utile de préciser ici que la volonté du législateur n'est nullement d'ouvrir la porte à l'actionnariat de sociétés qui ne détiendraient, par exemple, qu'une infime partie des compétences concourant à la réalisation de l'objet social. Il ne s'agit pas non plus de revenir sur la règle selon laquelle une collectivité n'a pas le droit de faire, par l'intermédiaire d'une société d'économie mixte locale ou d'une société publique locale, ce qu'elle ne peut faire par elle-même.

Le changement du cadre légal des entreprises publiques locales est également nécessaire, nous ne le nions pas. En 2015, la Cour des comptes a déjà relevé les insuffisances du cadre juridique et comptable. Leurs mécanismes de transparence doivent être notamment repensés. Cela n'est pas remis en question, mais ne peut être le sujet de cette proposition de loi.

Les amendements votés au Sénat ont déjà permis d'éclairer le texte, sans aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Ainsi, la proposition telle qu'arrivée à l'Assemblée est satisfaisante et n'appelle pas de modification. Grâce à ce texte, c'est un vide juridique qui est comblé pour la préservation de cet outil précieux que sont les entreprises publiques locales.

De plus, face à l'urgence, un vote conforme sur cette problématique déterminée est fortement souhaitable. Cette proposition de loi n'a pas vocation à recouvrir tout le champ de la réglementation des EPL et le Parlement n'est pas fermé à des discussions prochaines sur le sujet. Il sera sûrement opportun dans un second temps d'instaurer déontologie et transparence au sein des EPL. Pour le moment, il s'agit de ne pas mettre un injuste frein à un dispositif qui a fait ses preuves.

Pour exercer pleinement leurs compétences, les collectivités ont besoin des EPL, qui ne peuvent être remises en cause par un arrêt du Conseil d'État. Je voudrais également souligner que les EPL sont un prolongement des collectivités, permettant aux élus locaux une certaine autonomie d'action sur leur territoire. À l'heure où une meilleure décentralisation nous est promise, le sauvetage rapide de ces entreprises serait bienvenu. Dans le contexte politique actuel, il ne paraît pas opportun de mettre des freins à l'activité des collectivités.

Ainsi, des considérations juridiques, économiques, politiques et d'intérêt général se rejoignent en faveur de l'adoption conforme de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise.

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