Intervention de Pierre-Henri Dumont

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 21h30
Interdiction effective de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont :

Oui, la volonté unanime des parlementaires nationaux français et leurs multiples actions furent un appui important au moment des discussions au niveau européen.

En ce 9 mai, jour de la Fête de l'Europe, l'interdiction totale de la pêche électrique dans les eaux territoriales françaises représente également un symbole fort, ce symbole qui jadis faisait la force de notre continent et qui peut aujourd'hui lui faire gravement défaut. En dépassant nos différences, en faisant fi de nos divisions, en s'unissant pour une juste cause, il est encore possible dans cette Union européenne technocratique, bureaucratique, de faire triompher la voie de la raison et du bon sens, la seule issue possible pour une construction européenne au service de l'intérêt des peuples qui la composent.

C'est cette voie de la raison et du bon sens qui a prévalu, après de longues et âpres négociations, aboutissant à l'interdiction au niveau européen de la pêche électrique au 1er juillet 2021, avec une mise en place effective possible auparavant par dérogation, dans la limite des eaux territoriales de 12 milles marins, pour les pays qui en font la demande. C'est cette dérogation que nous appliquerons ce soir en votant ce texte, avec effet le plus rapidement possible dans les eaux territoriales françaises.

En effet, l'interdiction immédiate de cette pratique de pêche dans nos eaux territoriales est devenue une nécessité absolue. Une nécessité absolue car, bien qu'interdite au sein de l'Union européenne depuis 1998, la pêche électrique a pu s'étendre le long de nos côtes européennes et surtout françaises, grâce à une dérogation accordée depuis 2007 et permettant ce type de pêche au moyen de chalut électrique à titre expérimental, dans la limite maximale de 5 % de la flotte de chalutiers à perche de chaque pays de l'Union européenne opérant en mer du Nord. Cette dérogation est largement mise en pratique par les chalutiers néerlandais et même outrepassée par ces derniers, puisque nous estimons à 28 %, soit quatre-vingt-quatre chalutiers, le nombre de navires néerlandais pratiquant ce type de pêche.

L'interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales est une nécessité absolue car nos pêcheurs français opérant en mer du Nord, et je pense ici en particulier aux pêcheurs de mon département du Pas-de-Calais, font face à une concurrence parfaitement déloyale, la pêche électrique massive pratiquée par les Néerlandais permettant de concentrer de très grandes quantités de soles sur leur marché, déstabilisant ainsi la concurrence. Nos pêcheurs ne disposant pas des mêmes outils que leurs voisins, il est nécessaire de les défendre, non pas en tirant la qualité de leur travail vers le bas mais en alignant la qualité du travail de nos voisins sur les hauts standards qui sont les nôtres.

L'interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales est une nécessité absolue car la qualité du poisson pêché électriquement demeure largement inférieure à la qualité du poisson pêché avec une technique traditionnelle. Si nous manquons de données fiables sur les conséquences de cette pêche sur les plans nutritionnel et sanitaire, force est de constater que ce type de décharge électrique provoque de graves hématomes et des fractures de colonne vertébrale sur les poissons. De plus, il y a quelques mois, 260 chefs cuisiniers ont signé un manifeste contre la pêche électrique, soulignant que les poissons sont de si mauvaise qualité que l'on ne peut rien en faire.

L'interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales est enfin une nécessité absolue car ce type de pêche représente un danger grave pour l'écosystème de nos fonds marins, la préservation des ressources halieutiques et la biodiversité. Non sélective, la pêche électrique atteint l'ensemble des organismes vivants dans les fonds marins, avec des conséquences graves sur les ressources. Ainsi, 50 à 70 % des prises sont rejetées en mer avec la technique électrique contre 6 % pour la technique classique, avec des taux de survie extrêmement faibles. Par conséquent, les stocks de poissons disponibles, et pas seulement des soles, s'amenuisent, transformant la mer du Nord en désert, faisant peser une réelle menace sur la poursuite de l'activité halieutique. À titre d'exemple, la flottille de pêche de Boulogne-sur-Mer a ramené 61 tonnes de soles au premier semestre 2019, contre 130 tonnes au premier semestre 2018. En dix ans, les captures de soles ont diminué de 80 %.

Notre parlement aura agi pour sauver la filière, pour sauvegarder notre biodiversité et pour préserver les stocks. Mais de nombreuses questions restant en suspens méritent des réponses gouvernementales claires. Monsieur le ministre, comment une dérogation expérimentale accordée à 5 % a-t-elle pu concerner 28 % des chaluts d'une flotte nationale ? Des sanctions seront-elles prises contre les Pays-Bas, qui ont encouragé et continuent d'encourager cette illégalité ? Comment comptez-vous venir en aide aux fileyeurs du nord de la France qui, depuis dix ans, font face à cette concurrence déloyale détruisant les stocks et mettant en péril grave leur activité ? Comment accompagnerez-vous les fileyeurs français ces cinq prochaines années, le temps de la reconstitution des stocks ? Enfin, quelles seront les zones de pêche au lendemain de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 31 octobre prochain, ou peut-être avant, ou peut-être jamais, alors même que certaines flottilles pêchent 50 % de leur production dans les eaux territoriales britanniques ?

Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte, gravant dans le marbre de la loi, et non pas dans le règlement, l'interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales françaises. Cette interdiction immédiate est un premier pas décisif vers une pêche plus durable, plus respectueuse de son environnement, donnant enfin de l'espoir aux acteurs de la filière halieutique. Il est néanmoins nécessaire d'aller plus loin et de répondre aux questions légitimes des professionnels de la mer, car la filière n'est pas sauvée pour autant. Monsieur le ministre, la balle est désormais dans votre camp.

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