Intervention de Franck Riester

Séance en hémicycle du vendredi 10 mai 2019 à 9h30
Restauration de notre-dame de paris — Présentation

Franck Riester, ministre de la culture :

Le 15 avril au soir, le pays retenait son souffle, et avec lui le monde tout entier. En voyant la flèche s'effondrer, une pensée nous a tous traversés : l'éventualité que nous étions en train d'assister à la destruction totale de Notre-Dame de Paris.

Nous étions persuadés que, parce que cette cathédrale était là avant nous, elle serait nécessairement là après nous. Si elle avait traversé huit siècles jusqu'à nous, elle saurait encore, pensions-nous, traverser les prochains.

Ce qui nous tenait devant les images de Notre-Dame embrasée, ce qui nous atteignait, nous attristait, nous terrifiait était de voir cette certitude bousculée et d'ignorer ce qui allait advenir. C'était de voir cette part de la France se consumer sans savoir si les flammes allaient oui ou non l'engloutir. C'était de voir cette part de nous s'en aller sans que nous puissions la retenir. Sans pouvoir rien y faire.

Alors, très rapidement, les Français ont voulu agir, et notre effroi face au feu n'a eu d'égal que l'extraordinaire mobilisation qui l'a suivi.

Cette mobilisation a été celle de femmes et d'hommes qui ont, parfois au péril de leur vie, arrêté l'embrasement et sauvé les oeuvres.

Elle a d'abord été celle des sapeurs-pompiers de Paris, aidés et renforcés par leurs collègues des autres départements d'Île-de-France, celle des policiers, mais aussi celle des agents du ministère de la culture, de la Ville de Paris et du diocèse. Je veux vraiment très sincèrement les remercier pour leur courage, leur compétence et leur engagement. Si les voûtes restent encore très fragilisées, l'édifice est aujourd'hui sauvé, et nous le devons à leur professionnalisme, à leur dévouement et à leur courage.

Cet acte de bravoure a fait place à la mobilisation des experts, des institutions et des entreprises, dont les promesses de dons et les propositions d'aide en compétences se sont multipliées.

Surtout, il s'agit d'une mobilisation populaire. Des centaines de milliers de dons de particuliers ont afflué de toutes parts, de France comme du monde entier. Aujourd'hui encore, ils continuent de nous parvenir. Il fallait donc créer un cadre pour les accueillir, pour accompagner, encourager, encadrer cet élan de générosité, pour assortir cette ferveur exceptionnelle d'un dispositif exceptionnel.

C'est le sens du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

Oui, nous rebâtirons Notre-Dame.

Le Président de la République a fixé un objectif : cinq ans. C'est un délai ambitieux, volontariste, qui permet de motiver les troupes et de mobiliser l'ensemble des équipes concernées au service de Notre-Dame.

Dans cette tâche qui nous attend, nous ne confondrons pour autant pas vitesse et précipitation. Nous devons en effet offrir à Notre-Dame une restauration à la hauteur de sa splendeur et de ce qu'elle symbolise.

Sur un certain nombre de points, il y a urgence à intervenir. Sur d'autres, nous devons prendre le temps de la réflexion. La situation actuelle de Notre-Dame nous impose ces deux temporalités, que ce texte de loi parvient à concilier.

Alors oui, nous voulons aller vite. On nous a accusés d'aller très vite – trop vite. Mais c'est l'élan de générosité qui est allé très vite, ce sont les dons en faveur de Notre-Dame qui ont abondé très vite : il fallait pouvoir y répondre tout aussi vite. C'est ce que nous avons fait.

Il faut à présent réaffirmer la finalité de la souscription nationale dédiée, lancée par le Président de la République et placée sous sa haute autorité, et fixer, par la loi, les grands principes et les règles qui lui sont applicables. Il faut apporter des garanties de sécurité aux centaines de milliers de donateurs, qu'ils soient Français ou étrangers.

Je veux les remercier vraiment sincèrement pour leur générosité. Ils ne seront pas trahis : leurs dons iront à Notre-Dame, uniquement et intégralement à Notre-Dame, à sa conservation, à sa restauration et à son entretien, à court, moyen et long termes.

Certains avancent l'idée que nous aurions déjà collecté trop de fonds, plus qu'il n'en faut pour restaurer la cathédrale. Mais si certains dons nous sont déjà parvenus, d'autres sont encore en attente de concrétisation. En outre, le coût total des travaux n'a pas encore été chiffré, bien entendu. Pour l'instant, les travaux portent seulement sur la mise en sécurité de l'édifice, dont la voûte reste, je veux le redire, fragile.

Permettez-moi à cet instant de remercier très sincèrement les entreprises pour le dévouement et la réactivité dont elles ont fait preuve : elles ont dès le lundi soir entrepris avec les services du ministère de la culture un travail colossal et exceptionnel en vue de sauvegarder l'essentiel. Merci très sincèrement à elles et à toutes leurs équipes.

Ce n'est qu'ensuite que nous passerons à la phase de diagnostic, puis à la restauration elle-même. Dans ces conditions, il est totalement prématuré d'affirmer que nous aurions des surplus à gérer.

Pour opérer cette souscription nationale, outre les versements directs à l'État, nous pouvons compter, depuis le 16 avril, sur la mobilisation de trois fondations reconnues d'utilité publique, la Fondation de France, la Fondation du patrimoine et la Fondation Notre-Dame, ainsi que sur celle du Centre des monuments nationaux, opérateur du ministère de la culture. Je veux également les en remercier.

Je tiens à rappeler que Notre-Dame de Paris est un monument historique qui appartient à l'État : c'est ce qui justifie que l'État soit, in fine, le destinataire des dons.

Je tiens également à rappeler que le texte de loi dont nous allons débattre ne portera évidemment pas atteinte aux principes des lois de 1905 et de 1907, c'est-à-dire ni au principe de laïcité, ni à la répartition des prérogatives et des responsabilités entre l'État, propriétaire de la cathédrale, et l'Église catholique, qui en est l'affectataire.

L'intégralité des dons passera par la souscription nationale, à l'exception de ceux qui ont spécifiquement pour objet de financer la restauration des biens religieux ou artistiques appartenant au diocèse, ou, plus généralement, les besoins relevant de l'exercice du culte. Il ne s'agit pas de biens culturels, mais de biens cultuels.

Des conventions pourront être passées entre l'État et chacune des trois fondations reconnues d'utilité publique ainsi qu'avec certains donateurs. Les modalités précises du conventionnement restent à déterminer : des amendements ont été déposés, qui devraient permettre de faire progresser le texte sur ce point. Je pense notamment à l'amendement qui prévoit que les conventions fixeront les modalités de versement des fonds par les fondations reconnues d'utilité publique ou par les donateurs. Je suis favorable à son adoption et salue le groupe La République en marche, derrière Cathy Racon-Bouzon et Raphaël Gérard, ainsi que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, derrière Sophie Mette, qui ont énormément travaillé sur le sujet.

Par ailleurs, dans un même souci de transparence quant à l'emploi des fonds collectés, un comité de contrôle sera mis en place. Il réunira le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions chargées des finances et de la culture du Sénat et de l'Assemblée nationale. Ce contrôle devra se faire en articulation et sans préjudice de celui exercé par la Cour des Comptes.

Les collectivités territoriales et leurs groupements pourront également participer au financement des travaux au-delà de leur périmètre de compétence territoriale. L'article 4 lève toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence ou à la condition d'intérêt local.

Le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin aura l'occasion de le redire : les dépenses des collectivités en faveur de Notre-Dame seront considérées comme des dépenses d'équipement. Elles ne seront donc pas prises en compte pour le plafond annuel d'évolution des dépenses de fonctionnement de 1,2 %.

En ce qui concerne les particuliers, la loi introduit un dispositif fiscal spécifique pour accompagner leurs dons. Je tiens à saluer le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, ainsi que le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, pour le travail que nous avons réalisé en étroite collaboration.

Dans la limite de 1 000 euros, le projet de loi porte de 66 % à 75 % le taux de réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur du Trésor public, du Centre des monuments nationaux et des trois fondations reconnues d'utilité publique.

Ce dispositif, je le rappelle, ne concerne que les particuliers. Il a été conçu de manière à couvrir les dons du plus large nombre de Français. Il est précisément limité : dans le temps, avec un avantage fiscal qui concerne les dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019, et en matière de montants, je le disais, avec un plafond de don éligible à la réduction fiscale fixé à 1 000 euros.

Ces limites n'empêchent de donner ni au-delà de cette date, ni, bien évidemment, au-dessus de ce plafond. Dans ce cas cependant, l'avantage fiscal sera celui de droit commun.

Je veux remercier les membres de la commission des finances, qui ont permis d'améliorer le texte en introduisant, par l'article 5 bis, une exigence de transparence à l'égard du suivi de la souscription et de l'application du dispositif fiscal afférent. Le Gouvernement en rendra compte au Parlement dans un rapport qui étudiera la part et le montant des dons effectués au titre de la souscription nationale ayant donné lieu à une réduction d'impôt. C'est une bonne chose, et on pourrait même envisager d'aller plus loin.

Merci à la rapporteure pour avis Marie-Ange Magne, au rapporteur général Joël Giraud, à Bénédicte Peyrol et bien sûr à Gilles Carrez pour leur travail. Plus généralement, merci à tous les membres de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, et à la rapporteure Anne Brugnera, qui a accompli un travail remarquable. Je sais le travail de pédagogie, de clarification, de concertation de tous les acteurs qu'elle a mené, et je connais son engagement en faveur de la culture.

Le travail en commission a été, grâce à vous tous, fructueux.

Sur tous ces sujets, je le disais, nous irons vite, mais nous ne nous précipiterons pas : la restauration ne se fera pas dans la hâte, car elle doit être à la hauteur, je l'ai dit et je le répète, de la splendeur de Notre-Dame de Paris.

Nous saurons prendre en compte l'avis des professionnels du patrimoine, des conservateurs, des architectes, des historiens, des universitaires et de tous ceux qui oeuvrent à l'entretien, à la conservation et à la restauration de nos monuments. Nous saurons les écouter, et nous saurons leur faire confiance.

Un temps doit être laissé à la réflexion, pour nous permettre de faire tous les choix qui s'imposent, et de les faire en temps voulu. Je veux les anticiper, tant que faire se peut, dans la loi, pour éviter d'avoir à revenir devant vous demain : tel est le sens des articles 8 et 9 du projet de loi.

Nous sommes en train de réfléchir à l'organisation optimale permettant de mener à bien ce chantier au regard des objectifs fixés. Le choix d'organisation n'est pas encore fait. Nous nous donnons la possibilité de créer un établissement public nouveau à cet effet.

Quoi qu'il en soit, je veux en revanche affirmer devant vous trois points capitaux.

Premièrement, la maîtrise d'oeuvre de ce chantier sera assurée, dans les règles de l'art, par les architectes en chef des monuments historiques. Le Gouvernement défendra d'ailleurs un amendement…

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