Intervention de Bernard Oudard

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Bernard Oudard, administrateur de la Coordination rurale :

Je vous parlerai uniquement de ce que j'ai vécu. Et je commence à avoir du vécu, car j'ai repris l'affaire de mon père. Or j'ai toujours commercialisé mes fruits, dont une partie à la grande distribution. Globalement, à quelques exceptions près, je suis satisfait de mes relations avec la grande distribution, tout comme mes collègues parisiens.

Cela dit, que la grande distribution connaisse des problèmes avec certaines structures, je n'en doute pas. Ces gens ont des objectifs. Mais cela fait trente ans que l'on cherche à regrouper l'offre des producteurs. Or, regrouper leurs offres, c'est les mettre tous dans le même moule et ne pas tenir compte du marché local ; c'est de la standardisation et cela fait marcher l'affaire à l'envers. Nous ne sommes pas capables de livrer à la grande distribution des produits qui les intéressent.

Il y a une dizaine d'années, j'ai inventé des « palox », des boîtes de trois cents kilos de fruits – de pommes notamment. Après une analyse de la vente des fruits dans les magasins, je leur ai proposé une solution qui n'était pas gagnée d'avance, mais qui évitait les manipulations, car je sens n'importe quel de mes fruits qui a passé trois heures en magasin ! Les clients ne sont pas satisfaits par les manipulations et les conditions, qui ne sont pas ad hoc, de commercialisation des fruits.

Il y a trente ans, parce que je connaissais bien les patrons des magasins, j'ai obtenu qu'ils mettent un thermomètre-hygromètre dans un rayon de fruits et légumes. Le résultat a été catastrophique. L'hygrométrie et la température étaient proches de celles d'un four : 35 degrés et 25 % d'hygrométrie, quand mes chambres froides sont à 98 % et zéro degré. Bien entendu, un juste milieu doit être trouvé dans les magasins, mais certains le trouvent. Ce sont des adaptations de ce type que la grande distribution doit effectuer, ainsi qu'un effort sur le service et les conditions, car le service final doit convenir au client. Ensuite, nous pourrons parler prix. Si le commerçant vend l'ensemble des produits frais qu'il a achetés, il a nécessairement moins de freins et peut travailler avec des marges moindres.

En ce qui me concerne, je travaille essentiellement dans mon entourage, avec des personnes indépendantes. La Coordination rurale n'est pas majoritaire sur l'ensemble de la production nationale. Je vais un peu taper dans la fourmilière, et je m'en excuse, mais il est un peu facile de produire des fruits, de les déposer dans une coopérative, comme un céréalier dépose son blé et attend les cours mondiaux. Nous avons le choix, en produisant nos fruits, de les vendre nous-mêmes.

J'ai entendu les politiques proposer de faire de la vente à terme ; la vente à terme, c'est un truc de pauvre. C'est toujours le plus pauvre qui est roulé, parce qu'il a besoin de d'argent avant de produire quoi que ce soit. Les ventes conditionnées dans ce sens-là ne sont donc pas une avancée. C'est la relation humaine qui fait le commerce, ce n'est pas autre chose.

Dans les grosses structures, ce qui paye, c'est le poids. Mais 500 tonnes de tomates sur un hectare de serres, comme les produisent les Hollandais, n'ont rien à voir avec des tomates. Ce sont des boulons qui ont une couleur rouge, et le public s'en détourne. Les Espagnols, eux, sont en grande difficulté, leur technique de ramassage d'oranges étant totalement inadéquate du point de vue gustatif. Ils récoltent des hectares d'oranges, qu'ils entreposent dans des chambres froides ; elles ne mûrissent pas sur les arbres.

Les Portugais, qui ont compris la chose, ne disposent pas de chambres de stockage, ou très peu, et cueillent au jour le jour ; la rotation est rapide. De fait, ils prennent des parts de marché aux Espagnols, les fournisseurs historiques d'oranges.

De même, en Île-de-France, ce ne sont pas les gens qui ont les meilleures terres qui produisent les meilleurs fruits – je ne vous parle que de fruits, je suis désolé, c'est ce que je connais.

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