Intervention de Claude Cochonneau

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 11h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Claude Cochonneau, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) :

Ma parole est très libre, ne serait-ce que parce qu'à mon âge le risque est très limité : je suis tout près de la retraite.

Mon exploitation est un bon exemple. Tout d'abord, je produis du porc dans le cadre d'un groupement de producteurs – je n'ai pas d'animaux de reproduction, je les engraisse. Plusieurs éléments entrent dans mon prix de revient : le prix du porcelet, le prix des 250 kilos d'aliments qu'il va consommer et le prix de vente – j'exclus les aspects techniques car, si l'on n'est pas bon dans ce domaine, on disparaît. Je connais le prix auquel j'achète le porcelet et j'arrive à avoir de la lisibilité sur le prix de l'aliment pour la durée de l'engraissement ; en revanche, on n'arrive pas à me garantir un prix de reprise de mon porc. Cela explique tout ! Il faudrait que l'on puisse me garantir ne serait-ce que le prix de production, ce qui suppose que mon groupement de producteurs ait, lui aussi, une lisibilité sur le prix que vont lui payer l'abattoir ou les distributeurs. On n'y parvient pas. Pourtant, l'engraissement ne dure en moyenne que cinq mois. Ainsi chaque bande est quasiment un pari. Je prends un exemple très concret : sur une bande, je peux gagner 8 000 à 9 000 euros mais, sur la suivante, je peux perdre autant. Lorsque les bâtiments sont amortis, cela peut fonctionner mais, dans de telles conditions, il est trop risqué pour un jeune de s'installer.

Quant au vin, le système est complètement différent : la vinification se fait à la cave et je vends toute ma production en direct au consommateur – comme elle n'est pas très volumineuse, je n'ai pas besoin de faire beaucoup de foires. L'appellation d'origine contrôlée (AOC) Coteaux-du-Loir, est absolument inconnue – si quelqu'un, ici, la connaît, je lui en offre un carton ! Le prix de la bouteille est de 5,50 à 6 euros, mais le produit est si rare – d'autant plus que nous subissons régulièrement le gel – que si, demain, on porte le prix à 7 euros, le client l'acceptera et il nous remerciera quand même.

Il s'agit donc de deux productions, de deux mondes complètement différents : le rapport de force est inversé.

Je reviens au mode fonctionnement de ma production porcine, qui concerne un plus grand nombre d'agriculteurs. Ce que nous demandons, dans le cadre de la contractualisation, ne paraît pas illusoire. L'agriculture est le seul secteur économique dans lequel on met en production sans connaître exactement le prix auquel on va vendre : n'importe quel industriel qui lance une chaîne de production est à peu près certain du prix de ses matières premières et de celui de son produit fini.

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