Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du vendredi 7 juin 2019 à 9h30
Mobilités — Article 20

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Je me félicite qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, on puisse à nouveau débattre de la question des droits des travailleurs des plateformes, en particulier de celles concernant la mobilité, qui présentent une incontestable spécificité. Cette forme de mobilité est devenue une activité ancrée dans l'économie, dans la société, et connaît un fort développement. Elle permet à de nombreux jeunes de bénéficier d'opportunités d'emploi qu'ils n'auraient certainement pas connues autrement, et, pour certains, de bien gagner leur vie, d'autres, moins. Cela étant, cette activité n'est certainement pas assez encadrée aujourd'hui ; elle appelle la définition de nouvelles règles adaptées à cette nouvelle économie, à ces nouveaux travailleurs indépendants – il s'agit bien, j'y insiste, de travailleurs indépendants. Vous ne trouverez pas un seul chauffeur ou un seul livreur – ou alors, à la marge – pour vous dire qu'il aspire à un statut de salarié. En revanche, ils demandent à pouvoir bénéficier de protections, qui apparaissent légitimes : on assiste à de réels phénomènes de précarisation ; les chauffeurs et les livreurs connaissent une situation spécifique, dans la mesure où ils sont très liés, d'un point de vue économique, à une, deux ou trois entreprises. Il faut rééquilibrer, sur plusieurs points, la relation les unissant à ces sociétés.

La charte peut être un bon outil pour ce faire, à condition de savoir précisément ce qu'on en attend. De fait, ces chartes, qui visent à encourager la responsabilité sociale des entreprises, ne doivent pas se substituer à une protection sociale publique. Je rappelle que dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, où nous avions mis cette question en débat pour la première fois, nous avons créé des droits publics pour les travailleurs indépendants, notamment un droit au chômage financé par l'impôt – par la CSG. Il faudra, à l'avenir, aller plus loin dans cette voie.

De nombreuses questions pourraient néanmoins être traitées par ces chartes, comme les conditions de travail qui lient les travailleurs à la plateforme ou les modalités selon lesquelles une plateforme peut rompre ses relations de travail, qui ne sont aujourd'hui pas encadrées et que la charte permettra d'encadrer. Aujourd'hui, par exemple, un chauffeur Uber – je prends cet exemple car la plateforme est très connue – ne sait pas toujours pourquoi il peut être déréférencé, ni comment est calculé le prix auquel il peut prétendre. Demain, les chartes lui permettront de le savoir. Ce sera le cas pour toute une série d'autres points. Les chartes peuvent également contenir des avancées en matière de droits sociaux en cas d'accident de travail ou d'arrêt maladie, ce qui serait très utile.

Il faut néanmoins ajouter dans la loi plusieurs droits « en dur ». C'est ce qu'a fait Bérangère Couillard, dont je tiens à saluer le travail, en intégrant le droit à la déconnexion, le droit de refuser une course et le droit de connaître le prix d'une course, qui ne doivent pas être optionnels et ne doivent donc pas être prévus dans la charte, mais bien dans la loi. Il y a là un socle de droits à construire. C'est très bien, et il faut même aller un peu plus loin. Je proposerai ainsi quelques amendements visant à construire un droit à la représentation de ces travailleurs et le droit à un prix minimum.

Gardons cependant à l'esprit, chers collègues, qu'il s'agit bien de travailleurs indépendants, même s'ils sont parfois précarisés sur le plan économique. C'est à nous de construire des droits sociaux pour mieux les accompagner et de les mettre en situation de négocier avec ces plateformes, mais dans le cadre nouveau qu'est celui du travail indépendant et de cette économie des plateformes, et non pas avec les vieilles recettes qui, si elles peuvent être très utiles pour le monde du salariat classique, ne sont pas adaptées à cette économie-là.

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