Intervention de Philippe Chalmin

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires :

Sur le premier point, je n'ai pas l'impression d'avoir tant changé. Pendant longtemps, nous avons vécu en Europe, à l'abri du marché mondial. Les prix étaient déterminés, lors des marathons agricoles, au moins pour les grands produits tels les céréales, les produits laitiers et dans une moindre mesure, la viande bovine. Les fruits et légumes, la pomme de terre et le porc ont toujours été totalement à part. Tout ceci a changé depuis 2006 avec la fin du système céréalier, puis la fin des quotas laitiers et ensuite la fin des quotas sucriers. Nous nous retrouvons dans une logique marquée par l'instabilité la plus totale. J'ai été très frappé de voir comment le monde agricole – c'est-à-dire les agriculteurs et notamment les céréaliers – s'est habitué à ce nouveau contexte d'instabilité. Pour cela, ces professionnels se sont appuyés soit sur leurs coopératives ou leur négoce en fixant le prix relativement longtemps à l'avance, soit sur les marchés à terme ou au moins les options.

Les choses ont évolué et cela a favorisé le développement de nouveaux comportements ainsi que la création de structures basées sur le modèle Offre et demande agricole (ODA), qui ont joué un rôle de conseil puisque l'agriculteur se trouve confronté naturellement à une fonction spéculative. Par exemple, aujourd'hui le marché du blé est à 175 euros la tonne, soit 155 euros bord champ. Je vends ou je ne vends pas ? Si je vends, c'est que je pense, et donc je spécule, que demain le prix sera plus faible. Si je ne vends pas, c'est que je pense, et donc je spécule, que demain le prix sera plus élevé. Je peux également utiliser les outils du marché : par exemple, si le prix était intéressant, je pourrais déjà « pricer » et mettre le prix sur une partie de ma récolte 2020.

On a donc un outil, qui, bien utilisé, permet d'avoir une gestion voire une stabilisation par anticipation du prix. Là où nous avons un vrai problème, c'est sur les viandes et les produits laitiers car là on n'a pas marché à terme. Pour permettre aux agriculteurs de mieux vivre cette instabilité, je pense qu'il faudrait entrer dans des logiques contractuelles qui permettraient éventuellement de garantir un prix. Mais pour garantir un prix encore faut-il qu'il existe un marché de référence sur lequel on pourrait s'accorder. Ça commence à se faire dans le domaine porcin. Il existe aujourd'hui un industriel qui s'engage sur des prix sur le long terme avec comme benchmark le prix du marché au cadran de Plérin. Cela garantit la stabilité du prix par le paiement d'un supplément si le prix de Plérin est moins élevé et le remboursement de la différence si le prix est plus élevé. Dans le domaine laitier qui a été un des grands soucis des EGAlim – M. Travert doit s'en souvenir –, ce type d'outil n'existe pas encore. Euronext a essayé de monter quelque chose mais ça n'a pas marché. On a des cotations de référence à Leipzig qui ne sont pas suffisantes. Je ne vous le cache pas, le problème laitier est, au sein de l'Observatoire, un de nos soucis majeurs.

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