Intervention de Stéphane Demilly

Séance en hémicycle du mercredi 12 juin 2019 à 21h30
Mobilités — Après l'article 28

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Ils ont fait l'objet d'échanges très nourris en commission entre des députés et le Gouvernement.

Il s'agit d'élargir le panel des innovations que le projet de loi peut encadrer en faveur des mobilités, en permettant aux AOM – les autorités organisatrices de la mobilité – compétentes, en particulier les métropoles, d'expérimenter, pour une durée limitée à trois ans, la mise en oeuvre de péages inversés – aussi appelés « péages positifs » – dans le but de limiter la congestion automobile à l'entrée des agglomérations aux heures de pointe. Ce dispositif de lissage des pics de circulation repose sur le volontariat des automobilistes, sur l'incitation plutôt que sur la contrainte, afin de faire évoluer les habitudes de déplacement : lorsque les automobilistes acceptent de ne plus utiliser leur véhicule aux heures de pointe, que ce soit en différant leur trajet ou en empruntant les transports en commun, ils reçoivent une somme de quelques euros. Ce dispositif est déjà expérimenté chez certains de nos voisins européens, en particulier aux Pays-Bas, à Rotterdam, où il a permis une diminution de 6 à 8 % de la congestion automobile, ce qui n'est pas négligeable, vous en conviendrez.

Le dispositif nécessite cependant la collecte par vidéorepérage des plaques d'immatriculation sur les axes empruntés, par conséquent le traitement de données à caractère personnel qu'il convient de considérer avec toute l'attention requise, notamment au regard du règlement européen sur la protection des données personnelles et de la loi relative à l'informatique et aux libertés. Proposé par voie d'amendement en commission au Sénat, à l'initiative de plusieurs groupes parlementaires, il a été rejeté au motif qu'il n'offrait pas suffisamment de garanties quant à la protection de la liberté fondamentale d'aller et de venir. Depuis lors, la CNIL – la Commission nationale de l'informatique et des libertés – , sollicitée sur ce projet, a estimé que l'amendement, dans la rédaction du Sénat, comportait d'ores et déjà un socle de garanties, susceptible d'être complété par la reconnaissance explicite d'un droit d'opposition, la précision de la durée de conservation des données recueillies et la mention d'un terme explicite à la période de leur collecte. Ces différents aspects ont donc été intégrés à la nouvelle version de l'amendement.

Le dispositif proposé, entouré de toutes les garanties propres à la protection des données personnelles et au respect des libertés fondamentales, est attendu avec intérêt, vous le savez, par plusieurs agglomérations susceptibles de l'expérimenter : la métropole européenne de Lille, par exemple, a déjà manifesté son intérêt.

En commission, le Gouvernement a renvoyé aux autres dispositifs prévus dans le projet de loi – à savoir les zones à faibles émissions et les zones à trafic limité. Toutefois, réduire la pollution est un objectif qui relève à la fois de la protection de l'environnement et de la santé publique, ce qui suppose l'implication des collectivités locales. C'est pourquoi notre groupe pense vraiment nécessaire de leur en donner les moyens. De fait, il n'y a pas d'objection sérieuse à ce que le projet de loi mette à la disposition des acteurs publics une boîte à outils qui leur permette de mettre en oeuvre des solutions adaptées aux réalités des territoires et au degré de sensibilisation et de volontarisme des acteurs locaux.

Concernant la collecte des données, nous avons considéré avec attention les recommandations de la CNIL et les avons intégrées au dispositif – dont elle soulignait déjà, je le répète, qu'il comportait un socle de garanties. La nécessaire collecte des données préalable à l'expérimentation, certes importante, s'opérerait donc non pas à la légère mais conformément aux prescriptions de la CNIL – car nous sommes dans un cadre bien défini. J'ajoute que l'on pourrait prévoir un suivi opérationnel de la collecte sous l'égide de la CNIL, de manière à ce que toutes les garanties soient apportées quant au respect des libertés individuelles et au traitement des données.

Enfin, je précise qu'il ne s'agirait pas d'un dispositif généralisé sur tout le territoire mais d'une expérimentation dont l'un des objectifs est bien de mesurer ses conditions de faisabilité, afin d'y apporter les corrections éventuellement nécessaires. Nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement qui va dans le sens de l'expérimentation locale et de l'innovation en faveur des mobilités.

Quant au no 2094, il s'agit d'un amendement de repli. Il tend, comme le précédent, à permettre aux autorités organisatrices de la mobilité, dans le cadre d'une expérimentation, de proposer aux automobilistes habitués à circuler en heures de pointe d'adhérer à un programme volontaire incitatif encourageant l'évitement de ces créneaux horaires. Mais il en réduit le périmètre à deux départements au lieu de cinq, réaffirmant ainsi le caractère expérimental de la mesure. L'expérimentation a pour but d'ancrer chez les automobilistes des habitudes durables visant à délaisser les créneaux horaires de circulation les plus congestionnés. Une évaluation, réalisée au terme de l'expérimentation, permettra d'en mesurer les effets sur la densité de la circulation automobile aux heures de pointe et bien entendu sur la pollution de l'air.

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