Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du vendredi 14 juin 2019 à 9h30
Mobilités — Après l'article 1er b (amendements précédemment réservés)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Mon collègue Dominique Potier, qui a déposé ces amendements, vous prie d'excuser son absence : il rencontre des salariés de Saint-Gobain dans sa circonscription.

Les amendements nos 3248 et 3247 sont importants car ils tirent les conséquences de l'écart entre l'impact écologique d'un trajet en avion et d'un trajet en train pour une même liaison. En la matière, nous disposons de nombreux renseignements précieux, de rapports divers et variés, européens, comme celui de l'Agence européenne de l'environnement, ou nationaux, comme celui de M. Spinetta, dans lequel ce dernier comparait opportunément les trajets en train et en avion, préconisant le recours au fer. Quant à l'Agence européenne de l'environnement, elle a estimé que la production de gaz à effet de serre serait en moyenne de 14 grammes par passager et par kilomètre effectué à bord d'un train contre environ 285 grammes à bord d'un avion.

Nous proposons donc, lorsqu'une alternative ferroviaire comparable existe à l'avion, qu'une taxe d'empreinte carbone aérienne s'ajoute au prix du billet acquitté par le passager aérien : c'est assez simple et assez clair. Elle correspondrait à 20 % du prix moyen du billet de train sur le même trajet et ne s'appliquerait que lorsque la durée du trajet en train n'est pas excessivement plus longue qu'en avion. Le rapport Spinetta contient là encore des informations intéressantes. Souvent, on argue de la possibilité de privilégier le train pour des allers-retours effectués, par exemple, au titre de voyages d'affaires entre Paris et Lyon, Toulouse ou Marseille. La taxe s'appliquerait ainsi à un Paris-Marseille, par exemple, mais pas à un Paris-Biarritz.

Le produit de cette taxe serait reversé à l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, dont, ces derniers jours, sur tous les bancs, nous avons eu l'occasion de souligner le manque de moyens financiers. J'ai d'ailleurs lu une tribune récente, publiée dans Les Échos, soulignant ce manque criant ; elle était notamment signée par la présidente de notre commission, ici présente, mais aussi par Philippe Duron, qui a piloté les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures.

Voilà donc une source de financement loin d'être négligeable mais aussi vertueuse puisque le fer serait privilégié par rapport à l'avion pour le type de trajets que j'ai évoqués. Idéalement, ce produit devrait être fléché vers le financement de la maintenance, du renouvellement et du développement du réseau ferré conventionnel, notamment des petites lignes, qui ont fait l'objet d'un long débat hier ou avant-hier. Si nous voulons offrir une alternative à certaines catégories de transports, notamment ceux du quotidien, dits « pendulaires », entre le domicile et le travail, il faut investir, là où c'est possible, non seulement dans le matériel roulant mais aussi dans les voies et les signalisations. Voilà une source de financement parfaitement imaginable.

N'ayons pas peur des mots : cette sorte de taxe carbone aérienne, si j'ose dire, serait péréquatrice, au sens où les passagers aériens qui pourraient raisonnablement prendre le train financeraient l'infrastructure ferroviaire des trains du quotidien, dont vous avez fait une priorité pendant toute la défense du présent texte. Nous avons là un parfait exemple d'une mesure apportant une source de financement et favorisant ce type de transport.

Vous comprenez, madame la ministre, qu'il n'est pas possible d'apporter cette précision dans le corps du texte, pour satisfaire aux exigences de l'article 40 de la Constitution, mais nos amendements prévoient que la taxe ne s'appliquerait qu'aux vols effectués à compter du 1er janvier 2021. En effet, à l'exception des compagnies low cost, la plupart des compagnies aériennes commercialisent leurs vols environ neuf mois à l'avance. Cette date d'entrée en vigueur différée vise donc à tenir compte de ce délai et de la durée d'examen du projet de loi.

Cette nuit, nous avons eu un débat intéressant, pas seulement sur la taxation du kérosène, à propos de laquelle, je tiens à le préciser, mon collègue Dominique Potier a commencé une argumentation, mais sur la suppression de l'exonération de TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – applicable au kérosène, ce qui est assez différent. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle taxe mais de constater que celle-ci frappe les nombreuses personnes qui vont travailler chaque jour et qu'il n'en est pas de même pour les transports aériens intérieurs. Je salue le remarquable travail de mon collègue Dominique Potier, qui a démontré que cela représenterait seulement 9,90 euros pour un billet Paris-Toulouse et 11 euros pour un Paris-Marseille.

Or cette mesure serait non seulement bonne pour l'environnement mais aussi juste. Au mois de novembre dernier, au début du mouvement des gilets jaunes, nombre d'entre eux ne comprenaient pas pourquoi ils subissaient une telle taxation pour leur déplacement en voiture, faute d'alternative, contrairement aux personnes voyageant en avion.

À quelques heures du Salon du Bourget, j'ajoute qu'une croissance assez remarquable du trafic aérien est prévue, en France et partout dans le monde, et je ne pense pas qu'une telle mesure viendrait l'entraver. Cela n'aurait pas d'effet non plus sur la concurrence compte tenu du niveau de compétitivité d'Air France.

Un autre point important figure dans un amendement que nous avons défendu cette nuit, avec mon collègue Dominique Potier : la mesure que nous avons proposée ne s'applique bien évidemment pas aux vols dits « de continuité territoriale » : nos amendements le précisent et modifient le code général des impôts. Nous avons été sérieux car, permettez-moi d'insister, il n'est pas possible de laisser de côté la question du transport aérien lorsqu'on traite des mobilités.

Par ailleurs, j'avais cru comprendre que le fer était une priorité. Les amendements que je viens de défendre attestent qu'il est possible d'adresser un signal fort et de ne pas défavoriser ce mode de transport par rapport à l'aérien, alors qu'un certain nombre de lignes ont été en quelque sorte fragilisées, nous le constatons tous.

L'adoption de cette mesure responsable et vertueuse adresserait un bon signal aux Français.

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