Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Doroszczuk, président de l'ASN :

– Je pense que cette durée de trente-cinq ans a été retenue pour qu'elle corresponde justement au passage entre le troisième et le quatrième réexamen de sûreté. Elle permet d'enclencher le processus d'autorisation au cas par cas, installation par installation, à partir de la VD4.

Dans l'instruction de l'avis générique, il reste encore quelques sujets à fort enjeu sur lesquels les discussions sont en cours avec l'IRSN, notre appui technique, et l'exploitant. Par exemple, cela concerne le système de refroidissement de l'enceinte en cas de situation accidentelle, ou l'épaisseur du radier, en termes de tenue au corium en cas de fusion du coeur. Nous devrions pouvoir prendre des décisions d'ici fin 2020 pour ce qui concerne la prolongation des réacteurs de 900 mégawatts.

Comme cela a été dit, la sécurité des piscines de combustible n'est pas du ressort direct de l'ASN. En revanche, s'agissant du dimensionnement des piscines – je pense notamment au nouveau projet de piscine centralisée, nous prenons en compte l'ensemble des risques, à la fois sur les aspects sûreté et sécurité, qu'il s'agisse du dimensionnement ou de la protection de ces piscines vis-à-vis d'événements extérieurs. Il ne s'agit pas d'imposer une « bunkerisation » pour des risques d'attentats, mais un renforcement, par exemple pour faire face à une chute d'avion, ce qui permettra aussi d'améliorer la résistance face aux situations d'attentat.

Lorsque nous procédons à des réexamens de sûreté, nous essayons d'améliorer les conditions de sûreté des piscines existantes dans les réacteurs, sans pour autant pouvoir aller jusqu'à la « bunkerisation ». Il n'est pas envisageable, sur les réacteurs actuels, de réaliser des travaux de ce type, ce qui n'empêche pas de pouvoir progresser en matière de sûreté. Je rappelle que pour l'EPR, comme cela a été dit, les piscines sont protégées de manière renforcée par rapport aux réacteurs précédents.

En ce qui concerne la commission des sanctions, depuis le 1er avril 2019, nous disposons des textes réglementaires nous permettant de la mettre en place. Nous avons déjà engagé le processus. Cette commission sera composée de quatre membres, dont deux nommés par le Conseil d'État et deux par la Cour de cassation. Deux membres ont déjà été désignés. Les deux autres le seront d'ici la fin de l'année. Nous sommes en train d'élaborer un projet de règlement intérieur. Il devra être soumis aux membres de cette commission, une fois ceux-ci désignés. Notre objectif est de mettre en place cette commission des sanctions d'ici la fin de cette année.

La situation particulière du CEA a été évoquée, notamment les limites liées à ses ressources financières, qui dépendent du budget de l'État. C'est exactement le sujet que nous avons traité dans le cadre de la priorisation des opérations de conditionnement, de reprise des déchets anciens et de démantèlement. Il est clair que les moyens financiers – cela s'applique aujourd'hui au CEA, mais cela pourrait s'appliquer à tout autre opérateur dans le futur, dès lors qu'ils dépendent de ressources affectées par l'État, peuvent se voir réduits ou limités. Il s'agit donc d'un vrai sujet concernant les opérations liées à la sûreté.

Pour pouvoir réaliser des travaux dans le cadre des contraintes budgétaires actuellement connues, le CEA a mené un travail approfondi de définition d'une stratégie, que nous avons expertisée. Néanmoins, nous estimons de notre responsabilité d'alerter sur cette insuffisance de ressources budgétaires. C'est ce que nous comptons faire, suite à l'avis que nous allons émettre sur les opérations de démantèlement du CEA, afin d'attirer l'attention du Premier ministre sur les risques liés au besoin en ressources supplémentaires qui, selon nous, seraient nécessaires pour que le CEA puisse faire face à ses obligations.

En ce qui concerne les déchets bitumés, comme je l'ai rapidement indiqué, nous avons mis en place en 2018 une revue pluridisciplinaire qui associe un certain nombre d'experts étrangers. Parmi les membres de cette revue, se trouvent aujourd'hui les exploitants, des experts techniques français, des spécialistes du bitume, des sociétés d'ingénierie, mais aussi huit experts étrangers. Nous avons eu, très récemment, un point d'étape de cette revue. Elle n'est pas achevée. Les conclusions seront présentées au groupe de travail du PNGMDR en septembre.

À ce stade, cette revue conclut que les deux voies qui avaient été mises en débat restent envisageables : celle de l'incinération des déchets bitumés, qui pose bien sûr des questions en termes d'impact environnemental, mais qui permettrait de réduire leur volume et leur nocivité, comme celle du stockage en l'état des déchets. En revanche, la revue définira et présentera en septembre prochain les conditions dans lesquelles ces études de faisabilité devraient être réalisées pour que ces deux voies, ou l'une de ces deux voies, puissent être acceptées in fine.

Concernant le signalement des fraudes au Creusot, j'ai déjà indiqué que les exploitants ont mis en place des actions importantes en termes de contrôle et de détection des fraudes. C'est le premier niveau de défense : l'exploitant et le fabricant doivent renforcer leurs contrôles, de manière à pouvoir détecter les fraudes éventuelles. A également été décidé un renforcement des inspections de l'ASN, ciblées sur les fraudes, ce que nous avons commencé à faire, et que nous développons cette année.

Le troisième niveau de défense par rapport aux risques de fraude, est l'ouverture du signalement extérieur. Nous avons ouvert, sur notre site Internet, une possibilité pour les lanceurs d'alertes de signaler des fraudes potentielles. Aujourd'hui, la grande majorité des signalements que nous recevons proviennent des fabricants et des exploitants qui, dans le cadre de leurs contrôles, détectent des soupçons de fraude ou des fraudes. Ces signalements sont traités et font l'objet, à chaque fois, d'une analyse approfondie, pour déterminer les suites à donner et, le cas échéant, les actions correctives à réaliser. Nous avons aujourd'hui enregistré vingt-deux signalements externes, ce qui est faible. Ils peuvent provenir à la fois du site Internet et de simples signalements par courrier ou oraux, notamment auprès de nos divisions régionales. Sur ces vingt-deux signalements, seulement sept ont été faits via le dispositif du portail Internet. Nous les avons instruits. Lorsque les fraudes étaient avérées, nous avons informé les procureurs de leur existence.

Ces fraudes présentent une typologie comparable. Les cas principaux concernent : des usages de mauvais matériaux – ne disposant pas du matériau requis on en a pris un autre, des essais non réalisés ou des résultats d'essais modifiés, et l'usurpation d'identité. Un certain nombre d'opérations, notamment le soudage et les contrôles non destructifs, ne pouvant être réalisées que par des personnes qualifiées, il existe une possibilité de fraude, consistant à se faire passer pour quelqu'un d'autre pour réaliser ces opérations.

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