Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Doroszczuk, président de l'ASN :

– En ce qui concerne la question relative aux enjeux des changements climatiques pour la sûreté nucléaire, la répétition d'épisodes de sécheresse ou d'étiage importants peut effectivement constituer un sujet de sûreté, aujourd'hui bien identifié. Lorsqu'on connaît en France de telles situations, des dispositions de repli des tranches nucléaires sont prévues. Par exemple, si le débit d'eau n'est pas suffisant, a fortiori si les rejets ne peuvent pas être suffisamment dilués, ou si la température de l'eau est trop élevée et ne permet pas un refroidissement efficace, les tranches nucléaires sont mises en sécurité et fonctionnent en îlotage. Si le réchauffement climatique conduisait à la répétition de ces événements de sécheresse ou de canicule, cela aurait une incidence sur la disponibilité des tranches nucléaires. En général, ces épisodes se produisent plutôt en périodes estivales, avec une demande un peu moins forte d'électricité. Mais c'est un vrai sujet pour le futur.

En ce qui concerne la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et le prolongement des centrales, il est clair que nous n'avons pas encore pris position sur la partie générique du réexamen des réacteurs de 900 mégawatts, et que chacun des réacteurs sera réexaminé au cas par cas. Il est possible, même si on ne peut le postuler d'entrée, que des conditions soient mises à la poursuite du fonctionnement de certains réacteurs, imposant des modifications ou des travaux de grande ampleur, sur lesquels EDF devra prendre position. Ce sera un choix industriel entre réaliser ces travaux ou ces modifications pour atteindre le niveau de sûreté attendu, qui tend à se rapprocher de celui du réacteur EPR, ou décider de mettre les réacteurs en question sur la liste de ceux devant être arrêtés d'ici 2035. Personne ne peut préjuger aujourd'hui de la réponse, ni même des conclusions du réexamen.

En ce qui concerne la situation financière des grands exploitants nucléaires, les marges de manoeuvre ne sont pas les mêmes selon que l'on est un exploitant public ou privé. Ce qui nous préoccupe avant toute chose, indépendamment du statut public ou privé, c'est que les moyens financiers et humains consacrés à la sûreté nucléaire restent suffisants. La loi prévoit d'ailleurs que les capacités techniques et financières des exploitants doivent être suffisantes. Nous le vérifions à l'occasion, d'inspections ou d'auditions, afin de nous assurer que les moyens financiers et les ressources humaines sont disponibles pour mettre en place les dispositions de sûreté qui sont nécessaires.

Sur la question du programme budgétaire et de l'avis de l'ASN sur ses ressources, j'indique que nous avons souhaité publier cet avis en même temps que nous vous remettons et présentons le bilan sur la sûreté 2018.

Cet avis découle d'un double constat : le premier, c'est que les ressources, notamment financières de l'ASN, sont aujourd'hui en tension. Il existe pour le futur de véritables interrogations, compte tenu des décisions budgétaires qui pourraient survenir, y compris pour l'ASN. Cela pose un vrai problème par rapport au nombre de dossiers que nous avons à instruire et aux délais à respecter pour pouvoir les instruire.

Outre les éventuelles régulations budgétaires, nous connaissons une certaine sous-dotation de nos ressources budgétaires en crédits de personnel, dont le calcul ne prend pas en compte l'effet en année pleine des renforcements dont nous avons bénéficié, avec l'appui des parlementaires et du Gouvernement, ces dernières années. Autrement dit, nous avons eu des renforts en effectif, mais nous n'avons pas eu les dotations en crédits de personnel suffisantes pour les rémunérer. Aujourd'hui, nous devons, par fongibilité asymétrique, utiliser notre budget de fonctionnement pour rémunérer des personnels mis à notre disposition. C'est pourquoi nous avons demandé une révision du montant de notre subvention sur le titre 2 des crédits de personnel, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

Le deuxième sujet que nous soulevons est directement lié aux recommandations émises par la Cour des comptes à la fin 2018, à l'issue de son contrôle de l'ASN. Dans le relevé de conclusions de la Cour des comptes, deux points appelant des corrections étaient explicitement indiqués. Le premier concerne le manque de visibilité des ressources de l'ASN. Aujourd'hui, nos ressources dépendent de cinq programmes budgétaires différents, dont aucun n'est sous la responsabilité de l'ASN. La visibilité budgétaire n'est assurée ni pour les parlementaires, ni pour le public, pour identifier les crédits destinés au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Aussi, demandons-nous dans notre avis la création d'un programme budgétaire spécifique au contrôle de la sûreté et de la radioprotection, qui serait directement sous la responsabilité du président de l'ASN.

L'autre point évoqué par la Cour des comptes est celui du financement à long terme, que j'ai évoqué. Nous sommes aujourd'hui soumis, d'une certaine manière, à un risque de régulation budgétaire, parce que les ressources dont nous disposons sont directement issues du budget de l'État. Mes prédécesseurs avaient évoqué à plusieurs reprises l'idée compliquée que l'ASN puisse bénéficier du produit d'une taxe additionnelle affectée, assise sur les installations nucléaires de base, comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui pour l'IRSN et l'ANDRA, mais pas pour l'ASN. Ce n'est peut-être pas la bonne voie, mais un financement stable est nécessaire à l'indépendance de l'ASN.

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