Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 21h30
Sur-exécutions et sous-exécutions des lois de finances — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

On peut reconnaître que l'année 2018 a été marquée par une gestion des dépenses de l'État globalement conforme à la prévision initiale. J'ai, avec Charles de Courson, suffisamment débusqué certains artifices comme autant d'atteintes à la vertu budgétaire pour porter cet effort au crédit du Gouvernement. Preuve en est – cela a déjà été dit – qu'aucun décret d'avance en cours d'année ne fut nécessaire, alors que les gestions précédentes en avaient connu deux, parfois trois. Ainsi, les sous-budgétisations ont été limitées à 1,5 milliard d'euros en 2018, contre 4,4 milliards d'euros en 2017, même si, comme l'a très bien dit Valérie Rabault, on peut être surpris par certaines sous-budgétisations quand on connaît la technicité de Bercy. Cela peut laisser cours à toutes les interprétations… Le groupe Libertés et territoires salue cependant le fait que le Gouvernement a su tenir l'enveloppe de dépenses dans le cadre des autorisations budgétaires, grâce à l'amélioration de la qualité de la budgétisation initiale.

Les annulations et ouvertures de crédits comptent également parmi les plus basses depuis l'entrée en vigueur de la LOLF. Je voudrais en outre souligner, à l'instar de la Cour des comptes, le faible niveau de la réserve, dont le taux est passé de 8 % en 2017 à 3 % en 2018. On rompt avec le fameux principe de sur-gel bien connu de ceux qui fréquentent le budget depuis quelques années.

Mais malgré ces satisfecit, certaines pratiques de gestion persistent. Cela ne surprendra pas le rapporteur général, qui est devenu un fin limier en la matière. Je pense, par exemple, au maintien de sous-budgétisations dans le domaine des opérations extérieures – à hauteur de 600 millions d'euros. On sait qu'il faudra 600 millions de plus, mais on reste figé sur une somme dont on sait qu'elle n'est absolument pas réaliste.

Par ailleurs, la Cour des comptes a relevé l'utilisation inappropriée de la dotation pour dépenses accidentelles ou imprévisibles, de 124 millions d'euros en 2018. Cette enveloppe a été utilisée non pour financer des dépenses accidentelles ou imprévisibles, mais pour combler des sous-budgétisations, notamment celle liée au mécanisme européen de stabilité, à hauteur de 100 millions d'euros – comprenne qui pourra – et pour couvrir un besoin de personnel, identifié dès le début de la gestion, pour la mission « Action extérieure de l'État ».

La présente résolution a pour but d'inviter le Gouvernement à prévenir et à corriger les sur-exécutions et les sous-exécutions des lois de finances. Nous ne saurions que l'encourager dans cette voie.

Je voudrais cependant rappeler ici que la dotation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, qui a vu son déficit atteindre 2,7 millions d'euros en 2017, souffre chaque année d'un manque de moyens. Son budget a, il est vrai, augmenté de 54 % entre 2012 et 2017, mais la dernière LFI prévoit des crédits inférieurs à l'exercice 2012, alors même qu'aucune diminution des dépenses n'est envisagée. On sait donc très bien qu'il y a sous-budgétisation !

Rappelons-le, la sincérité budgétaire, que le Conseil constitutionnel doit apprécier, peut être jugée au regard de plusieurs principes : l'exhaustivité, la cohérence, l'exactitude des informations financières. L'insincérité du budget, en ce qu'elle obère la capacité du Parlement à appréhender l'action publique d'une façon globale et claire, constitue une atteinte à notre organisation démocratique. En effet, les sous-budgétisations peuvent être à l'origine d'aléas de gestion aboutissant à ce que les budgets exécutés diffèrent largement des budgets votés. Or, ai-je besoin de rappeler que l'exécution du budget de l'État obéit à un certain nombre de règles qui visent à garantir que celle-ci se réalisera au plus près de la volonté exprimée par le Parlement ?

Puisque nous évoquons le contrôle par le Parlement de l'exécution du budget, permettez-moi quelques remarques sur le printemps de l'évaluation au moment où nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de règlement. Tout d'abord, il faut regretter que le temps de parole accordé aux groupes parlementaires, en particulier à l'opposition, lors de l'examen de chacune des missions soit limité à deux minutes. Nous avons beau être capables de faire très vite et très bien en deux minutes, cela peut s'avérer compliqué pour des missions d'envergure. Ensuite, je voudrais préciser que le contrôle du budget par le Parlement ne saurait se limiter à en examiner la sincérité, sans évaluer le rapport entre les moyens engagés et l'efficacité – ce qui nous ramène à la résolution précédente.

Vous l'aurez compris, nous ne pouvons qu'encourager le Gouvernement à prévenir et à corriger les sur-exécutions et les sous-exécutions des lois de finances. Cette résolution, au-delà d'améliorer la démarche de sincérisation des comptes publics, répond à un besoin de transparence vis-à-vis du Parlement, mais surtout vis-à-vis de nos concitoyens.

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